Et un autre “ennemi” du JSF, lui aussi intérieur: le F-22

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Il se confirme chaque jour davantage que l’évolution des esprits au Pentagone considère que le JSF doit désormais se débarrasser du F-22, pour, à la fois, survivre et triompher. La paranoïa est très grande à l’intérieur de ce qu’il faut désormais nommer une “bureaucratie du JSF”, – à la fois établie fermement au sein du Pentagone, mais également transnationale et globalisée avec les correspondants dans les pays non-US participant au programme. Désormais, le F-22 est présenté quasiment de façon explicite comme le concurrent direct du JSF, le programme qui empêche le JSF de devenir l’exclusif avion de combat du Pentagone pour le XXIème siècle. (Comme on l’a vu, le F/A-18E/F est un autre adversaire “intérieur” à éliminer, mais moins au niveau budgétaire et de la programmation que, paradoxalement, sur les marchés extérieurs.)

Ce passage dans un très long article de Aviation Week & Space Technology du 14 juillet (accès payant) situe bien cette évolution des esprits. Désormais, comme on le voit, l’élimination de la direction de l’USAF (démission exigée par Gates du ministre de l’Air Force Wynne et du chef d’état-major Moselery, effective le 5 juin) est présentée comme un véritable “coup” anti-F-22.

«One determining factor for the Pentagon’s near-term plans to buy more F-35s is whether the Air Force’s F-22 budget is zeroed out, allowing that Lockheed Martin production line to close finally. With the resignations of the F-22’s top two champions in the Pentagon—Secretary Michael Wynne and Chief of Staff Gen. T. Michael Moseley of the Air Force—it is unlikely production of the twin-engine stealth fighter will continue, unless Congress steps in with a directive. Funding set aside for the F-22 would probably flow to the F-35, boosting the near-term buys and helping to smooth the ramp-up and reduce the cost of the early aircraft.»

Ce passage est très remarquable et étonnant sur le fond. Il semble faire du F-22 une espèce de relique du passé qui n’était plus soutenue que par deux hommes, Wynne et Moseley, – ce qui est, à tout le moins, une analyse bien excessive; il reste à démontrer que plus personne, dans l’USAF et au Congrès, ne soutient le F-22. Il semble également donner la clef du financement futur du JSF, – car il est évident que la pincée actuelle de $milliards alloués au JSF dans le budget DoD (autour de 5-7 $milliards par an, selon les années) n’est pas suffisante. Ce financement viendrait donc du transfert des fonds réservés au F-22 vers le JSF. L’affirmation est surprenante dans la mesure où le F-22 est officiellement terminé avec la production des derniers exemplaires de la série des 183 et la fermeture prochaine de la chaîne; par conséquent, aucun poste F-22 dans le budget n’est plus programmé sauf décision contraire, notamment du Congrès éventuellement.

…Ce qui conduit à observer que le “coup” anti-F-22, présenté ici comme une victoire décisive, n’a porté en fait que sur une opposition à une initiative soutenue par l’USAF de prolonger le programme F-22 au-delà des 183 exemplaires. La “victoire” du JSF n’est en réalité que la confirmation de la programmation en cours, où le F-22 ne figure plus. On retrouve l’outrance virtualiste qui accompagne la paranoïa du programme JSF, où l’on se fabrique des “ennemis” pour pouvoir mieux justifier de “victoires” contre eux, et ainsi poursuivre l’œuvre de “construction de la confiance” dans le programme JSF.

Tout cela laisse ouverte la question de la justification du choix. La proposition de l’USAF de passer de 183 à 381 F-22, toutes choses égales par ailleurs, a l’évident avantage de rentabiliser en partie un programme dont le coût économique a été d’ores et déjà payé, et par conséquent, de faire passer le prix de l’avion de plus de $200 millions (+/- $220 millions) l’unité à moins de $200 millions (+/- $180 millions), et cela pour un avion qui semble à peu près stabilisé et qui a des capacités considérables. Le choix de tout tabler désormais sur le JSF représente un risque intrinsèque pour le Pentagone, basé sur la promesse d’une rentabilité dont tous les précédents disent que cette sorte de promesse a toujours été démentie.

D’autre part, les risques attachés au développement du JSF sont très sérieux. Bill Sweetman, rédacteur en chef de Defense & Technology International du groupe McGraw-Hill (qui publie également Aviation Week), a fait sur son blog, en date du 7 juillet, une intéressante comparaison entre le F-22 et le JSF par rapport à leur date similaire de développement/essais en vol (19 mois, stade actuel pour le JSF). L’idée est la suivante : «The F-35A made its first flight in December 2006, so we are now about 19 months into the test program. The F-22 flew in September 1997. What had been accomplished in April 1999, 19 months after that event?»

La réponse est la suivante, après diverses considérations et références techniques… (C’est une réponse très pessimiste par rapport à la programmation actuelle du programme JSF et en se référant à la lenteur de ces 19 mois de développement/essais en vol par rapport aux 19 mois du F-22; alors que le JSF est très en retard sur le F-22, sa programmation affirme qu’il atteindra un premier statut pré-opérationnel dans quatre ans alors qu’il fallut 5 ans et demi au F-22 pour l’atteindre):

«There are real reasons for the difference. The longer delay between the first and second F-35s reflects the fact that BF-1 incorporates the major redesign carried out in 2004-2005 to fight weight gain. The first aircraft was grounded for a time because of problems with the flight control actuators last year.

»But still this underlines how much work has to be done to meet the stated initial operating capability dates for JSF: mid-2012 for the Marines (four years from now), a year later for the USAF. In April 1999, the F-22 was still five and a half years from IOC.

»To put it another way: JSF plans some 66 months from first flight to IOC. One third of those months will be behind us in October and fewer than one per cent of the planned test hours have been accomplished. Now, we all know that flight testing accelerates geometrically as more airplanes join the force and as they get more reliable, but there's still some hard work ahead of the JSF program.»


Mis en ligne le 16 juillet 2008 à 11H57