Enjeu hystérique et historique des midterms

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Enjeu hystérique et historique des midterms

Notre ami et commentateur de plus en plus furieux Howard James Kunstler publie sa dernière chronique (le 29 octobre 2018), cette fois très significative parce qu’elle présente, dans le langage coloré et le style à la fois furieux et ironique de l’auteur, deux faces de son jugement qui correspondent bien à deux aspects parallèles mais antagonistes du regard qu’on peut porter sur ces élections midterm aux USA, dans une semaine exactement. On y trouve à la fois un jugement désespéré, qui se résume par cette phrase qui laisse bien peu d’espoir quel que soit le résultat : « La guerre de la culture totale ouvre désormais la voie à une guerre civile totale, les élections de mi-mandat s’annonçant comme un tournant fondamental de l'histoire. » 

...D’autre part, une tentative de la raison, – que nous jugerions pour notre compte désespérée, – de trouver malgré tout un semblant d’espoir pour une certaine amélioration de la situation, si les démocrates sont battus : « Ces élections de mi-mandat peuvent amener le moment où le Parti démocrate explose enfin, au moins de manière à balayer la coterie d’idiots désespérés qui le dirigent actuellement. »

Il faut en effet beaucoup de désespoir dans le jugement de Kunstler pour que lui, libéral-progressiste avéré mais qui n’a abandonné ni le bon sens ni la mesure, trouve de l’espoir dans la victoire des républicains, donc dans la réaffirmation du pouvoir chaotique et erratique du “Sa Grandeur le Golem d’Or” résidant présentement à la Maison-Blanche. Mais l’on comprend bien entendu cette dualité antagoniste du jugement, – “de toutes les façons, guerre civile totale” ou bien “amélioration si la direction démocrate est balayée” : elle correspond à un affrontement entre le jugement à la fois évident et intuitif dans le climat général actuel, et le jugement s’appuyant sur la raison qui suggère que cette dérive démente doit cesser du fait de sa propre incohérence paroxystique débouchant sur « une guerre civile totale ». Nous craignons bien, et croyons qu’intimement Kunstler le craint aussi, que rien, et précisément pas la défaite qui serait dénoncée comme une manigance des républicains et de Trump (et des Russes, cela va de soi), un “coup d’État électoral” de la part d’un président qui montre lui-même un comportement bien étrange, n’arrêtera la folie des démocrates soutenue par tant de forces et de financements extérieurs...

Encore Kunstler ne prend-il pas en compte le facteur qui s’est brusquement aggravé de la possibilité d’un affrontement sur la frontière Sud entre la ou les “caravane(s)” de migrants honduriens et/ou guatémaltèques progressant vers cette frontière. Une tentative de la police fédérale mexicaine pour l’arrêter en bloquant un pont qu’elle devait emprunter s’est soldée par un échec, la police ouvrant finalement le passage et même accompagnant la “caravane” dans une de ces changements brutaux d’attitudes des forces de sécurités qui alimentent la montée d’une méfiance hostile jusqu’à un éventuel antagonisme, ou affrontement, de la direction US vis-à-vis du Mexique.

L’annonce par le Wall Street Journal, que présente ZeroHedge.com, que ce sont finalement 5 000 hommes et non pas 800 qui commencent à être déployés sur la frontière (Texas, Arizona, Nouveau Mexique, Californie), assortie de l’avertissement du type-Verdun de la ministre de la sécurité intérieure, – “Vous ne passerez pas”, “Ils ne passeront pas”, – tout cela est une indication sûre, à la fois, de la résolution de Trump (« C’est une invasion de notre pays ») et de la gravité potentielle sinon explosive de la situation qui devrait atteindre son paroxysme en même temps que les élections... Or, dans cette occurrence, les démocrates, assez rassemblés sur cette question de l’immigration, considèrent qu’il n’y a nullement “invasion” mais au contraire une demande justifiée de droit d’asile.

(Un aspect intéressant de cette situation sera de voir si le “gouvernement” de Californie, – le gouverneur Jerry Brown, complètement progressiste et gauchiste sur cette question avec un électorat latino très puissant, – laisse les troupes fédérales s’installer et éventuellement agir contre les migrants sans tenter de les entraver avec sa Garde Nationale jusqu’à des risques d’incidents, – ce qui rappellerait l’esprit et certaines circonstances du développement que décrit Joe Dante dans son film The Second Civil War.) 

Cet ajout aux nouvelles que donne Kunstler est là bien entendu pour montrer la vérité-de-situation de la situation présente et pressante, en abondant dans le sens de l’un de ses jugements sur la profondeur abyssale des oppositions au-delà des seules directions de parti et leur caractère immédiatement paroxystique et cathartique pour le pire plus que pour le meilleur. L’un des points essentiels est en effet que le courant des démocrates, radical, activiste, contestataire sinon révolutionnaire-gauchiste jusqu’à l’affrontement, ne répond pas seulement à des positionnements tactiques, à des pressions et aides extérieures et manipulatrices, à des excès de pouvoir de la direction, mais aussi à un état radical de l’esprit et du jugement, à une psychologie furieuse et déchaînée jusqu’à la pathologie qui trouve dans chaque situation, même celle d’une défaite électorale, un argument pour une surenchère toujours plus extrémiste...

En un sens, les démarches terroristes ou apparentées récentes qui sont l’œuvre de déséquilibrés ou de personnalités faibles et certainement dérangées, et agissant d’elles-mêmes, – les bombes-postales et l’attaque contre la synagogue, – constituent comme autant d’“accidents” tragiques sans plan coordonné, mais qui correspondent finalement à une impulsion générale irrésistible accélérant par sa dynamique la tension, la haine entre les factions, la division et le désordre civils. Aucun de ces actes qui sont des caricatures d’actes organisés, comme des sortes d’“avertissements sans frais” (mais non sans victimes, certes) n’a eu le moindre effet modérateur sur l’évolution vers une possible situation de guerre civile dans laquelle les USA pourraient sombrer. Personne n’en a tenu aucun compte dans le sens de tenter d’apaiser la situation et de susciter un rassemblement ; au contraire, le ressentiment, les accusations fondées et non-fondées, les jugements définitifs.

La pente nous semble implacable et inarrêtable...

Ci-dessous, notre traduction-adaptation du texte de Kunstler du 29 octobre 2018.

dedefensa.org

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La purée du monstre

La triste réalité est que le massacre de la synagogue de Pittsburgh de la semaine dernière n’est que le dernier en date d’un long défilé de ces affreux spectacles homicides qui se déroulent dans ce pays et qu’il sera tout aussi vite oublié au bout d’une semaine que le massacre de 58 spectateurs du concert de Mandalay Bay à Las Vegas, avec plus de 800 blessés et blessés, un record américain pour des actes de violence non militaires. La fusillade de Pittsburgh a fait sortir du cycle de l'actualité l'affaire de l’expéditeur des bombes-tuyau postales, Cesar Sayoc. Mais au moins, Sayoc n’avait pas réussi à toucher les personnalités qu'il visait avec ses envois. Ce qui me surprend, et que les médias d’information n’ont jusqu’à présent pas relevé, c’est le degré d’incompétence du fabricant de bombes Sayoc. Les fausses nouvelles rencontrent les fausses bombes.

L'un des effets secondaires étranges de l’épique hystérie politique américaine est cette étrange incapacité du public, – sorte d’ADD [Attention Deficit Disorder], –  à se concentrer sur quoi que ce soit, même devant les plus immondes atrocités. L'hystérie elle-même est trop irrésistible, comme si un système limbique humain entraînait la psyché publique collective dans une fuite éperdue sur les chevaux emballés de la seule émotion. La raison a été laissée au bord de la route, comme une personne trop ivre et sans la moindre conscience des choses se déshabille dans le blizzard d’une nuit glaciale. La guerre de la culture totale ouvre désormais la voie à une guerre civile totale, les élections de mi-mandat s'annonçant comme un tournant fondamental de l'histoire.

Le pays n’est pas “divisé”, il est haché menu en morceaux, comme une victime dans l’un de ces films de bain de sang d’Halloween, désormais tant aimé du public qu’ils sont régulièrement mis à jour dans des versions nouvelles. Il n’est pas exagéré de dire que le public américain se conduit comme un moi collectif comme une foule de zombies sillonnant un pays en ruines à la recherche d’un nombre décroissant de cerveaux dont ils pourraient s’emparer pour leur propre usage ; ils semblent même trouver un certain réconfort dans cette entreprise macabre, comme si les zombies effectuaient un service public méritoire en débarrassant la nation du plus grand nombre de cerveaux possible.

Le Parti démocrate ne pourrait être plus en phase avec ce monstre née de l’effondrement politique. Le parti vit dans une maison hantée construite par lui-même au long d’une bonne partie de ce siècle et allonge méthodiquement sa liste de bêtes consommatrices de sang rejoignant ses troupes, mois après mois, dans une orgie de création de monstres. Ils me rappellent ces “indigènes” caricaturés scandant et piétinant au son d’un rythme obsédant dans n’importe quelle film de la lignée de King Kong, invoquant le singe géant placé à la porte de leur Grande Muraille de protection, afin de faire fuir le groupe d’aventuriers blancs venus du lointain Hollywood. Dans cette version du récit épique, King Kong est Sa Grandeur le Golem d’Or résidant 1600 Pennsylvania Avenue, et il est énormément contrarié d'être convoqué par ces minuscules sauvages battant du tambour. Bien sûr, America-the Horror-Movie ne s’attarde pas à produire un récit cohérent dans lequel il ne trouve aucun intérêt. Ainsi sombre la nation dans une sanglante incohérence.

La guerre du Parti démocrate contre les Blancs et leurs privilèges ignobles a été le thème de toute l'année, avec sa grande offensive contre les Blancs et en particulier contre les méchants hommes blancs hétéro-normatifs qui violent et oppriment tout le monde. En tout cas, c’est la stratégie du jour. Je ne suis pas persuadé que cela fonctionnera lors des prochaines élections. Le parti n'aurait pu émettre un message plus clair que “les hommes blancs ne sont pas les bienvenus ici, dans l’isoloir du bureau de vote”. Très bien, ils voteront ailleurs, pour quelqu'un d'autre. Et s'il arrive que les Dems ne l'emportent pas et ne parviennent pas à mettre la main sur la machinerie du congrès, que se passera-t-il ?

Tout d’abord, beaucoup de personnes seront mises en accusation, en particulier d’anciens officiers supérieurs issus de divers fiefs du cloaque du monde du renseignement. Cela ne devrait pas être une surprise, étant donné le nombre d’entre eux déjà appelés devant des grands jurys et interrogés par les inspecteurs généraux. Il est choquant de constater à quel niveau les accusations sont portées, et à quel point les accusations peuvent être graves : sédition, trahison…?

Ces élections de mi-mandat peuvent amener le moment où le Parti démocrate explose enfin, au moins de manière à balayer la coterie d’imbéciles désespérés qui le dirigent actuellement. Il est temps d’éjecter ces ados hystériques hors de la scène et de permettre à quelques adultes aux yeux clairs de prendre place, y compris des hommes, voire des hommes blancs. Il faut laisser tous ces monstres marginaux hurlant, criant, vitupérant, retourner à ces marges qu’ils n’auraient jamais dû quitter.

James Howard Kunstler