En passant près de l’apocalypse

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En effet, comment justifier de ce que nous affichions fougueusement un jour avant les grandes décisions d’intervention de l’administration GW Bush, le 18 septembre, – «On ne fait rien pour l’instant parce que “no one knows what to do”», – en regard de ce qui s’est passé le lendemain? Il y a de nombreuses explications possibles dans cette apparente contradiction, de nombreuses explications techniques, de nombreuses explications tactiques, voire des explications du type camouflage… Nous leur préférons une hypothèse qui est celle de l’explication par la nature même de la chose: soudain la béance de l’effondrement possible sinon probable leur est apparue et ils ont décidé, vite, très vite, de faire ce que l’on fit à tout va dans les années 1930 (autant pour notre modernité), – intervention, intervention!

Il y a, à cet égard, une intéressante note de Maggie Lake, sur CNN.News, le 20 septembre.

«Many experts here in the United States say we were hours away from a run on banks that would have plunged the global economy into depression. Not recession. Depression. And not just the U.S. Make no mistake, there was panic. Money managers with years of experience were telling me they simply did not know what to do, or where to turn. That may explain why the biggest group of free market advocates are embracing the biggest government intervention since the 1930s.»

D’où cette idée qu’effectivement, les décisions prises vendredi le furent dans une urgence qui ressemblait à la panique, peut-être avec la perspective d’un effondrement dans les heures qui venaient… D’où des décisions radicales, qui plongent Wall Street dans l’incertitude la plus totale, contrairement à l’image d’euphorie complaisament véhiculée.

«Did the United States just take a huge step toward socialism? That is a dirty word here on Wall Street, but the many believe the government’s historic intervention amounts to just that … and they are not happy about.

»Will more rules and regulations help, or will government involvement just stifle enterprise and business growth? Many here cite Europe as the example of what NOT to do.»

Qu’on ne s’y trompe pas, ce système est sans identité, sans responsabilité identifiable. C’est une masse énorme, d’une puissance sans précédent mais que nul ne peut parvenir à identifier. Ainsi, et d’ailleurs en toute logique, nul ne se juge responsable de rien, et encore moins coupable de quoi que ce soit. Les “investisseurs”, ou les “spéculateurs”, trouvent absolument injuste d’être désignés comme les responsables, – et ils n’ont pas tort puisque tout a été fait pour eux et qu'ils représentent la quintessence de la philosophie du système. Ainsi, la décision de la puissance publique aux USA et au Royaume-Uni, – encore cet interventionnisme socialiste! – de bloquer les investissements à très court terme est-elle appréciée comme un soupçon intolérable, comme une entrave à la bonne marche des affaires, comme une insulte à la face de leur Dieu selon des normes absolument orthodoxes. L’“industrie des ‘hedge funds’”, nous dit Maggie Lake, envisage de porter l’affaire devant la justice, – vous voyez cela d’ici, le gouvernement des Etats-Unis assigné à comparaître et mis en accusation par l’“industrie des ‘hedge funds’” pour entrave à la liberté des marchés?

«Were speculators really responsible for bringing down Lehman Brothers and forcing Merrill Lynch into a shotgun wedding with Bank of America? The regulators in both Great Britain and the United States have banned short selling, but hedge funds are furious. They say they are being made scapegoats and argue the data does not bear out the accusation. They also warn the ban won’t fix the problem, merely create new ones. In fact, the hedge fund industry is thinking of suing!»

Tout cela nous laisse un goût de sel, une terrible amertume au fond de la gorge. Sans doute n’imagine-t-on pas combien les décisions prises cette semaine représentent un sacrilège, un acte absolument relaps, pour la “religion de l’américanisme” («“Americanism”—that is, American democracy—as the fourth great Western religion», selon le titre du livre publié en décembre 2007, par le professeur de Yale David Gelertner). Et tout cela pour quoi? Qui est sûr du lendemain? Maggie Lake nous parle du vent glacé qui parcourt Wall Street, comme le vent de la plaine du Wild West ressuscité. (Certes, l’image est un peu forcé car il fait beau sur Wall Street, et quant au Wild West... Mais nous parlons de l’âme des choses.)

«As I watch the bell close out this wild week on Wall Street, I detect a certain frost. The U.S. government saved the system from collapse and yes the business community is relieved. But they also understand that U.S. Treasury Secretary Henry Paulson and Federal Reserve Chairman Ben Bernanke do not have magic wands, and problems remain.

»Do you think the plan will succeed? Would the global system be better off if the U.S. took a page from Europe and got more involved in regulating business?»


Mis en ligne le 20 septembre 2008 à 15H08