Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
484431 mars 2022 (19H10), veille du 1er avril – Il y a treize ans presque exactement puisqu’il s’agit du 27 mars 2009, alors que nous nous extrayions péniblement des ruines de la crise des ‘subprimes’ (2007-2008), le président brésilien Lula recevait le premier ministre britannique Gordon Brown, lequel faisait une tournée pour présenter aux heureux élus le futur G20 qui devait tenir sous peu sa première réunion. Ainsi présentions-nous, sur ce site déjà bien vieux, l’issue de la rencontre, à l’heure de la conférence de presse, alors que nous pensions arriver à un point central et décisif de cette époque :
« Donc, Brown, qui se promène, au nom du G20 à venir, par-delà les terres influentes du monde civilisé, fit arrêt au Brésil, pour y rencontrer Lula. On sait que Lula fait partie d’une sorte de “bande des quatre”, – Brésil, Chine, Inde et Russie, – qui ont l’air d’accord pour expédier le dollar ad patres. Bien, l’on (Lula-Brown) parle du G20, l’on se dit des choses aimables et des promesses diverses, puis l’on tient une conférence de presse, – et voici la chose, selon ‘The Independent’, du 27 mars 2009…
» “Au Brésil, Gordon Brown a poursuivi sa tournée pré-sommet, mais il a été embarrassé lorsque son hôte, le président Luiz Inacio Lula Da Silva, a déclaré que la crise financière était causée par des ‘Blancs aux yeux bleus’. Lors d’une conférence de presse conjointe avec Brown, Lula a précisé qu’il n’avait jamais rencontré de banquier noir.
» “‘C’est une crise qui a été causée par des gens, des blancs aux yeux bleus. Et avant la crise, ils avaient l’air de tout savoir sur l'économie’, a-t-il dit. ‘Une fois de plus, la plus grande partie des pauvres dans le monde qui n’avaient pas encore [obtenu] leur part du développement causé par la globalisation, ont été les premiers à en souffrir’. ‘Comme je ne connais pas de banquiers noirs, je ne peux que dire que cette partie de l'humanité, qui est la principale victime de la crise mondiale, devrait payer pour la crise ? Je ne peux pas accepter cela. Si le G20 devient une réunion juste pour organiser une autre réunion, nous serons discrédités et la crise s’aggravera’”. »
Auparavant, effectivement et comme il est indiqué dans le texte, quatre dirigeants de grands pays périphériques, qu’on pourrait aujourd’hui et prémonitoirement qualifier d’hors-BAO, de “Sud-profond” ou d’antiSystème, s’étaient déjà rencontrés dans ce qui formait l’ébauche du BRIC pour “prêter le serment des Horaces”, à savoir s’engager à avoir la peau du dollar, simplement par pression amicale, par évidence du déplacement de l’équilibre des forces et du retour de l’empire de la raison vertueuse. Divers échos, commentaires et propositions accompagnaient ce serment, notamment un commentaire du président de la Banque Centrale chinoise, qui avaient aussitôt soulevé une extraordinaire levée de boucliers chez les excellences américanistes (Obama, Bernanke de la Fed & Cie) :
« Un commentaire “posté” le 23 mars sur le site de la banque centrale chinoise ressemble à l’image du feu qui est mis à des poudres diverses et naturellement explosives. Le commentaire, signé par le directeur de la banque, Zhou Xiaochuan, propose de remplacer le dollar par une monnaie mondiale de réserve. Depuis, on en parle dans les dîners en ville et dans les chaumières isolées. [...]
» ...• Il est intéressant d’observer que la Chine n’est pas seule dans cette contestation désormais officielle du rôle du dollar. Cette contestation n’est même pas potentiellement limitée à l’axe Moscou-Pékin puisqu’elle pourrait s’élargir et constituer un bloc puissant si l’on y ajoute le Brésil et l’Inde. On mesure le poids que représentent ces quatre pays ensemble sur cette question, même si par ailleurs bien des choses les séparent. L’intérêt de ces pays pour l’idée de la mise en cause de l’hégémonie du dollar est un facteur important autant à cause de leur poids que de leur présence commune au G20.
» • En effet, tout cela prend encore plus de poids parce que tout cela implique de facto le cadre d’une structure institutionnalisée. [Note avisée et à-propos de PhG : ce sera le BRIC.] Les quatre pays cités ci-dessus font partie du G20, qui se réunit le 2 avril à Londres, et qui est aujourd’hui la seule structure sérieuse où l’on peut concevoir de débattre de la crise générale. Cette situation explique l’écho de la position chinoise. La question du dollar n’est pas “à l’agenda” du G20 observe avec une rapidité digne d’éloges le PM australien; peut-être, mais tout le monde y pensera, un document circulera, on en parlera à demi-mot, dans les couloirs ou, éventuellement, en séance. Dans un système bâti sur le conformisme et le formalisme, cette situation du G20, de ses membres, et du sentiment de certains de ses membres vis-à-vis du dollar est un point capital. La meilleure défense, souvent la seule défense efficace du système contre un problème qui l’affecte, c’est d’en ignorer l’existence par l'exclusion de l'énoncé, voire de la mention de ce problème des canaux officiels. Le G20 interdit cela.
» En un sens qu’on distingue tout aussi rapidement, l’extrême rapidité des réactions pour dire que l’hégémonie du dollar ne peut être mise en cause et que le problème, ou le non-problème du dollar n’est pas au programme du G20, nous montre que l’hégémonie du dollar est mise en cause et que le non-problème du dollar, qui est effectivement un problème, est au programme du G20. Cette mise à jour est un progrès considérable. »
Bien entendu, l’on parle depuis bien longtemps de la contestation du rôle du dollar, et de son détrônement de roi du monde des affaires et du commerce. Il me semble pourtant que c’est dans l’occurrence rappelée ici, avant le premier G20, alors que le BRIC est dans les limbes, que l’ultime bataille de la “guerre du dollar” commence.
A cette époque, ils étaient nombreux à penser, ou à croire plutôt, comme l’on fait entre gens de bonne et de même foi, que le système de l’américanisme comprendrait la nécessité de lâcher sérieusement du lest et de céder son hégémonie discriminatoire après les déroutes sanglantes de l’Irak et de la crise 2007-2008 couronnée par le krach de Lehman Brothers le 15 septembre 2008. Il n’en fut rien, sinon complètement au contraire : cette occurrence qu’on rappelle ici, de mars 2009, est donc la marque du début de la phase brutale, violente, furieuse, la dernière phase de la “guerre du dollar” dont on assisterait aujourd’hui à un épisode majeur et peut-être bien décisif, où certains goûtent déjà des embruns de Trafalgar et le roulement terrible de la canonnade de Waterloo.
Car voici ce qu’on nous dit hier après-midi [sur RT.com, le site que vous n’êtes plus censé lire comme on interdisait en d’autres temps ‘Playboy’ aux regards chastes, car ces choses-là ne sont pas bonnes pour votre vertu, Sacrebleu]... Voilà ce qu’on nous dit, alors qu’Indiens et Russes mettent au point leurs transactions en Roubles-Roupies, que l’Arabie et la Chine étudient la même chose en Yuan-Ryad, que van der Leyen hurle en vain à la mort, et qu’ainsi de suite...
« Le président russe Vladimir Poutine a autorisé le paiement du gaz en roubles pour les acheteurs des pays qui ont imposé des sanctions à la Russie en rapport avec l'Ukraine.
» Poutine a signé jeudi un décret exigeant que ces acheteurs ouvrent des comptes dans les banques russes pour faciliter les paiements.
» La mesure prend effet à partir du 1er avril.
» “Si les pays inamicaux ne paient pas en roubles à partir du 1er avril, nous considérerons qu'il s’agit d'un défaut de paiement des contrats de gaz et les contrats existants seront dénoncés”, a déclaré le président.
» Les pays “inamicaux” auxquels M. Poutine fait référence sont les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, l'Australie, le Japon, Taïwan, la Corée du Sud, la Suisse, les 27 pays de l'Union européenne et un certain nombre de petits pays.
» La décision de passer à la monnaie nationale russe pour le paiement du gaz a été annoncée au début du mois en réponse aux sanctions sans précédent prises à l'encontre du pays, notamment la saisie de près de la moitié des réserves étrangères du pays.
» L’annonce a instantanément fait bondir le rouble de ses plus bas niveaux historiques par rapport au dollar américain et à l'euro, la monnaie russe récupérant presque toutes ses pertes depuis le début de la crise en Ukraine il y a plus d'un mois. »
Vous notez qu’il a fallu une guerre, – je parle de la vraie opérationnelle, pleine de chars et d’explosions furieuses, – pour qu’on s’engage dans cette voie de toutes les extrémités, en plus de l’incommensurable arrogance et l’authentique sottise aveugle de nos dirigeants, avec leurs tonnes de sanctions narcissiques et leurs leçons de morale à deux balles, pour les bons rapports de leurs actionnaires et grâce au viol constant et répété de toutes les légalités internationales. Les quatre futurs BRIC de 2009, je crois, n’imaginaient pas qu’on en viendrait à cette sorte d’affrontement, que “la guerre du dollar” se ferait sur les champs de bataille d’une vraie guerre, à la fois cause et conséquence du dollar, à la fois enjeu et arrière-pensée de la chose, etc.
Combien pensaient hier et pensèrent durant des années : “Il n’osera pas”, ou bien encore : “Ils n’oseront pas”, etc., considérant le lèse-majesté de la ‘cancellation’ de la dignité impériale et divine du billet vert comme un sacrilège impensable. Mais le Russe a fait de la ‘Cancel Culture’ une sorte de ‘faire-aïkido’ sous forme d’une ‘Cancel Contre-Culture’, – ou la “contre-culture de l’annulation de la culture de l’annulation”. Le symbole est par terre, en miettes. On n’en revient pas : malgré que l’on ait balancé par-dessus bord, Dostoïevski, Tchaïkovski et Soljenitsyne, pour leur montrer qui est le boss, – malgré quoi, ces rustres, ces barbares, ils ont osé... Je me demande, moi, s’ils n’ont pas osé, justement, parce que les autres, les vrais rustres et les vrais barbares, ont “balancé par-dessus bord, Dostoïevski, Tchaïkovski et Soljenitsyne”.
La phase finale de la guerre, – le « The Beginning of the End » de Churchill, – ne fait que commencer, certes, mais elle sera sans retenue ni pitié, et elle se jouera dans les âmes et dans les caractères, bien plus que sur les chemins boueux de la campagne ukrainienne dans laquelle combien d’Occidentaux, de civilisés, cheminent, désolés, n’y comprenant rien, confondant tout, psalmodiant leur catéchisme de ce qui devrait être nommé “The Second Gilded Age” et qui touche à sa fin catastrophique.
J’ai depuis longtemps été fasciné par cette expression qui est le titre d’un bouquin co-écrit par Mark Twain, « satire de la cupidité et de la corruption politique dans l'Amérique de l’après-guerre civile » au moment des grands scandales de corruption de la présidence Grant ; ma fascination datant du jour où, discutant avec William Pfaff, et citant faussement le ‘Golden Age’ de la fin de la Guerre de Sécession aux années 1890, je fus repris par ce merveilleux lettré, disant dans son français hésitant : « No no, on dit ‘The Gilded Age’, as you would say en français : ‘l’Âge du plaqué-or’ »... Bref, un avant-goût de notre ‘bling-bling’, dont on peu goûter le sel et la pourriture dans ‘La Porte du paradis’ de Cimino.
Du ‘Gilded Age’, le Wiki, après avoir fait son minimum syndical d’éloge de l’expansion et de l’industrialisation, nous dit ceci... Et la citation vaut, vous remarquerez, aussi bien sinon monstrueusement plus encore pour l’Âge qui s’achève par nos temps-devenus-fous, en même temps qu’on s’active à creuser une tombe pour le roi-dollar apparaissant nu aux yeux de millions et de milliards de croyants décillés et qui vont devoir s’y accoutumer :
« À l'inverse, le ‘Gilded Age’ est aussi une ère de pauvreté et d'inégalité abjectes, alors que des millions d'immigrants, – dont beaucoup venaient de régions et de pays très pauvres, – affluèrent aux États-Unis et que la forte concentration de la richesse devint plus voyante et plus insupportable. »
Alors, ce ‘Gilded Age’ originel, où les riches héritières des énormes fortunes yankees venaient s’offrir sur les terres de la verte Angleterre un titre de Lord en épousant un fringant héritier de la noblesse désargentée (ce fut le cas de la mère de Churchill), ce ‘Gilded Age’ premier du nom comme début du paroxysme de l’aventure satanique accouchée par le “déchaînement de la Matière” ? Et alors, notre ‘Second Gilded Age’, achevant l’aventure satanique avec le sacrifice du dieu-dollar, foutu sacrilège de ce Russe énigmatique et entêté, – “le monstre diabolique !”, disent nos respectables paroissiens des stations de sport d’hiver et des yachts luxueux d’un oligarques sanctionné l’autre, avec comme lecture de vacances le dernier en date des rapports McKinsey, tout de même drôlement plus sexy que les interminables tolstoïeries...
‘Valsez, saucisses !’‘, comme disait Paraz, magnifique tubard de guerre enchaîné par ses poumons brûlés (expérimentation de gaz de combat !) dans ses hôpitaux des pauvres, narguant la bourgeoisie de toutes les trahisons et de toutes les collaborations.