Du Brésil au G20 et à la Syrie, en passant par la NSA

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Du Brésil au G20 et à la Syrie, en passant par la NSA

Question : Glenn Greenwald, résidant au Brésil, et la chaîne TV de Globo, de Rio de Janeiro, ont-ils calculé leur coup pour sortir ces très remarquables révélations alors que le président Obama cherche à réunir une coalition pour punir Assad, et compte bien avancer dans cette voie au G20 de Saint-Petersbourg, notamment, – c’est nous qui faisons cette hypothèse qui répond par ailleurs à l’évidence, – en sollicitant à cet égard la présidente du Brésil Dilma Rousseff, – puisque BHO et les USA, c’est bien connu, ne doutent de rien? Quoi qu’il en soit, les dernières révélations de Snowden/Greenwald concernent effectivement un espionnage très actif de la NSA, directement dans les communications de deux dirigeants d’Amérique Latine, la Brésilienne Rousseff et le président mexicain Enrique Pena Nieto. La partie mexicaine de l’affaire reste pour l’instant discrète, mais nullement la partie brésilienne où le sentiment balance entre la stupéfaction et l’indignation, selon les exclamations furieuses du sénateur Ricardo Ferraco, qui préside la commission des affaires étrangères du Sénat et lance aussitôt cette commission dans une enquête sur cette affaire.

Le Washington Post, reprenant une dépêche d’Associated Press, donne le 2 septembre 2013 un rapport intéressant à propos de ces révélations qui ne le sont pas moins.

«The Brazilian government called in the U.S. ambassador Monday to provide explanations about new revelations that the National Security Agency’s spy program directly targeted the South American giant’s leader. Ambassador Thomas Shannon arrived and left the Foreign Ministry without speaking to reporters, and there was no comment from the Brazilian side either, even as President Dilma Rousseff met separately with top ministers to discuss the case.

»A report by Globo TV, citing 2012 documents from NSA leaker Edward Snowden, alleges that the U.S. intercepted Rousseff’s emails and telephone calls, along with those of Mexican President Enrique Pena Nieto, whose communications were being monitored even before he was elected as president in July, 2012.

»Sen. Ricardo Ferraco, head of the Brazilian Senate’s foreign relations committee, said lawmakers already had decided to formally investigate the U.S. program’s focus on Brazil because of earlier revelations that the country was a top target of the NSA spying in the region, and that the probe would likely start this week. “I feel a mixture of amazement and indignation. It seems like there are no limits. When the phone of the president of the republic is monitored, it’s hard to imagine what else might be happening,” Ferraco told reporters in Brasilia. “It’s unacceptable that in a country like ours, where there is absolutely no climate of terrorism, that there is this type of spying.”

»During the Sunday night TV program, U.S. journalist Glenn Greenwald, who lives in Rio de Janeiro, told the news show “Fantastico” that a document dated June 2012 shows that Pena Nieto’s emails were being read. The document’s date is the month before Pena Nieto was elected. The document indicated who Pena Nieto would like to name to some government posts, among other information. [...]

»As for Brazil’s leader, the NSA document “doesn’t include any of Dilma’s specific intercepted messages, the way it does for Nieto,” Greenwald told The Associated Press in an email. “But it is clear in several ways that her communications were intercepted, including the use of DNI Presenter, which is a program used by NSA to open and read emails and online chats.”»

Tout cela est complété par des réactions des deux parties, les USA (l’ambassade US à Brasilia) et le gouvernement brésilien (le ministre de la Justice). On appréciera l’embarras de l’une et la perplexité furieuse de l’autre, dans une perspective devenue particulièrement délicate dans cette circonstance. Cette affaire éclate juste après que Washington ait annoncé au cours d’une visite préparatoire de ce même ministre que la présidente brésilienne serait honorée par un dîner solennel d’une visite d’État qu’elle doit effectuer en octobre, dans la même capitale US, – ce “State diner”, honneur incomparable au plus niveau des deux pays qui n’est rendu cette année à Washington qu’à la seule Rousseff, soulignant l’offensive de charme des USA pour rapprocher le Brésil de son influence ... Tel ou tel commentateur s’interroge sur le sort de ce voyage si important, notamment David Rothkopf, directeur de Foreign Policy, qui se demande dans un message ‘tweeté’ si “Dilma pourra effectuer sa visite aux USA comme prévu, avec ces nouvelles révélations sur les activités d’espionnage de la NSA...”

»The spokesman for the U.S. Embassy in Brazil’s capital, Dean Chaves, said in an emailed response that U.S. officials wouldn’t comment “on every specific alleged intelligence activity.” But he said, “We value our relationship with Brazil, understand that they have valid concerns about these disclosures, and we will continue to engage with the Brazilian government in an effort to address those concerns.”

»Brazilian Justice Minister Eduardo Cardozo told the newspaper O Globo that “if the facts of the report are confirmed, they would be considered very serious and would constitute a clear violation of Brazil’s sovereignty.” “This is completely outside the standard of confidence expected of a strategic partnership, as the U.S. and Brazil have,” he added.»

Dans la dépêche AP se glisse cette courte phrase, à la fois énigmatique et presque surréaliste dans le cadre de cette situation abracadabrantesque : «It’s not clear if the spying continues.» Le plus goûteux, dans cette très courte phrase, est certainement le “It’s not clear” ... Cette observation d’étrange incertitude conduit à des hypothèses rocambolesques, où le comique de situation finit par avoir nécessairement sa place et contribue à ridiculiser les opérations de la NSA à côté de l’hypothèque d’une impudence incroyable que ces opérations font peser sur les souverainetés nationales. (Si elle se rend effectivement aux USA dans les conditions prévues, notamment pour assister à se fameux “State dinner”, on peut imaginer que “Dima” devra s’assurer, en s’asseyant à côté d’un éblouissant Obama en smoking, qu’elle n’écrase pas de son présidentiel postérieur une puce habilement camouflée pour espionner la respiration de la présidente pendant ses échanges courtois avec le président.) Il y a effectivement dans les situations créées par l’omnipotence et l’omniprésence de la NSA mise à jour par le fonds Snowden une dimension d’inéluctabilité mécanique que personne ne semble pouvoir contrôler, qui contribue à caricaturer l’Agence d’une façon de plus en plus accablante ; la NSA apparaît décidément, dans le cadre de la crise Snowden/NSA, comme une sorte de monstrueuse représentation d’un hyper-“Thomson-Thompson” (cette fois, l’orthographe est bonne), absolument plus vraie que nature tant les interventions qu’elle suscite et qui sont exploitées par Snowden-Greenwald sont à la fois grotesques et politiquement de plus en plus dommageables.

Bien entendu, à côté de cette perception comico-surréaliste qui fait partie intégrante de la perception qui est en train de s’installer autour de la NSA, il existe une dimension politique. Dans ces temps marqués d’une tension extrême, cette dimension a des aspects déstabilisateurs. Comme on l’a noté, la correspondance de cette révélation sur la surveillance de Rousseff avec l’enchaînement des événements en cours (paroxysme de la crise syrienne, réunion du G20, etc.) est un point frappant. Que la chose ait été présente dans l’esprit de Greenwald et qu’elle ait fait l’affaire de Globo est sans doute très probable. Greenwald montre assez sa sensibilité extrême à la crise syrienne, particulièrement au comportement de l’administration Obama dans son indifférence pour toutes les sortes de légalités, que ce soit au niveau national ou au niveau international. On le constate sur ses messages ‘tweetés’ aussi bien que dans son article du 1er septembre 2013 dans le Guardian. Il ne peut pas ne pas avoir eu à l’esprit les interférences indirectes mais assurées entre d’une part l’effet de communication de ces révélations sur la surveillance directe par la NSA de la présidente brésilienne, et d’autre part l’implication du Brésil dans la crise syrienne, qui sera effective de facto lors du G20 que Poutine veut consacrer à la Syrie (voir le 2 septembre 2013).

L’affaire des écoutes de Rousseff, grâce à Greenwald, constitue une excellente opération de communication dans l’arsenal qui se déploie contre les USA. Elle tombe bien à propos pour rappeler que la crise Snowden/NSA se poursuit, et que la vertu des USA lancés dans leur croisade syrienne n’est pas garantie inoxydable, qu’elle constitue même un montage impudent qui suggère d’autant plus le soupçon pour les autres opérations présentées comme vertueuses par les USA, – et, en premier, l’opération en cours contre la Syrie. D’une certaine façon, l’affaire des écoutes de Rousseff devrait conduire sinon contraindre le Brésil à un raidissement qui sera perceptible au sommet du G20 et au sein du BRICS, qui doit tenir prochainement une réunion informelle. Ainsi apparaît inéluctable la connexion entre la crise Snowden/NSA et la crise syrienne, et ainsi constate-t-on combien toutes les crises en cours ne peuvent être cloisonnées les unes par rapport aux autres. Elles forment des éléments éruptifs de notre fameuse infrastructure crisique et témoigne nécessairement de leur appartenance à la crise d’effondrement du Système. L’une n’annule pas l’autre, comme certains en font l’hypothèse à propos de la crise syrienne par rapport à la crise Snowden/NSA, mais l’une et l’autre disposent de connexions d’accès réciproques lorsque l’occasion s’en présente, avec influence réciproque.


Mis en ligne le 3 septembre 2013 à 00H52

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