Dostoïevski et la prophétie du Nouvel Ordre Mondial

Les Carnets de Nicolas Bonnal

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Dostoïevski et la prophétie du Nouvel Ordre Mondial

Dostoïevski a annoncé dans ses Possédés le bric-à-brac souffreteux de notre enseignement avancé, des magistrats subversifs et de l’avant-garde ploutocratique qui rêve de parader humanitaire dans les soirées milliardaires et philo-entropiques. Notre société ne se renouvelle pas, elle fait du surplace depuis longtemps en fait, et Tocqueville, Edgar Poe, Tolstoï ou Dostoïevski s’en rendaient très bien compte.

Toute cette théologie les pieds dans l’eau aura liquidé notre bonne vieille civilisation en un siècle et demi ; et ce qui reste de monde libre n’a qu’à bien se tenir, car le feu nucléaire n’est pas loin. On devient, si l’on n’est pas un dégénéré, une menace pour la sécurité nationale américaine.

Dostoïevski décrit le basculement occidental vers l’adoration du mal à cette époque flétrie ; Il écrit :

« Le précepteur qui se moque avec les enfants de leur dieu et de leur berceau, est des nôtres. L’avocat qui défend un assassin bien élevé en prouvant qu’il était plus instruit que ses victimes et que, pour se procurer de l’argent, il ne pouvait pas ne pas tuer, est des nôtres. Les écoliers qui, pour éprouver une sensation, tuent un paysan, sont des nôtres. Les jurés qui acquittent systématiquement tous les criminels sont des nôtres. Le procureur qui, au tribunal, tremble de ne pas se montrer assez libéral, est des nôtres. »

Les assassins d’Alep sont des nôtres, rien de nouveau sous le sommeil !

En France socialiste (souvenons-nous des manifs pour tous), frapper la mère de famille, gazer son bébé devenait le devoir du CRS briefé ; tout comme détaler devant les racailles de banlieue et encenser le terroriste bio qui en somme ne fait que son devoir de redresseur de torts.

Et Dostoïevski parle aussi des progrès de la presse libérale et de la nécessaire compréhension des criminels :

« Savez-vous combien nous devrons aux théories en vogue ? Quand j’ai quitté la Russie, la thèse de Littré qui assimile le crime à une folie faisait fureur ; je reviens, et déjà le crime n’est plus une folie, c’est le bon sens même, presque un devoir, à tout le moins une noble protestation ».

On connaît tous la longue tirade du Grand Inquisiteur dans les Frères Karamazov. Mais celle-ci n’est pas mal non plus, qui annonce Orwell, et tout le Nouvel Ordre Mondial anglo-saxon en fait :

« M. Chigaleff a étudié trop consciencieusement son sujet et, de plus, il est trop modeste. Je connais son livre. Ce qu’il propose comme solution finale de la question, c’est le partage de l’espèce humaine en deux groupes inégaux. »

Il y aura les illuminés ou l’élite, et les autres baptisés de populistes. Ici Dostoïevski annonce avec un bon demi-siècle d’avance les grands romans dystopiques.  Il annonce bien sûr Huxley et son meilleur des Mondes. Il y aura ceux qui vont à Davos (siège de la Montagne magique de Thomas Mann) en jet et ceux qui subiront la mondialisation. Dostoïevski :

« Un dixième seulement de l’humanité possèdera les droits de la personnalité et exercera une autorité illimitée sur les neuf autres dixièmes. Ceux-ci perdront leur personnalité, deviendront comme un troupeau ; astreints à l’obéissance passive, ils seront ramenés à l’innocence première, et, pour ainsi dire, au paradis primitif, où, du reste, ils devront travailler. Les mesures proposées par l’auteur pour supprimer le libre arbitre chez les neuf dixièmes de l’humanité et transformer cette dernière en troupeau par de nouvelles méthodes d’éducation, – ces mesures sont très remarquables, fondées sur les données des sciences naturelles, et parfaitement logiques. »

Dans Les Possédés aussi, il envoie son équipe d’illuminés en Amérique où ils effectuent un stage. Cela donne la perle suivante où des apprentis célèbrent un millionnaire :

« Il a légué toute son immense fortune aux fabriques et aux sciences positives, son squelette à l’académie de la ville où il résidait, et sa peau pour faire un tambour, à condition que nuit et jour on exécuterait sur ce tambour l’hymne national de l’Amérique. Hélas ! Nous sommes des pygmées comparativement aux citoyens des États-Unis… »

Car l’Amérique est la puissance mimétique de René Girard, celle que tous doivent imiter. Les illuminés expliquent leur complexe d’infériorité et leur relation hypnotisée :

« …nous avions posé en principe que nous autres Russes, nous étions vis-à-vis des Américains comme de petits enfants, et qu’il fallait être né en Amérique ou du moins y avoir vécu de longues années pour se trouver au niveau de ce peuple.

Tout cela évidemment a un coût : on se fait frapper et exploiter par le plus dur et incompétent des patronats (qui n’hésitait à briser les grèves en faisant venir plus d’immigrants souillons européens) :

« Que vous dirai-je ? Quand, pour un objet d’un kopek, on nous demandait un dollar, nous payions non seulement avec plaisir, mais même avec enthousiasme. Nous admirions tout : le spiritisme, la loi de Lynch, les revolvers, les vagabonds. »

L’univers des cowboys ou des gangsters, des stars et  des milliardaires fascine déjà : en réalité l’Amérique n’a jamais eu à se forcer pour épater les imbéciles. Son éducation supérieure fait le reste, en transformant les élites mondiales en agents de son empire.

Evoquons deux autres livres.

La bêtise occidentale est cruelle, mais elle est aussi risible parfois (les humanistes massacrés d’Alep). J’ai publié un essai sur le satirique Crocodile de notre grand auteur.

Vers la fin du texte, la question animale revêt un aspect plus contemporain. C’est la zoophilie moderne et surtout le besoin de pénal qui vont s’exprimer :

« Depuis longtemps déjà, en Europe, on traîne devant les tribunaux ceux qui traitent sans humanité les animaux domestiques ».

La fin de Krokodil comme on sait échappe à toute logique. Un certain Prokhor Savitch s’amuse à la pensée de cette volonté prémoderne de respecter à n’importe quel prix les droits juridiques des animaux :

— Qu’importe que la pitié aille à un mammifère ou à l’autre ? N’est-ce pas à l’européenne ? On y plaint aussi les crocodiles, en Europe ! Hi ! hi ! hi !

Le roman L’Idiot proposait lui des envolées géniales, mais pleines de lucidité tragique.

Voyez le ton de Lebedev qui voit avant Nietzsche que le nouvel ordre mondial économique va créer ce dernier homme médiocre et rabougri :

« Et osez dire après cela que les sources de vie n’ont pas été affaiblies, troublées, sous cette " étoile ", sous ce réseau dans lequel les hommes se sont empêtrés. Et ne croyez pas m’en imposer par votre prospérité, par vos richesses, par la rareté des disettes et par la rapidité des moyens de communication ! Les richesses sont plus abondantes, mais les forces déclinent ; il n’y a plus de pensée qui crée un lien entre les hommes ; tout s’est ramolli, tout a cuit et tous sont cuits ! Oui, tous, tous, tous nous sommes cuits !… Mais suffit ! »

C’est l’effet de serre, le réchauffement climatique (qui est surtout psychologique dans nos parages abrutis) que notre auteur désigne.

Dostoïevski voyait même l’étoile absinthe de notre Apocalypse (Tchernobyl en russe !) poindre à l’horizon avec notre manie moderne des réseaux :

 « Le collégien lui affirma que l’"Étoile Absinthe" qui, dans l’Apocalypse, tombe sur terre à la source des eaux, préfigurait, selon l’interprétation de son père, le réseau des chemins de fer étendu aujourd’hui sur l’Europe. »

Et de lancer un dernier défi aux promoteurs du Nouvel Ordre Mondial :

 « Je vous lance maintenant un défi à vous tous, athées que vous êtes : comment sauverez-vous le monde ? Quelle route normale lui avez-vous ouverte vers le salut, vous autres, savants, industriels, défenseurs de l’association, du salariat et de tout le reste ? Par quoi sauverez-vous le monde ? Par le crédit ? Qu’est-ce que le crédit ? À quoi vous mènera-t-il ? »

A cent mille milliards de dollars de dette immonde.  Et vive le NWO !

 

Bibliographie

Fiodor Dostoïevski – L’Idiot (1869) – Les Possédés (1872) – ebooksgratuits.com

Nicolas Bonnal - Le Crocodile et Dostoïevski (en PDF sur France-courtoise.info)