Dieu a-t-Il un Plan-B ?

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Dieu a-t-Il un Plan-B ?

6 août 2020 – En un sens, l’énorme catastrophe de Beyrouth qui, à deux jours près, se situe au jour du 75èmeanniversaire d’Hiroshima, nous rappelle tragiquement, presque métaphysiquement comme si le Ciel veillait sur nos sottises incontinentes, – ce qu’est une guerre nucléaire ; parce que, justement, les explosions de Beyrouth ont semblé être “nucléaires”, que l’analogie est tout de suite venue à l’esprit, touchant aussi bien les officies, les commentateurs, les dessinateurs politiques, éventuellement votre serviteur-PhG soi-même, toujours fasciné par cette remarque métaphysique de l’homme de science, désespéré et stupéfié par la beauté de l’enfer de feu et de force, découvrant l’horreur sublime de sa création, et murmurant : « Plus clair que mille soleils ».

Même les divers explorateurs et découvreurs de complots complotistes se sont servis de la tangente nucléaire qui permet sans aucun doute de faire monter la sauce, et l’on comprend que cela ne peut nous étonner une seconde. Ces volontaires des ‘forces spéciales’ de la plume dissidente et alternative ont reçu un entraînement de commandos tous-terrains, –  soit qu’ils évoquassent, ces complotistes de complots, une arme nouvelle et évidemment mystérieuse, soit qu’ils identifiassent un nouvel épisode spécial de la guerre asymétrique mondiale ; ou alors, bien plus classiquement, qu’ils aient immédiatement vu là où il fallait regarder, une attaque israélienne à l’arme tactique nucléaire (les précisions étant détaillées avec force, on peut aller voir ici ou bien ailleurs) sur fond de complot globaliste du type business as usual, avec Netanyahou en guide de nos phantasmes...

Je suis toujours épaté, – pardi, parce qu’ils sont épatants ! – par la tenue extrêmement assurée de ces commentaires. On tranche dans le vif et on élimine le gras, on détaille, on vous expose tous les plans, on est entre connaisseurs, clin d’œil en bandouillère. On ne s’excuse de rien, même pas de ne nous avoir rien dit auparavant puisqu’évidemment on savait à l’avance ce qui allait se passer.

Il y a une capacité formidable, et une volonté à mesure, disons de narrativiser l’événement à partir d’une référence narrativiste ; de banaliser sans barguigner la symbolique qui nous écrase de toute sa puissance, de ramener toutes les fureurs du ciel et des dieux à des arrangements humains incroyablement compliqués et qui marchent à tous les coups, dans tous les sens, du pied gauche et de la main droite... Plus les événements accumulés à la vitesse de l’éclair sont terribles, incompréhensibles, incontrôlables, plus l’on jongle avec eux, comme le dompteur-Barnum avec son lion, comme la tragédie-grecque et la tragédie-bouffe transmutées en tragédie grecque-bouffe éclatant en Méditerranée, non loin à la fois de Beyrouth et de la base que le Pentagone vient d’installer dans l’Atlantide, et où relâche, prêt à tout, le USS Platon et son escorte typique d’un Carrier Strike Group.

En effet, c’est comme une promenade de détente sans grandeur dans une fête foraine où se dissimulerait, au milieu des flons-flons grossiers, de la barbe à papa si fort mal rasée, de l’odeur de l’huile rance des pommes frites, ci-devant ‘French Fries’ ; comme si se dissimulait puis se découvrait soudain et enfin la création à couper le souffle d’une pièce sublime de Shakespeare dont le manuscrit aurait été retrouvé dans l’arrière-cour de la Mer Morte, et qui décrit les affres d’une guerre nommé Grande Crise de l’Effondrement du Système : 

« Life is but a walking shadow, a poor player
» That struts and frets his hour upon the stage
» And then is heard no more. It is a tale
» Told by an idiot, full of sound and fury
» Signifying nothing. »

...Je veux dire par là, au contraire du Très-Grand Will dans ce cas, qu’on ne peut s’engager complètement, ni dans l’envolée héroïque et fatale que requiert la formidable souffrance qui pèse sur ces événements (la tragédie), ni dans le simulacre peinturluré aux couleurs d’une psychologie exacerbée s’abîmant dans la caricature rigolarde d’elle-même en détaillant les complots hollywoodiens confrontés au Politiquement-Correct de circonstance (le bouffe).

Dans cette époque sans mesure, sans perspective ni dessein, sans espérance, sans test définitivement négatif, une époque sans rien du tout si vous voulez ; et qui, pourtant, expose avec assurance et d’un trait ferme les dessous et les contours des événements les plus incompréhensibles, les plus incontrôlables, les plus indiscernables et les plus terribles d’un monde qui serait sorti de lui-même pour pouvoir respirer, pour ne pas étouffer ! — entre ceci et cela, on ne peut en vérité se fixer dans une attitude. Car enfin, faut-il ironiser à partir de l’Olympe de l’inconnaissance avec un rire qui raisonne comme la musique des anges, et qui se ferait pourtant presque rabelaisien ; ou bien faut-il pleurer à larmes glacées d’effroi, faut-il verser des larmes de sang sur l’incroyable souffrance que les humains s’infligent à eux-mêmes ?

Pas de réponse, car Dieu n’est pas si bête. Dieu a un Plan-B, se chuchote-t-il...

Par ailleurs, le New YorkTimes et le Post mènent l’enquête pour découvrir comment la terrible catastrophe de Beyrouth n’aurait pas eu lieu si Joe Biden, Ange réincarné avec son masque si-sexy, avait déjà mis KO la “bête immonde” sortie par effraction de sa Trump-Tower, et l’avait déjà remplacée dans le bureau ovale... La presseSystème américaniste a son chemin bien à elle, une façon absolument assurée d’elle-même, le regard fixe, zombieSystème orienté dans le sens des aiguilles d’une montre, cette façon de narrativiser l’histoire du monde à sa propre sauce bien entendu américaniste et progressiste-sociétale, – Beyrouth Lives Matter !  (BLM, justement, pour ceux qui cherchent la signification de la chose)...

Le même jour où l’on commentait la catastrophe donc, paraissaient des textes sur le 75èmeanniversaire d’Hiroshima. Par exemple, celui, excellent et fort documenté, de John Pilger dont on sait que la possibilité d’une guerre nucléaire est l’obsession. Pilger publie ce texte très long, qui démarre à propos d’Horishima-1945, et débouche, – qui l’aurait cru, – sur l’interrogation-2020 des relations catastrophiques Chine-USA. Pilger n’écarte absolument pas, bien entendu, la possibilité nullement dissimulée d’un conflit mondial, c’est-à-dire nucléaire bien entendu. En même temps paraissait sur Sic Semper Tyrannis un texte dont le titre ne nous dissimule rien : «La guerre entre la Chine et les USA est-elle inévitable ? »

Sérieusement ? Sérieusement...

Et plus encore : je vois entre ces différents aspects, qui touchent nos habituelles démarches, réflexes compulsifs, hypothèses pavloviennes, j’y vois un lien psychologique ni explicité ni identifié mais d’une force extrême, qui nous tient tous ensemble d’une main de fer et de feu, esprits affolés ou provoquants, âmes exaltées ou arrogantes. Car il faut bien voir que, dans nos descriptions, dans nos commentaires, dans nos exclamations et dans nos hypothèses, la catastrophe libanaise a été instantanément politisée, intégrée dans la Grande Crise, devenant un épisode de cette Grande Crise. Beyrouth subit le même sort que Covid19, George Floyd et la Grande-Émeute2020, les menaces sino-américanistes, les regards ironiques de Poutine, l’affrontement au sommet entre les deux jeunes dieux éclatants du Nouveau Monde, – Trump-74 et Biden-77.

La Grande Crise, la GCES m’épuise... “Moi non plus”, répond en ricanant mon double (le tragique et son bouffe). – en ajoutant, sur un ton d’un humour effroyable et grossier : “On récolte ce qu’on s’aime”, – et moi, toujours voulant le dernier mot pour qu’enfin le crépuscule de son temps le fasse taire : “Quand on sème, on a toujours vingt ans”.