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5738Au lendemain de l’annulation brutale par le secrétaire d’État Pompeo d’une rencontre avec Merkel, un commentateur de l’important et l’influent journal allemand Suddeutsche Zeitung (SZ) constate et affirme que « Les États-Unis ne sont plus des alliés, mais plutôt des ennemis contre lesquels il faut former des alliances ». Il s’agit bien entendu d’une réaction sans portée officielle, mais le SZ, de tendance libérale modérée de gauche, représente effectivement une voix importante et influente de l’establishment allemand.
Officiellement, les réactions allemandes ont été étriquées voire gênées, pour masquer le désarroi, le mécontentement et la crainte à la fois de la direction allemande. La chancelière a fait dire que l’annulation venait “du côté US”, ce qui enfonçait une porte ouverte pour faire un peu de vent ; cela, tandis qu’un parlementaire du parti de Merkel de la CDU, Juergen Hardt, insistait pour nous dire que l’annulation de la rencontre n’était pas « une rebuffade », ce qu’elle est évidemment, mais que « c’était bien dommage que cette rencontre n’ait pas pu avoir lieu », ce qu’on croira sans peine au vu du courage et de l’audace du gouvernement Merkel.
Spoutnik-français donne quelques précisions sur l’article du SZ qui reflète plus exactement le sentiment allemand, dans la coalition actuellement au pouvoir.
« L'annulation au dernier moment d'une visite du secrétaire d'État américain Mike Pompeo en Allemagne atteste de la fin de l'amitié entre les deux pays, écrit Daniel Brössler dans le Suddeutsche Zeitung. Selon le journaliste, cette démarche de M.Pompeo pourrait être qualifiée d'éhontée et d'impolie en termes de culture politique.
» “Un peu plus de deux ans après l'entrée en fonction de Donald Trump beaucoup de choses considérées récemment comme l'amitié germano-américaine ont volé en éclats”, déplore le journaliste.
» À quelques heures du début d'une rencontre avec la chancelière Angela Merkel et le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas, Mike Pompeo a annulé sa visite en Allemagne. Un porte-parole du secrétaire d'État a indiqué que l'annulation de la visite tenait à des “circonstances imprévues”. Il a été annoncé plus tard que M. Pompeo se trouvait à Bagdad.
» Le Suddeutsche Zeitung renchérit en affirmant que Washington applique une politique inamicale caractérisée par le recours à la force. “Les États-Unis ne sont plus des alliés, mais plutôt des ennemis contre lesquels il faut former des alliances”, ajoute l'auteur de l'article. Il signale cependant en conclusion qu'après le départ de Donald Trump du poste de Président, les États-Unis deviendront, de nouveau, un partenaire véritable de l'Allemagne. »
Bien entendu, l’annulation de la rencontre a été faite d’une façon brutale, intentionnellement, par l’équipe de sécurité nationale en place à Washington, notamment le duo Bolton-Pompeo. Il est assuré dans notre esprit et dans notre jugement “opérationnel” que la rencontre avait été acceptée par Pompeo avec l’intention bien arrêtée de l’annuler à la dernière minute, de la façon la plus humiliante possible.
Le commentaire très bref de ZeroHedge.com sur cette passe d’armes (arme d’un seul côté d’ailleurs) a la brutalité qui sied à la manière grossière mise par le secrétaire d’État dans son comportement : « Alors que les tensions avec l'Iran atteignent un point d'ébullition et que Washington semble prêt à se retirer des négociations commerciales avec la Chine, le secrétaire d'État Mike Pompeo voulait apparemment s’assurer que les “alliés” européens des États-Unis ont bien compris comment ils doivent se conduire », – c’est-à-dire, exactement alignés selon les consignes de Washington... Au reste, la couardise et la lâcheté des Européens, et des Allemands dans ce cas mais aussi en général, méritent effectivement un tel traitement de la part des brutes obtuses qui mènent la barque à Washington. Tout est donc à sa place dans cette occurrence.
Comme on l’a vu avec le commentaire de ZeroHedge.com, tout cela tourne aujourd’hui autour des tensions relancées avec l’Iran (voir aussi WSWS.org et ses prévisions de possibilités d’attaque US). La manœuvre, qui est absolument instructurée, se fait selon une sorte de ronde des provocations déjà bien rôdée à Washington et correspondant essentiellement à l’exacerbation d’une sorte de folie guerrière de type-neocon qui vit selon l’ivresse du rythme (passer de la Russie au Venezuela, à la Chine, à l’Iran, etc.), et pas du tout selon une stratégie arrêtée dont les neocon sont totalement dépourvus ; encore plus, certes, avec cette sorte de neocon de la doublette Bolton-Pompeo qu’on qualifierait bien volontiers de MAX (neocon-MAX), comme le 737 du même surnom.
La pression de force déployée selon la danse des provocations a donc plusieurs destinataires, et le plus important n’est pas toujours celui que désigne l’apparence de la manœuvre. Dans le cas qui nous occupe, les pressions sur l’Iran visent effectivement, peut-être plus encore que l’Iran lui-même, les Européens, et surtout les Allemands, avec lesquels les USA ont plusieurs graves sujets de désaccord (dont l’Iran effectivement, mais aussi le gazoduc NordStream 2 et les exigences US de vendre du gaz à l’Europe, le retrait US de l’Accord de Paris, les dépenses de défense pour l’OTAN, etc.).
Éventuellement, dirait avec justesse Paul Craig Roberts, ces fous pourraient tout de même déclencher une attaque contre l’Iran ; mais, comme PCG lui-même qui est revenu de ses alarmes sur l’imminence d’un conflit, nous serions fort inclinés à douter d’une telle issue car, depuis l’entrée en piste de l’équipe neocon-MAX on a pu apprécier que leur instinct guerrier n’était pas exempt d’une certaine prudence, et surtout réservé à l’intimidation. Il y a la crainte d’un incident grave où les USA pourraient se trouver en difficultés (un seul groupe de porte-avions pour menacer l’Iran, c’est vraiment très court), mais surtout les freins que constituent les hésitations de Trump et sa répugnance à un engagement sérieux, et la même chose du côté du Pentagone.
Bien entendu, tout cela ne joue pas du côté des Européens, et surtout des Allemands, tout ce beau monde vivant sans ciller ni même s’interroger à propos d’un régime d’occupation armée qui ne prend même plus aujourd’hui la peine de se déguiser et de se faire discret. Dans ces conditions, les beaux écrits de SZ (« Les États-Unis ne sont plus des alliés, mais plutôt des ennemis contre lesquels il faut former des alliances ») ont le crédit des simulacres de campagne électorale, et la situation générale européenne vis-à-vis de la nef des fous & des idiots de Washington contribue très fortement, et de plus en plus chaque jour, à miner le faible crédit que l’Europe-UE et “germanisée” conserve dans l’esprit du public. On ne dit certainement pas que cela se ressentira dans les résultats des élections du 26, puisque le tissu politique reste suffisamment résistant pour l’instant, pour freiner des courants contestataires, mais cette situation transatlantique devrait accélérer les différents désordres européens et contribuer à la destruction du crédit des institutions européennes et à l’accélération de la succession de débâcles intérieures des partis de l’establishment.
Ainsi pourrait-on constater que, d’une certaine façon, les neocon-MAX de Washington sont les alliés objectifs des dissidents de l’ordre européen, et aussi de dynamiques telle que celle des Gilets-Jaunes... Nous n’en sommes pas à une contradiction ni à un paradoxe près, et la catastrophique politique de l’américanisme reste malgré toutes ses monstruosités le meilleur instrument d’autodestruction du Système qu’on puisse imaginer. Ce n’est ni glorieux, ni revigorant, mais c’est une vérité-de-situation irréfragable : au moins l’extraordinaire vulgarité du duo Bolton-Pompeo sert-elle à quelque chose.
Mis en ligne le 8 mai 2019 à 21H19
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