Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
572118 février 2023 (09H10) – Qu’est-ce qu’a voulu faire Seymour avec son long reportage sur le sabotage de NordStream 2 ? Un de ses amis a répondu, observant pour lui, qu’il s’était employé, lui Hersh, à « déconstruire l’évidence », c’est-à-dire qu’il faut d’abord entendre « ce que le président a dit », quelques mois avant de passer à l’acte, pour comprendre de quelle évidence l’on parle en vérité ... C’est ce que Seymour Hersh nous confie, à nous, dans son interview à ‘DemocracyNow !’ du 15 février :
« Eh bien, tout d'abord, je pense que le reportage peut vraiment être décrit comme l'a fait un de mes amis : Ce que j'ai fait, c'est vraiment déconstruire l'évidence. Je veux dire, vous devez entendre ce que le président a dit. Mais, bien sûr, il y avait des plans secrets, sur lesquels je suis en train d'écrire, et ils incluent, – il y avait un comité mis en place. Jack Sullivan était directement impliqué. Il était le conseiller à la sécurité nationale, il l'est toujours. Ils ont mis en place une équipe chargée d'examiner les options permettant de faire pression sur le gouvernement russe pour qu'il fasse marche arrière. »
Effectivement, la séquence du 7 février 2022 opportunément reprise dans son entièreté par ‘TheDuran.com’, montrant Biden et Scholz côte-à-côte, est mémorable, document quasiment historique correspondant à son « vous devez entendre ce que le président a dit. ». Nous l’avons tous écouté mais nous ne l’avions pas vraiment entendu...
Il (Biden) confirme l’appréciation d’« évidence » pour qualifier l’intention US d’interrompre par quelque moyen que ce soit le fonctionnement de NordStream2, quasiment aussi bien que nous est confirmée l’information qu’en a reçue (que vient d’en recevoir) le chancelier Scholz au cours de cette même rencontre. Je dirais même que l’attitude, le comportement, la voix sans tremblement, l’aplomb du chancelier sont encore plus impressionnants lorsqu’on réalise à propos de quelle dimension de trahison assumée s’expriment ces caractères physiques et psychologiques, que l’ânonnement robotique du président US dévasté par sa démence sénile et accroché à son idée fixe de la “défense” de l’Ukraine zélenkiste où se trouvent nombre de secrets de la famille Biden.
L’atmosphère d’irresponsabilité, d’inculture et d’aveuglement, de lâcheté et de fatalisme, de bégaiement et de leçon bien apprise, est proprement extraordinaire et surréaliste lorsque l’on sait ce qui s’est passé ensuite. De même qu’il y a un tremblement de terre en Turquie-Syrie où certains voient des interaction suspectes et néanmoins imaginables jusqu’à la folie complète de l’empire, il y a dans cette scène un condensé de la dévastation de l’humanité que constitue la chute de l’empire américaniste transformant les USA en un mélange de piraterie sans la moindre vergogne, de crime organisé dans le désordre et le chaos, de folie vécue comme le signe divin de l’exceptionnalité.
Depuis, nous avions mal réalisé et pas du tout vraiment-conceptualisé, ce que signifiait cet acte manifestement commis par les USA. Hersh, persuadé dans toutes les ramifications de son métier d’avoir singulièrement « déconstruit l'évidence », en tire cette conclusion politique que nous sommes alors obligés désormais d’envisager, – parce que l’acte commis par les USA est sans précédent et que cet acte sans précédent s’impose à notre conscience et à notre jugement :
« ...Maintenant, ce [que Biden] a fait, c'est qu'il a dit à l'Europe, “Vous êtes une puissance de second ordre”. Et je pense que les conséquences de cela pour les Européens vont être terribles. Ils ont vraiment ... cela a gravement entamé l’idée qu'ils peuvent dépendre totalement de l'Amérique, même en cas de crise. Et je pense que cela va affaiblir l'OTAN... [...]
« Et de toute façon, je pense que les conséquences politiques pour nous sont énormes. Je pense que c’est la raison pour laquelle Biden et son équipe à la Maison Blanche ont nié l'histoire et continuent de le faire, alors qu’elle est pourtant acceptée par une partie de la presse... [...] Je pense aux conséquences politiques pour nous à long terme, j’envisage même que certains pays puissent quitter l'OTAN... »
Il n’était pas évident que l’on assimilerait tout cela, qu’on le réaliserait, qu’on en prendrait une conscience totale. Mon sentiment est que ce phénomène est en train d’opérer et l’intervention de Hersh y est évidemment pour beaucoup, sinon pour l’essentiel tant est grande la gloire journalistique que ceux (de la presseSystème) qui le diffament aujourd’hui ont déversée sur lui hier par brassées de fleurs admiratives et odorantes. Que sa version soit juste ou pas n’importe guère, et je vous ai déjà dit qu’à cet égard l’Inconnaissance m’arrange tout à fait ; qu’importe enfin ! C’est lui, par sa notoriété, par son entêtement et son professionnalisme hors-pair, par les conditions de diffusion (de non-diffusion par la presseSystème), c’est lui qui nous a alertés, littéralement mobilisés et forcés à revenir sur cette affaire pour la voir dans toute sa signification.
A partir du moment où certains, – qu’ils soient partisans ou adversaires des Russes et de la thèse de la responsabilité US, – discutent ou réfutent tel ou tel détail de l’interprétation de Hersh, ils donnent du crédit à l’objet de cette interprétation qui est l’évidence de la responsabilité US. L’interprétation de Hersh n’est peut-être pas juste à 100%, ni à 75%, mais il nous a montrés, en la déconstruisant, que l’évidence était indiscutable, – que l’évidence est évidente, – que le roi est nu et que le spectacle n’est pas excitant...
Cela nous donne une indication précieuse sur le fonctionnement de la communication dans le crédit qu’on peut ou non accorder à l’information. Il est frappant qu’un journaliste du calibre de Hersh, – non pas qu’il n’ait pas trouvé de journal grand public (presseSystème) pour son article, – non pas cela, – mais qu’il n’y ait simplement pas songé... Il dit que
« c’est devenu un jeu fatigant pour moi [de chercher un journal grand-public pour m’éditer », –
Et il en est même sincèrement désolé, sans doute un peu triste, parce qu’il se rappelle ses “années merveilleuses” au New York ‘Times’, vous comprenez, quand le New York ‘Times’ était le New York ‘Times’ ; et lui-même indiscutable Prix Pulitzer...
« Et, vous savez, c'est un jeu fatigant pour moi. Donc, ce qui s’est passé, c'est que j’ai écrit mon histoire sur Substack [son propre site], et je n'y ai même pas pensé !... Je suis gêné de le dire après toutes ces merveilleuses années que j'ai passées au ‘New York Times’... Je n’ai même pas pensé apporter une histoire comme celle-ci au ‘New York Times’. Ils ont décidé que la guerre en Ukraine serait gagnée par l'Ukraine, et c'est ce que leurs lecteurs doivent lire, et c'est ainsi. C'est leur décision. Donc, j'ai juste fait mon reportage. »
Que s’est-il passé, qui nous le dira ? Quel chemin la notoriété de l’histoire a-t-elle pris pour se répandre ainsi, se glissant entre les silences frileux de nos grands “journaux de référence” et les démentis mécaniques et tranchants des représentants de nos directionsSystème ? Que s’est-il passé pour que, finalement, Maria Zakharova à Moscou en parle avec son ironie carnassière, pour que le porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères lance un défi à la presse du ‘Collective West’, – avec son air de “Parlez-en si vous en avez les boules” :
« Immédiatement après les explosions, nous avons assisté à une couverture extensive dans les médias américains et occidentaux, avec des spéculations unilatérales sur les “responsables” du sabotage. Ce que nous voyons maintenant, cependant, c'est que ces médias, salués comme libres, professionnels et impartiaux, sont devenus muets sur le rapport détaillé de Seymour Hersh. »
Effectivement, le paradoxe serait bien là : la censure de ce journaliste célébrissime, Hersh, son rejet par toute l’épuisante et bienpensante presseSystème, d’un si morne ennui dans ses mensonges et les contradictions qui les accompagnent, apparaissent comme une bouffée d’air frais. Et l’on découvre alors, une fois de plus mais chaque fois bien davantage, qu’il existe une presse indépendante, une presse dissidente et du type-‘Samizdat’, et qu’elle est une redoutable concurrente pour la presseSystème, une concurrente mortelle. Hersh lui-même s’en est étonné...
« Je regarde mon courrier. Je regarde mon Gmail, et je vois chaque jour de plus en plus de choses, – plus que je ne le voudrais. Je vois plus de messages du monde entier, de différents pays qui affluent. Je vois ça. Je vois quelque chose qui se passe sur Substack, – et je ne connaissais pas Substack et c’est une plateforme incroyable... Ils ont eu plus d'un million de visites sur le truc en un jour. Je veux dire, les gens, ce qu'ils étaient,... les messages que j'ai reçu des gens disaient, “Merci mon Dieu. Le genre de reportage que vous et d'autres faisiez avant nous manquent. Nous n’en voyons plus”... Bien sûr, je ne parle pas de ton émission, Amy [productrice de ‘DemocracyNow !’]. Je te garantis, pas ça... »
On savait bien que le gauchiste ‘DemocracyNow !’ fait partie du monde du Samizdat, qui se fiche bien des étiquettes. Alors, on ne fait pas du cas Hirsh-NordStream un cas spécifique, un événement réduit à ses propres données, mais l’archétype formidable de la fausseté de ces Temps-de-Simulacre. Nous avons la démonstration in vivo de ce qu’est notre Temps de la Fin des Temps, de ce qu’est ce simulacre d’Empire peuplé de pirates camés et de gredins fous qu’est l’Amérique, de ce qu’est le souterrain sordide du Mordor de sous-sol où a échoué la modernité.
Pour la suite, on verra...