De la candidature Obama à la “culture de la haine”

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De la candidature Obama à la “culture de la haine”

Tout se passe comme si Barack Obama annonçait sa candidature pour USA-2020, mais à sa façon, c’est-à-dire en n’étant pas candidat comme tout le monde et dans le flot de la politique réelle, en dénonçant les programmes extrémistes un peu, avec une douceur-cool, et en ne prenant aucune position dans la course à la désignation démocrate. Obama est donc candidat à une élection USA-2020 qui n’existe pas sinon pour lui seul, et il conseille aux candidats de la vraie présidentielle-2020, sans “prendre parti”, de faire comme si chacun d’entre eux était lui-même. L’intervention de l’ancien président a donc constitué un événement extraordinaire qui aura pour effet 1) de compliquer extraordinairement les choses, et 2) de mettre en évidence que personne chez les démocrates ne peut trancher le nœud gordien, et même d’ailleurs que personne n’y songe, comme si le nœud gordien arrangeait tout le monde... 

(A moins, à moins, – “Rêvons un peu”, – qu’Hillary, qui est certainement une concurrente de taille d’Obama en fait d’arrogance et de sûreté de soi, ne surgisse au milieu du circuit et annonce que, cédant aux sollicitations de Dieu, elle fait don à la “nation exceptionnelle” de sa personne et est à nouveau candidate... Ainsi ZeroHedge.com nous en instruisait à la fin octobre :

« Il n'y a pas de plus grande joie dans la politique américaine moderne que d’écouter un ancien allié des Clinton parler crûment des illusions de grandeur qui ont conduit Hillary à mener deux campagnes présidentielles catastrophiques, profondément ancrée dans sa certitude arrogante qu’elle et elle seule peut et doit occuper l’une des plus puissantes fonctions sur terre.
» Cette semaine, cet ancien allié est Dick Morris, qui a été conseiller du président Clinton à la Maison-Blanche. En fait, les liens de Morris avec les Clinton remontent à la candidature de Clinton au poste de gouverneur de l’Arkansas en 1978.
» Ainsi, lorsqu’il dit qu’Hillary Clinton veut très probablement trouver une raison de se lancer dans la course de 2020 parce qu'elle pense que “Dieu l'a mise sur la terre pour être présidente”, les lecteurs savent que cela doit être pris au sérieux. »)

Quoi qu’il en soit et pour en venir au vif du propos, il se trouve qu’il y a eu, jeudi dernier, un événement extraordinaire qui s’est déroulé tout en douceur, entre un Obama plus super-cool prophétique que jamais et une assemblée de milliardaires progressistes, accoutumés à tenir leur rôle de riches donateurs du parti démocrate. Obama leur tint un discours de sagesse qui était fait pour tenter de les rassurer quant à leurs placements, autant que pour donner indirectement leur feuille de route intenable et leurs “éléments de langage” d’un autre temps aux candidats en lice pour les primaires démocrates. C’est le fidèle  New York Times  qui a rendu compte de la fiesta, notant après avoir cité Obama (voir plus loin) :

« Ces propos marquent une incursion extraordinaire dans la course aux primaire démocrates de l'ancien président, qui a pris soin d'éviter même de donner l'impression d’influencer l’évolution de la compétition.
» Il a critiqué implicitement les sénateurs Bernie Sanders et Elizabeth Warren, qui pressent les électeurs de soutenir une “révolution politique” et de “grands changements structurels”, ainsi que des propositions autrefois largement considérées comme le fait des extrêmes progressistes du parti, notamment le noyautage des tribunaux et la décriminalisation du passage illégal des frontières. »

Quels sont donc les propos d’Obama dont il est question ? Des citations sont données, qui montrent une position modérée, nettement critiques de la dérive progressiste, sinon gauchiste, de l’ensemble du parti démocrate, justement avec les positions en tête dans nombre de sondages pour la désignation du candidat démocrate des sénateurs Sanders et Warren, tandis que la tendance modérée du parti tend à devenir minoritaire, représentée par des brontosaures du type Biden et Pelosi.

« Même si nous repoussons les limites et si nous sommes audacieux dans notre vision politiques, nous devons aussi rester enracinés dans la réalité. [...]
» L'Américain moyen ne pense pas qu’on doive complètement démolir le système et le refaire.
» Je ne pense pas qu’il faille se leurrer en pensant que la résistance à certaines approches vient du fait les propositions n’ont pas été assez audacieuses et que si les électeurs entendaient quelque chose d’encore plus audacieux cela les déciderait à voter dans ce sens... Il y a beaucoup d'électeurs indécis et beaucoup de démocrates qui veulent simplement que les choses aient un sens. Ils ne veulent pas de trucs dingues. Ils veulent des choses un peu plus équitables, un peu plus justes. Je pense que la façon dont nous aborderons ce problème jouera un rôle très important. »

On a donc compris ce qu’Obama veut nous dire, et l’on a aussitôt remarqué avec quelle élégance il enfonce les portes ouvertes des lieux communs, ainsi que son maniement avec brio du flou général et de l’absence d’engagement qui ont caractérisé le propos. Ainsi, plaidant ouvertement pour une candidature modérée alors qu’il n’y en a qu’une qui ait encore une petite chance, il s’est bien gardé de prendre officiellement position pour Biden. D’autre part soyons juste et alors on le comprend : la candidature Biden a du plomb dans l’aile et ne cesse de perdre l’ascendant qu’elle avait au début, et Biden lui-même est déjà encadré de missiles divers autour des affaires de corruption en Ukraine de son fils et de lui-même, dont l’un ou l’autre finira bien par exploser.

Au reste, tout cela préoccupe-t-il Obama ? On connaît sa personnalité, et ce qui compte pour lui désormais c’est l’image qu’il laissera dans l’histoire de la Grande République : premier président Africain-Américain devenu “le sage du parti démocrate”...  Que le parti démocrate devienne fou après lui, notamment en ne suivant pas ses conseils, que lui importe au fond ? Il reste plus que jamais “le sage”, et il se pourrait bien qu’il devienne pour l’histoire “le sage” que le parti démocrate, dans sa folie, n’a pas voulu ou n’a pas pu écouter, – pour l’histoire, plus “sage” que jamais, – et “après lui le déluge”...

Par conséquent et pour redevenir plus concret, l’intervention d’Obama n’a fait que mettre en lumière la crise terrible que traverse le parti démocrate. Mais ce parti lui-même est fautif, c’est lui-même qui entretient cette “crise terrible” en alimentant une atmosphère de haine et d’extrémisme contre le président en fonction ; cette atmosphère fait  bien entendu sentir constamment ses effets sur les dirigeants, les élus, les candidats et les militants démocrates dont tant de célébrités échevelées, dans le sens également d’une extrême radicalisation. Les conseils de modération du “sage” Obama tombent au milieu d’une fournaise, d’un “tourbillon crisique” institutionnalisé avec la crise de la destitution, et l’on voit mal qu’ils puissent avoir quelque effet d’importance dans une telle situation où domine ce qu’on pourrait nommer une “culture de haine”.

Au contraire dans de telles conditions du climat de modération prônée par Obama, c’est la thèse de Paul Craig Roberts que les démocrates, en lançant la procédure de destitution, ne cherchent pas tant la chute de Trump, qu’ils savent extrêmement improbable avec la majorité républicaine au Sénat, qu’à entretenir et faire grandir une haine collective contre Trump pour le battre dans la course USA-2020, c’est-à-dire un climat de haine générale qui, bien entendu, empoisonne irrésistiblement et de plus en plus tout le monde politique washingtonien et l’électorat en général.

« Certains analystes pensent que les démocrates à la Chambre utilisent la soi-disant destitution non pas pour produire des preuves, puisque de toutes les façons ils n’en ont aucune, mais pour faire de la haine contre Trump un sentiment en vogue, surtout parmi les jeunes qui sont connus pour vouloir être inclus dans ce qui est en vogue. Le projet des démocrates est de rendre la haine de Trump populaire et d’entraîner les jeunes dans ce courant populaire pour baser leur vote sur la haine de Trump. »

PCG est bien entendu horriblement pessimiste à propos de cette entreprise de la mise en accusation de Trump par la Chambre. Dans la tactique complexe et politiquement pyromane qu’il décrit, il ne voit rien de moins qu’un “Coup”, une sorte de coup d’État contre Trump. Il y a évidemment beaucoup d’arguments pour cette interprétation, y compris le fait que cette démarche d’un “coup d’État” est largement proclamée, publiquement, régulièrement reprise, etc., souvent par d’anciens hauts fonctionnaires et chefs des services de sécurité et quasiment à ciel ouvert. On peut donc aisément admettre la conclusion que Roberts en tire, qui n’est pas non plus un jugement rarissime : l’on se trouve désormais dans une période d’effondrement de la démocratie, ou d’une pseudo-démocratie et de ce qu’il en reste, c’est-à-dire d’un processus d’effritement et d’effondrement du pouvoir d’une puissance qui s’est voulue empire et qui en subit désormais le sort inéluctable.

« Il y a en fait beaucoup d'Américains qui ont été conditionnés pour détester Trump si complètement qu’ils accepteraient son expulsion par un coup d’État. Ils sont tellement dans un état d’émotion[d’affectivisme]qu’ils sont incapables de penser aux conséquences d'un coup d'État sur la démocratie. C'est la pente glissante que les Romains ont empruntée. Une fois qu'un empereur a été renversé par un coup d’État, tous les empereurs pouvaient l'être, et l'ont souvent été, par un coup d’État. Le désordre interne qui s'ensuivit contribua grandement à la chute de Rome. »

En Amérique, c’est-à-dire aux USA dont l’on sait que c’est le pays de la vitesse et de la modernité, et en plus avec des processus de communication de la vélocité qu’on sait, les choses devraient aller beaucoup plus vite qu’à Rome...

 

Mis en ligne le 17 novembre 2019 à 13H54

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