De la banalité de l’arrogante bêtise

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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De la banalité de l’arrogante bêtise

20 août 2023 (17h15) – On a beaucoup de mal, effectivement, à qualifier la dernière intervention en date du Haut, Très-Haut Représentant de l’UE, le ministre des affaires étrangères si l’on veut ; Josep Borrell. “Bêtise arrogante” ? Pourquoi pas ? Cela aurait pu être aussi bien : “inculture satisfaite”, ou bien “inhumanité de la connaissance“ – que sais-je ! Mais cette dernière intervention doit être signalée, sanctionnée, mise en évidence comme un symbole de tout ce qui, dans le monde refermé sur lui-même pour ne s’alimenter que de bêtise, d’inculture et d’inhumanité, flamboie dans l’ombre démesurée de nos dirigeants. Il y a chez eux une totale impuissance à mesurer l’avancement des choses et les changements qui secouent le monde, – et une certaine jouissance de la satisfaction de soi, comme si des voix extérieures leur disaient que nul ne pourraient faire mieux que ce qu’ils font, et que par conséquent ces changements se verront obliger de suivre leur narrative.

Mais je vous dis aussitôt de quoi je parle, qui renvoie à une autre lumière de notre Occident-maladif, qui s’est éteinte depuis, dans la grande douleur et le désarroi des peuples. Avant Borrell, il y eut McCain, deux clignotants de la même voiture... Attendez, je vais vous exposer la chose, via RT.com.

« L'économie russe est petite comparée aux autres acteurs géopolitiques majeurs, a déclaré le chef de la politique étrangère de l'UE, Josep Borrell, dans un entretien avec le journal El Pais publié samedi.

» S'exprimant sur les relations entre l'UE et la Chine, Borrell a suggéré que Pékin, contrairement à Moscou, est un “véritable acteur géopolitique” qui ne doit pas être sous-estimé ou isolé. La Russie, en revanche, est trop faible en termes économiques en raison de sa dépendance aux exportations d'énergie, a-t-il affirmé. “La Russie est un nain économique, elle est comme une station-service dont le propriétaire possède une bombe atomique”, a déclaré M. Borrell.

» Néanmoins, le diplomate a affirmé que la Russie représentait une menace pour la sécurité de l'UE, en évoquant le conflit entre la Russie et l'Ukraine, qui, selon lui, se trouve pratiquement “à la frontière de l'UE”.

» Ce n'est pas la première fois que la Russie est comparée à une pompe à essence. En 2014, le défunt sénateur américain John McCain a déclaré que la Russie était “une station-service déguisée en pays”, affirmant que le gouvernement n'était guère plus qu'un exportateur d'énergie. »

Selon le ministère russe des Finances, – mais c’est bien entendu un “nain ministériel”, alors..., – les rentrées des exportations de gaz et de pétrole fournissaient 27% des revenus de la Russie en 2022. Les revenus hors-station-service (commerce dont armements et technologies, services, etc.) ont augmenté de 18% entre 2021 et 2022 pour atteindre 73% des revenus du budget en 2022.

Voilà pour l’économie, je n’en dirais pas plus sinon que la station-service ressemble plutôt à une grande surface. La même sottise avait donc été dite en 2014 par le sénateur John McCain qui était (il est défunt, la pompe à la main) d’une bêtise, d’une inculture et d’une inhumanité équivalentes à celles de Borrell, avec en plus la touche-yankee de cette sorte très particulière d’hybris.

Je m’interroge alors à propos de ses conseillers en com’ qui font les questions-réponses des interviews que la presseSystème sollicite de Sa-Grandeur Borrell : n’ont-ils pas songé qu’il était notablement crétin de reprendre au compte de Sa-Grandeur une déclaration aussi stupide, et jugée comme telle à l’époque, du sénateur McCain qui affectionnait les voyages à Maiden en compagnie de sa copine Nuland ?

Quand on plagie, on essaie de plagier quelque chose marquée par le brio, l’originalité, la finesse, et si l’on est un peu moins arrogant qu’Attali, on cite au lieu de plagier : ainsi paraît-on à la fois humain et cultivé, – c’est-à-dire pas si bête au bout du compte... Mais évidemment, citer McCain, c’est au départ un  sacré handicap, un poids lourd à porter : a-t-on jamais rencontré créature plus bornée, – qui lançait des bombes sur le Nord-Vietnam avec son A-4 ‘SkyHawk’ (excellent petit avion d’attaque, embarqué) ; – qui se faisait descendre, capturer, mettre en prison pas loin d’Hanoï ; – qui parvenait à laisser se répandre le bruit qu’il avait collaboré avec les Nord-Vietnamiens en donnant certains de ses compagnons de cellule en mal d’évasion ? Il est normal qu’il, – lui McCain, fils d’amiral, – ait été élu sénateur de l’Arizona, là où l’on trouve les porte-avions en partance pour le Vietnam.

Ce que je veux dire finalement, c’est que ces gens n’ont aucune pudeur pour draper leur indigence d’esprit, leur conformisme du mimétisme, leur plaisir presqu’extatique à dire dans le même sens que leur indique le Système, leur réflexe presque vital comme l’on risque de mourir en cessant de respirer de se mettre dans les rangs, là où l’air est garanti sans pli de dissidence. Que cela leur fasse dire des conneries qui sont les conneries imitées multipliées par dix, donc des conneries multipliées par dix-fois de conneries, vous voyez – car l’image de McCain était déjà ridicule en 2014, mais celle de Borrell, dix ans plus tard, est au moins dix fois plus ridicule, – que voulez-vous que cela leur procure puisqu’ils ne sont nullement touchés par rien de ce qui est humain ?

Comment, ce personnage-là, typique de l’inexistence moderniste, qui est allé cinq-six fois en Ukraine en roulant des mécaniques pour dire que l’Ukraine, c’est-à-dire l’UE-OTAN, réglerait cette affaire avec la Russie « sur le terrain », c’est-à-dire ferait éclater l’armée russe et envoyer Poutine au Goulag, – voilà qu’il nous revient en nous disant que la Russie compte pour du beurre, que c’est « un nain économique », – donc, à dégager, y compris du champ de bataille ! Mais Josep, du pourras encore dire ça quand tu auras dégusté en bonne et pleine poire une quasi-centaine d’obus de 155mm tandis que les pièces ukrainiennes restent muettes, parce que les “géants économiques” ne vont tout de même pas s’abaisser à fabriquer de la ferraille de guerre !

Notez bien, c’est inutile. Ils entendent mais ils n’écoutent pas, alors ils n’entendent rien. Ils oublient tout ce qu’ils ont dit au-delà des dix derniers jours, si seulement ils se sont écoutés en les disant. Borrell ignore qui est le sénateur McCain ni ce que c’est qu’un ‘SkyHawk’ larguant des bombes sur le Vietnam. Pour lui, le Russe vit dans “la jungle” du monde hors-UE et de son jardin d’hiver inspiré par un Le Notre postmoderne et maître d’Art Contemporain. Même si ce pays de Russie ose nous mettre la patate que nous méritons grandement, Josep, enfermé à Sainte-Anne avec son entonnoir sur la tête pour conjurer le soleil du réchauffement climatique, continuera à répéter, sans craindre l’accusation de nanophobie de la police wokeniste, que « le nain économique » qu’est la Russie est totalement inexistant, sans importance, sans intérêt, – et en plus de cela, russe et bien russe, c’est dire !

Ces gens sont en train de déguster une terrible leçon : la guerre existe toujours et l’économie n’y peut rien, surtout quand on ne l’a pas préparée à cela. Ils s’en fichent. Ils sont en train d’encaisser une autre terrible leçon : tout seul, truffée de sanctions comme un taureau accablé de banderilles, la Russie s’est révélée capable de subsister sur ses seules cornes, et de donner une leçon de développement vers l’autosuffisance et d’énergie nationale comme on en vit rarement. Cela s’est transfiguré sur le terrain de la guerre, là où s’affrontent les nains et les géants. Borrell préfère parler à ‘El Païs’, à un journaliste garanti sur facture, qui note avec zèle les vérités-de-simulacre du “géant économique” venu de Bruxelles pour quelques vacances nationales.

Enfin et pour terminer dans une douce euphorie, si vous voulez voir et comprendre combien nous avons évolué depuis que nous avons assisté au “miracle de Maidan”, cette co-production de Victoria et de Nuland, sponsorisée par les croquettes McDo pour Ukrainiens-en-colère, – Kiev-2014 ! –  lisez donc les conditions dans lesquelles McCain déterra cette révélation qui vient à son tour d’éclairer Josep Borrell. La Russie était déjà une  montagne monstrueuse de corruption comme elle l’est aujourd’hui plus que jamais, et d’ailleurs, nos sanctions commençaient déjà à faire de l’effet. Joe Biden n’était encore que vice-président mais il entretenait déjà tout son amour filial pour la cause irakienne.

« Vladimir Poutine commencera à ressentir une véritable pression lorsque les États-Unis et leurs alliés mettront en œuvre des sanctions contre la Russie, estime le sénateur John McCain (R., Ariz.). Même si une grande partie de l'Europe dépend de l'énergie russe, les sanctions constitueraient un rejet ferme de l'invasion de la Crimée par la Russie, car c'est le seul véritable moyen de pression contre Poutine.

» “La Russie est une station-service qui se fait passer pour un pays”, a déclaré M. McCain lors de l'émission State of the Union sur CNN. “C'est une kleptocratie, un monstre de corruption, une nation dont l'économie ne dépend que du pétrole et du gaz”.

» Les États-Unis devraient également envisager d'aider militairement d'autres pays de la région qui pourraient être menacés par la Russie, comme la Géorgie et la Moldavie, a-t-il ajouté. »