Danser sur les ruines d’un volcan en éruption

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Danser sur les ruines d’un volcan en éruption

Depuis quelques semaines, nous consultons régulièrement Jonathan Turley sur son site Res Ipsa Loquitur (“Les faits parlent d’eux-mêmes”). Couvert de lauriers et de distinctions au long d’une carrière déjà exceptionnelle, le professeur Turley occupe aujourd’hui la prestigieuse chaire de la Shapiro School,  dite ‘Shapiro Chair for Public Interest Law’, et notamment comme le plus jeune récipiendaire de cette position prestigieuse dans l’histoire de l’enseignement du Droit aux USA. Le site et les commentaires de Turley sont ainsi considérés comme une des sources les plus distinguées et les plus ‘authoritarive’ dans cette matière, – le Droit, – prodigieusement complexes et formant l’essentiel de la légitimité des fondements de la Grande République.

On sent dans tous les écrits de Turley une volonté de fer de s’en tenir aux principes du Droit, aux faits et aux actes avérés, sans laisser intervenir sa propre opinion sinon en la mentionnant ici et là, comme simple information sur lui-même et sur ses positions. Ainsi sait-on que Turley est un adversaire résolu de Trump, considérant notamment qu’il a été battu “à la régulière” par Joe Biden, – tout en invitant les démocrates dont il est manifestement proches, à ne faire en rien, au contraire de ce qu’ils font, obstruction à toutes les démarches des républicains contestant cette élection, parce que le droit les y autorise. Ces derniers temps, Turley s’est également montré de plus en plus critique de certains comportements et certaines déclarations de ces mêmes démocrates, considérant qu’ils faisaient de plus en plus, et parfois largement pire, ce qu’ils ont, pendant des années, reproché à Trump de faire.

C’est avec cette image d’une volonté extrêmement ferme de ne rien laisser paraître de ses opinions qu’il faut lire son texte dont nous donnons ci-dessous une adaptation. Nous avons substitué au titre initial, – « De Blasio’s Dance and the Delusional Politics of 2021 », – celui de “New York, New York” interprétée par Sinatra, notamment parce que c’est sur cette musique que le maire de New York Bill de Blasio a entraîné sa femme dans un Times Square sinistre et désert, sans rapport aucun avec la fameuse chanson inaugurée par le film de Martin Scorcese à la gloire de la grande ville ; également parce que la dite-fameuse chanson, dédiée elle aussi à la gloire de la vie intense de la‘Grosse Pomme’, saluait ce soir-là du 31 décembre 2020 un fruit pourri et puant, soumis au pillage et à la démission de l’autorité, sinon tout simplement à la folie de l’utopie et à sa fille putative, la barbarie postmoderniste.

C’est à peu près dans ce langage qu’on lit le commentaire de Turley, qui apparaît alors, en tenant compte de la personnalité et du prestige de l’homme, de son minutieux respect de l’objectivité, comme un compte-rendu purement factuel, d’ailleurs aussitôt étendu à tout le pays, d’un effondrement extraordinaire... Effondrement d’une ville immense qui prétendait être le cœur battant d’une nation qui prétendait représenter il y a peu encore, – qui prétend toujours, d’ailleurs, puisque vivant dans son simulacre, – rien de moins que la Rome postmoderne de la modernité, – Rome la ville, et Rome l’empire du monde.

Le texte de Turley, qui se garde donc bien de mettre en cause l’un ou l’autre parti, Trump ou les démocrates, vient à point pour illustrer le fait central de la crise de l’américanisme. Voici donc, avec accroché à ses basques et sur le même rythme le monde occidental (bloc-BAO) qu’il prétend diriger, l’américanisme dans sa Grande Crise d’Effondrement ; tout le monde qui se dit ‘responsable’ de quelque chose et qui se trouve être ‘responsable’ de quelque chose, un pied ou l’autre dans le Système et dans le système de l’américanisme, tout le monde est mis en accusation par ce texte.

Sans s’emporter en aucune façon, Turley décortique en quelques paragraphes les caractères de l’effondrement, de l’irresponsabilité sectaire d’un de Blasio, aux pillages divers qui ponctuent les fins de semaines aux USA, à l’impuissance totale d’un système politique perçu comme complètement paralysé et impuissant dans sa corruption chronique, au complet abandon de toute objectivité par la presse, à la haine incroyable et la fureur inarrêtable qui caractérisent les uns et les autres, enfin et par-dessus tout jusqu’au simulacre colossal où tous continuent à s’ébattre. Démocrates et républicains, Biden et Trump, tous y passent, mais on admettra tout de même que, sans le dire une seconde, Turley fait la part belle aux démocrates qui sont à la base des principaux avatars qu’il dénonce. L’évocation de Néron qui, « lui au moins, composait sa musique », ressemble à s’y méprendre à un jugement de très grand mépris pour le danseur mondain et solitaire-à-deux de Times Square, l’extraordinaire maire Bill de Blasio qui transforme ‘The Big Apple’ aussi vite que ‘le rêve américain’ se transforme en ‘American Nightmare’.

Et certes, au-dessus de tout cela plane l’activisme dément du wokenisme, cette machine infernale qu’ils ont créée comme sans vraiment y penser (sinon certains[es] pour palper le magot), qu’ils alimentent comme une chaudière monstrueuse, et qui les emportera aisément dans sa folie. Simulacre pour wokenisme, utopie pour folle démence, ces divers traits se croisent et se fécondent les uns les autres, à une vitesse et à un rythme stupéfiants.

dde.org

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New York, New York

Vous trouverez ci-dessous ma chronique dans ‘The Hill’ sur la montée de la politique délirante en Amérique, – un problème illustré de façon très vivante la veille du Nouvel An, lorsque le maire Bill de Blasio a dansé avec sa femme dans un Times Square pratiquement vide. Ce n'est pas le ‘Chicago’ que Sinatra a chanté en évoquant un “gars dansant avec sa femme”. C’est New York et le seul à danser semblait être de Blasio.

Nous observons cela alors que les deux partis semblent béatement et complètement détachées de la réalité.

 « À minuit, au début de la nouvelle année, si vous écoutiez bien, vous auriez presque pu entendre grincer des dents toute une nation, du moins pour ceux qui regardaient les reportages depuis New York, alors que le maire Bill de Blasio dansait dans un Times Square presque vide. Des millions de téléspectateurs l’ont vu emporter sa femme dans un épanouissement romantique en écoutant Frank Sinatra chanter “New York, New York”. Néron, lui au moins, composait sa propre musique.

» La scène a suscité des reproches furieux. Andy Cohen [de CNN] a dit que cela le rendait malade. “Je n'avais pas besoin de voir ça au début de 2021. Faites quelque chose pour cette ville ! Sérieusement, revenez sur terre !”

» En toute justice, cela semblait probablement sans conséquence pour de Blasio. Qui s’opposerait à ce qu’un type danse avec sa femme ? Mais parfois, une photo anodine se transforme symboliquement en une image maudite. Il suffit de demander au candidat présidentiel de 1988, Michael Dukakis, après qu’il ait fait un tour dans un char de l’armée. Le ridicule de l’image a symbolisé ce que beaucoup considéraient comme son faux engagement pour une défense forte. Lui et sa campagne n’ont pas pensé au fait qu’une promenade qui ressemblait à Mickey Mouse sur un char d’assaut ne ferait qu’attiser les critiques sur sa politique de défense.

» Pour de Blasio, danser dans un Times Square presque vide semblait moins un acte d’amour qu’un acte relevant du même délire que cette ville emportée par l’effondrement économique et la montée en flèche du taux de criminalité. Pour nombre d’observateurs, la scène a constitué une métaphore puissante renforçant la crise à laquelle les deux parties sont maintenant confrontées. Nous sommes devenus une nation complètement détachée de toute réalité. Dans l'une des villes les plus progressistes du monde, de Blasio ne peut pas dépasser 40 % de popularité. Mais s’active, comme beaucoup d’autres, au radicalisme extrême [de gauche] de son parti. Alors que la criminalité fait rage, il veut réduire le budget de la police d’un $milliard de et éliminer la division des policiers en civil. New York a connu une augmentation de 50 % des homicides et de près de 100 % des fusillades.

» Il a également fermé des écoles publiques malgré les preuves scientifiques accablantes d’un faible risque de contagion au coronavirus, notamment pour les élèves du primaire. Il a finalement cédé à la pression des parents et des experts, admettant qu'il y avait peu de risques à ce que les écoles rouvrent. Il a soutenu la fermeture des restaurants, envoyant beaucoup d'entre eux à l’insolvabilité, malgré le fait qu'ils contribuent à moins de 2 % des infections confirmées.

» Concernant le déficit budgétaire de New York, de Blasio a déclaré que le gouvernement fédéral pourrait renflouer la mairie et les entreprises locales simplement en faisant tourner la planche à billets, une déclaration à la fois financièrement et politiquement délirante. Alors que de nombreux résidents fortement taxés continuent de quitter New York, M. de Blasio continue à proclamer sa politique “de tirer le maximum d’argent des riches”. Il a récemment déclaré que le but des écoles publiques est la redistribution des revenus.

» L’image sinistre de Blasio dansant dans un Times Square désert illustre ce qui pourrait nous attendre en 2021. Même si la pandémie était endiguée grâce aux vaccins, des villes comme New York ont subi une dévastation économique dû au confinement. Il est impossible pour le gouvernement fédéral de renflouer toutes les entreprises et tous les propriétaires d’une ville, sans parler de l’ensemble du pays.

» Dans le même temps, l’année dernière s’est terminée comme elle s'était terminée depuis des mois. À Portland et Philadelphie, les bâtiments fédéraux ont été attaqués par des émeutiers et des pillards. À Washington, les deux parties se sont retrouvées dans une impasse et, quoi qu'il advienne lors du second tour du Sénat géorgien, cette division va probablement se poursuivre. Joe Biden et d’autres ont appelé à de nouvelles dépenses massives dans un pays dont la dette s'élève à 27 000 $milliards. Quoi qu’il en soit, nos législateurs poursuivent à Washington une sorte de danse fantomatique, inconscients des coûts et des dangers qui les attendent.

» Il est peu probable que les journalistes reviennent aux normes d’objectivité et d’indépendance après des années de partialité affichée à l’encontre de Donald Trump. Certains professeurs de journalisme rejettent désormais le concept même d’objectivité en faveur d’une méthodologie ‘engagée’. Steve Coll, doyen de la faculté de journalisme de l’Université de Columbia, a dénoncé la liberté d’expression protégée par le Premier Amendement comme un outil ‘militarisé’ pour protéger la désinformation. De nombreux reporteurs sont complètement engagés dans la promotion de la prochaine administration, notamment en minimisant ou en ignorant les allégations scandaleuses contre Hunter Biden et Eric Swalwell. Les réseaux-TV adaptent activement leur couverture pour offrir à leurs téléspectateurs des “espaces sûrs” qui ne seraient pas contredits par les faits ou les  témoignages.

» Il n’y a pas que les hommes politiques et la presse qui n'ont pas changé. La raison pour laquelle 2021 ne sera pas très différent de 2020 est que nous, en tant que nation, n'avons pas changé. Nous sommes toujours fracturés en notre milieu, et l’espace entre les deux plein d'une rage aveugle. Les démocrates ont annoncé des listes noires, des mises à pied et d’autres agressions contre les “complices” des années d'atout, alors que plus de 70 % des républicains pensent que l’élection présidentielle a été truquée et que Biden n'a pas gagné légalement.

» Beaucoup d'entre nous ne veulent malheureusement pas que cela change. La rage semble avoir créé une addiction. Elle devient une licence pour la haine. Bien que peu de gens l’admettent, les années Trump ont vu l’abdication de la décence et de la civilité. Nous sommes devenus une nation de drogués aux affrontement sans fin. Pire encore, nous vivons tous dans des espaces artificiels qui constituent une dangereuse illusion parce que nous sommes confrontés à cette crise économique, à des conflits internationaux et à une violence croissante dans nos villes. Ainsi le pas de danse des de Blasio à New York pourrait s’avérer l’incarnation suprême, non pas de 2020 mais de 2021. À moins que la modération du centre politique ne se renforce, nous danserons tous avec de Blasio dans un espace de mort où le pays a jadis prospéré. »

Jonathan Turley