Courage et solitude de Tulsi

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Courage et solitude de Tulsi

19 décembre 2019 – Tout le monde a remarqué lors du vote évidemment positif (puisque majorité démocrate) de de la Chambre des Représentants pour la mise en accusation en vue d’une destitution du président Trump, la position de Tulsi Gabbard, la démocrate désormais bien connue malgré ce qui est apprécié par la presseSystème comme sa position “ridicule” dans les sondages parmi les candidats à la nomination démocrate pour les présidentielles USA-2020. Gabbard n’a pas explicitement voté, elle s’est déclarée “présente” lors du vote, et par conséquent refusant de voter “oui” ou “non”.

Les parlementaires US ont trois possibilité lors d’un vote : “oui”, “non” ou “présent”. La troisième option est un mélange d’abstention et du bulletin blanc de nos consultations électorales. (*) Gabbard a d’ailleurs expliqué son vote par son opposition au processus même de mise en accusation dans le cas présent. Elle s’en explique dans un communiqué dont diverses sources ont rendu compte :

« “Je n'ai pas pu, en toute bonne conscience, voter en faveur de la destitution parce que la destitution d’un président en exercice ne doit pas être l'aboutissement d'un processus partisan, alimenté par des animosités tribales qui ont si gravement divisé notre pays”, a déclaré M. Gabbard dans une longue déclaration après le vote.
» “Mon vote d'aujourd'hui est un vote en faveur d’une réconciliation dont nous avons grand besoin et de l’espoir qu’ensemble nous pourrons guérir notre pays...” 
» Bien qu’elle ait déclaré que le président Donald Trump avait “trahi la confiance du public” par “d’innombrables irrégularités et abus”, Gabbard a affirmé que le processus de destitution ne faisait que créer plus de “fragmentation et de polarité” qui sont désormais “en train de détruire le pays”. »

Cette position mérite un examen, au-delà des explications de circonstances concernant le comportement de Trump. Pour mon compte, j’en dégagerais deux remarques dont on verra logiquement qu’aucune n’a à voir avec les circonstances ni avec Trump :

• La première concerne le rejet pour des raisons qu’on apparenterait dans l’esprit à une forfaiture d’un processus institutionnel bipartisan, c’est-à-dire de ce qui constitue le fondement même du fonctionnement d’une institution du Système. Cette position n’a pas de valeur politique tactique comme dans un autre exemple d’un tel vote déjà référencé en note (*). C’est une position individuelle, voire solitaire, au-delà de la politique elle-même. On peut donc considérer qu’il s’agit d’une position antiSystème-type, ce qui laisse à penser du potentiel conceptuel existant chez Gabbard dans le sens de l’antiSystème.

• La seconde concerne le jugement qu’elle porte sur les effets fondamentaux de l’activité politique actuelle dont le processus de destitution de Trump fait partie. Ce jugement est radical : la création à très grande vitesse de « fragmentation et de polarité [...] en train de détruire le pays ». On notera que ce jugement radical est partagé par le sénateur Rand Paul qui était cité dans un texte récent : « Je pense que cette affaire va affaiblir profondément, voire détruire le pays. » (Dans le même texte, Paul est identifié comme « un peu l’équivalent républicain de Tulsi Gabbard pour ces domaines », ce qui se confirme.) Ce jugement de “destruction du pays”, même s’il est partagé par divers commentateurs, essentiellement dans la presse antiSystème, et par quelques politiciens, est très rarement exprimé en public, et cela souligne d’autant la singularité de Gabbard (et celle de Paul par conséquent).

La solitude et le courage de Tulsi Gabbard se mesurent bien à sa position durant ce vote. Cette position a été largement commentée, et très critiquée par l’aile gauche du parti démocrate. A cet égard, on peut encore plus parler de courage et de solitude pour Gabbard, dans la mesure où elle se trouve dans un parti qui est totalement emportée dans une hystérie progressiste-sociétale qui exsude une intolérance totale confinant à la terrorisation non seulement vis-à-vis de ceux qui sont d’une autre opinion (en fait, de l’opinion opposée conduite à son propre extrémisme par effet-miroir), mais également vis-à-vis de ceux qui, dans le même parti, manifestent par des actes concrets leur divergence de la ligne hystérique.

(Un petit aparté assez curieux, avec cet avis de Michelle Obama, la femme de l’ex-président [sur NBC, lundi]. Elle émet, au travers de son avis sur la procédure de destitution, un jugement assez équivoque pour ce qui est de sa considération du parti de son mari, puis enchaîne sur un optimisme qu’on découvre bien forcé, qui n’est pas loin d’une sorte de “il faut bien continuer à y croire sinon tout s’écroulera”... Cette destitution, « c’est surréaliste. Je ne pense pas qu’on arrivera à en faire quoi que ce soit. Mais est-ce que je pense qu'on peut s'en remettre ? Oh oui ![...] Nous avons connu des temps difficiles dans ce pays. Nous avons traversé des dépressions, des guerres, des attentats à la bombe et des attentats terroristes, et nous avons traversé Jim Crow [la ségrégation dans le Sud], et nous en sommes toujours sortis plus forts. Et c’est ce que nous devons continuer à croire parce que quel autre choix avons-nous ? Se mettre dans un coin et attendre que ça finisse ? Ce n’est pas juste pour les générations à venir, qui comptent sur nous pour bien faire les choses. »)

... Et maintenant, en avant pour le Sénat ? Pas sûr, finalement, car “D.C.-la-folle” a plus d’un tour dans sac à malices. Ainsi dit-on, dans les colonnes du Washington Post (voyez Zero-Hedge.com pour ne pas payer de rançon), qu’un fort courant est apparu chez les démocrates pour que Nancy Pelosi garde sous le coude le verdict de la Chambre pendant plusieurs mois avant de le transmettre au Sénat, attendant de meilleures conditions pour un procès devant le Sénat ; voire ne le transmette pas du tout au Sénat, écartant ainsi la possibilité d’un “acquittement” du président.

Ainsi vivrions-nous une situation sans aucun précédent-bouffe et inimaginable sinon à Hollywood, une sorte de “marxisme-culturel” imaginé par les Marx Brothers : une moitié du Congrès qui ne reconnaîtrait plus la légitimité du président ni son autorité... Et alors la Chambre, rêvons un peu, de faire sécession et “chambre à part”, désignant son propre président des États-Unis à elle.

 

Note

(*) Un précédent de ce vote “Present” considéré comme une position politique, mais dans ce cas de tactique politique au lieu de la position de principe politique de Gabbard, est rapporté par The Congressional Institute  du  4 avril 2013, sur un vote du 2 avril : « Or, dans ce cas, les démocrates n'ont pas voté “présent” parce qu'ils n'avaient pas étudié l'amendement ou parce qu'ils étaient réellement indifférents à celui-ci. Ils se servirent de ce type de vote pour contrecarrer les plans législatifs du parti majoritaire. Le ‘Washington Post’ a rapporté que, peu avant le vote, le coordinateur de la minorité parlementaire Steny Hoyer avait exhorté son parti à voter “présent” parce que ce vote “exprime le refus des démocrates de prendre part au processus initié par les Républicains pour que le peuple américain puisse voir à quel point ce processus est partisan et très extrémiste”. »

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