Comment les USA ont gagné la guerre contre l’Iran

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Comment les USA ont gagné la guerre contre l’Iran

Il est possible que Trump ait trouvé dans son futur nouveau Secrétaire à la défense “in charge”, actuellement encore n°2 faisant fonction de n°1 du Pentagone, l’homme idéal pour le seconder dans sa façon de faire la guerre, – car il est bien question, non seulement de “faire la guerre” mais de “la gagner”... Car il est bien question, comme Shanahan l’a dit aux journalistes accrédités au Pentagone, d’une “sorte de guerre” qui a eu lieu entre les États-Unis et l’Iran, puisqu’on y a envoyé un groupe de porte-avions d’attaque et des B-52, et cette “sorte de guerre” annoncée comme terminée, naturellement par une “sorte de victoire” des États-Unis.

Ainsi est présentée l’intervention de Shanahan, selon l’interprétation de RT-com qui nous semble extrêmement conforme à “la réalité du simulacre” qui nous a été présenté en exclusivité mondiale :

« Les menaces de Washington contre l'Iran, axées sur la paix, ont porté leurs fruits – du moins selon le ministre de la défense Patrick Shanahan, qui affirme que la République islamique a dû “suspendre” ses plans de menaces d’attaque grâce aux efforts américains.
» Alors que l'Iran a démenti à plusieurs reprises les allégations selon lesquelles il serait responsable des tensions récentes et a déclaré préférer la diplomatie aux menaces, Shanahan était certain mardi que le comportement dangereux de Téhéran n’avait été freiné que par les mesures proactives des États-Unis.
» Ces gestes de maintien de la paix comprennent probablement l'envoi d'un groupe d'intervention navale sur les côtes iraniennes, l'augmentation des sanctions paralysantes et la menace amicale du président Donald Trump de mettre un terme définitif à l’existence de l’Iran.
» “Je pense que nos mesures ont été très prudentes et que nous avons contraint l’Iran à abandonner ses menaces d’attaques contre les Américains, et c’est ce qui est extrêmement important”, a déclaré Shanahan aux journalistes du Pentagone, sans fournir d'informations précises sur ce qu’étaient ces mesures.
» Les “mesures” inexpliquées sont à peu près aussi claires que les accusations des États-Unis contre l'Iran : M. Trump a déclaré publiquement qu’il n’y a “rien qui indique que quelque chose se produit ou se produira” en ce qui concerne les provocations iraniennes, mais il a également promis d'utiliser “une grande force” dans l’éventualité où elles se produiraient [où le “rien” s’avérerait n’être pas rien]. »

Voici, en supplément et pour nous récompenser d’avoir lu sans essayer de comprendre la dialectique du Pentagone, un florilège des déclarations du secrétaire à la défense Shanahan hier, – que ce soit aux journalistes, ou bien dans l’un ou l’autre tweet, ou bien peut-être à sa femme lors du dîner familial, – c’est-à-dire sans suivi logique ni chronologique, mais aussi sans nécessité de “suivi logique ni chronologique”... On retrouvera pêle-mêle les interprétations données dans l’extrait ci-dessus, sans en comprendre plus nécessairement, et surtout sans comprendre nécessairement que l’important n’est pas nécessairement de comprendre

« Il n'y a pas eu d'attaques contre les Américains... cela ne veut pas dire que les menaces que nous avons identifiées précédemment ont disparu. Notre réponse prudente a donné aux Iraniens le temps de réfléchir, je pense que notre réponse était une mesure de notre volonté et de notre détermination. [...]
» Nous avons parlé de ces menaces et il y a eu des attaques... Et je tiens vraiment à souligner la crédibilité des services de renseignement... Je pense que nos mesures ont été très prudentes et que nous avons dissuadé le potentiel d'attaques contre les Américains et c'est ce qui est extrêmement important. [...]
» Je dirais que nous sommes dans une période où la menace reste élevée et que notre travail consiste à nous assurer qu'il n'y a pas d'erreur de calcul de la part des Iraniens. »

En gros, les USA exercent des pressions et des provocations contre l’Iran, ils déplacent des forces pour cela en disant que ces forces sont déployées pour contrer des “menaces” dont eux seuls connaissent l’existence (« Et je tiens vraiment à souligner la crédibilité des services de renseignement »), au contraire par exemple des Iraniens qui sont pourtant les producteurs de ces “menaces” ; puis ils assurent que ces “menaces” sont éliminées, d’autant plus aisément qu’eux seuls savaient ce dont il s’agissait, et eux-mêmes, les USA, ayant non seulement écarté de ce fait toute possibilité de conflit (au moins pour la journée), mais mieux encore, avec une efficacité telle qu’on peut bel et bien affirmé qu’ils ont gagné la guerre... Ainsi remporte-t-on à la fois la guerre et la paix. 

« Après avoir dénoncé “les menaces” de l’Iran et envoyé des navires, des bombardiers et des missiles au Moyen-Orient, Washington affirme maintenant que ses actions ont “dissuadé” Téhéran et il salue sa propre victoire. Qui n’aurait pu deviner que cela se terminerait ainsi ? », écrit Nabojsa Malic, qui tente de donner une analyse cohérente de l’intervention de Shanahan, notamment à l’aide d’une référence évidente, qu’il présente comme une plaisante illustration de la manœuvre : « Il y a une vieille blague à propos d'un escroc qui vend des pierres ayant la capacité de repousser les tigres et qui, lorsqu'on lui demande comment ça marche, répond : “Vous ne voyez pas de tigres dans le coin, autour de moi, hein ? Alors, c’est la preuve que ça marche, non ?” »

Là-dessus, Malic, qui veut tout de même faire sérieusement son travail de commentateur, conclut par deux affirmations qu’il voudrait complémentaires, – mais le sont-elles ? « Soyons réalistes, Trump est un homme de spectacle. Il a passé des années dans la télé-réalité, et avant cela sous les projecteurs des médias comme un magnat de l'immobilier. Il a un certain style de négociation qui implique beaucoup de fanfaronnades, et il l'a utilisé de la Corée du Nord et de la Chine à l'Iran. Reste à voir si cela fonctionnera réellement. »

... Effectivement, “soyons réaliste” : la première proposition est une vérité-de-situation (Trump “homme de spectacle”, etc.) ; la seconde est beaucoup plus hypothétique et même complètement aléatoire : veut-il négocier ? Sait-il ce que c’est que de négocier ? Négocie-t-il ou bien fait-il du spectacle ? Etc. (Car, jusqu’ici, il n’a rien obtenu de sérieux, de stable, de solide qui ressemble à l’effet d’une négociation réussie, ni de la Corée du Nord, ni de la Chine, ni de l’Iran, etc. ; il n’a fait qu’appliquer des pressions, des sanctions, déplacer des forces, menacer les autres puis les féliciter pour l’avoir entendu même si personne n’a écouté, etc., cela dans une atmosphère de spectacle tonitruant, de tragédie-bouffe à grands coups de cymbales, – “Nous partons en guerre”, “Nous anéantissons l’adversaire”, “Nous avons gagné la guerre”, “Nous sommes très amis de l’ancien adversaire”, etc.)

Le même jour où Shanahan déclarait tout ce qu’on a lu et déclarait le 21 mai 2019 “V-Day” contre l’Iran, le secrétaire d’État Pompeo déclarait, abrité derrière une lapalissade, que l’Iran « pourrait bien être responsable de l’attaque contre les pétroliers... Quoiqu’il n’y ait pas de preuve qu’il le soit. » A part les habituelles remarques sur l’intense et stratégique bordel interne de l’administration Trump, avec les batailles de chiffonniers et de déclarations contradictoires entre factions, nous voilà bien avancés pour fournir un commentaire cohérent... Par conséquent, le seul commentaire cohérent à faire est qu’il n’y a pas de commentaire cohérent à faire, si l’on s’en tient à l’apparence des choses qu’on nomme “les faits”. Dont acte.

Pour le reste et plus que jamais, faisons appel à un “commentaire cohérent” (qu’on espère cohérent, puisque de notre plume) qui acte de l’incohérence de la chose, comme étant une des marques de fabrique de la “stratégie” américaniste, parce que ce qui compte n’est en rien dans les buts et les ambitions de la stratégie mais dans la forme elle-même, nécessairement informe, de cette stratégie, – bref, soyons foucaldiens que diable : « L’effet général pourrait plutôt se rapprocher d’une sorte de stratégie qu’aurait enfantée Michel Foucault s’il était encore de ce monde devenu trumpiste, c’est-à-dire une “stratégie liquide” ou “stratégie de la plasticité”, insaisissable et informelle. »

Par conséquent, nous dirons que Shanahan, qui vient de chez Boeing où l’on sait fabriquer des 737Max plus rapidement que des FakeNews s’avère devoir être le premier véritable secrétaire à la défense de type-foucaldien, c’est-à-dire capable de fournir à son président des “éléments de langage” pouvant s’apparenter à des “apparences de faits”, permettant de faire en sorte que “The Show Must Go On”. Ce n’est pas plaisanter ou se moquer que terminer de la sorte, mais envisager très sérieusement que la stratégie US, comme la politique US, comme la puissance US, soient effectivement conduites à être autant de rassemblements habiles et cohérents d’“éléments de langage” s’apparentant à des “apparences de faits”. Certes, il faut un porte-avions et 3 ou 4 bombardiers B-52 qu’on déplace de-ci de-là parce qu’on sait qu’à Hollywood, chez les vrais professionnels de la marche du monde, le décor compte dans le rubrique “pour du vrai”. Pour le reste, toujours lui, il s’agit de saltimbanquer haut et fort.

 

Mis en ligne le 22 mai 2019 à 12H35

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