Comment expliquer la “politique” britannique dans la crise géorgienne?

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Nous cultivons une particulière attention à la position britannique pour la crise géorgienne, essentiellement à cause de son caractère inattendu et peu explicable. On s’en est aperçu, notamment à l’occasion d’un Bloc-Notes, où nous convoquions même Tocqueville pour avoir une meilleure appréciation des caractères généraux de la politique britannique. Nous avons eu l’esprit éveillé par la conclusion d’un texte de Mark Ames (auteur de Going Postal: Rage, Murder and Rebellion From Reagan's Workplaces, de Clinton's Columbine and Beyond (Soft Skull), de The eXile: Sex, Drugs and Libel in the New Russia), – publié dans The Nation, en date du 15 septembre 2008.

L’article concerne la position et le rôle supposé de Sarah Palin, dite “Sarah-geddon” pour les besoins du titre de l’article, dans des affaires impliquant pour la candidate vice-présidente du parti républicain des “conflits d’intérêt”.

«The issue of “conflict of interest” takes on a new and apocalyptic meaning when you consider the role of energy giant BP in all of this. Palin's husband has spent most of his adult life, eighteen years, working for BP. The company is even more important to his wife, as BP owns Alaska's (and America's) largest gas and oil fields. BP hates Russia at least as much as their tools Palin and McCain: the company has been locked in a nasty battle over its 50 percent stake in Russian energy giant TNK – BP's stake in that company is key to BP's stock price. If BP loses TNK to Putin's goons, then billions could be wiped off the stock price. That's something to go to war for.

»Meantime, BP all but controls Georgia thanks to the Baku-Ceyhan pipeline, in which BP is the largest stakeholder. As Manana Kochladze [who founded Green Alternative, a leading NGO backed by the US Embassy, the European Commission and others] explained, the pipeline was supposed to bring in huge benefits to average Georgians, raising the country out of its dire economic straits. Instead, “very little if any of those revenues have gone to social programs or environmental protection. Instead, the military budget has massively increased to 25 percent of the state budget. The BP pipeline has militarized the country.”

»One provision of Georgia's agreement to allow the BTC pipeline to pass through its territory was that Georgia is obligated to protect and secure the pipeline – which, Georgians allege, was bombed by Russian pilots during the August conflict.

»“From the beginning, we said that Georgia would pay more defending this pipeline than we've received, and now look at our situation,” Kochladze lamented.

»Another figure tied to BP is, surprise surprise, Randy Scheunemann. He earned handsome fees lobbying for BP in 1999-2000, during McCain's first run for President. More recently, Scheunemann lobbied for the Caspian Alliance, which represents one of the oil majors that pumps oil into BP's pipeline.

»From BP's perspective, things look very grim. It's in danger of losing its largest source of booked reserves via its stake in Russia's TNK. And now with the war, investors are worried about the BTC pipeline. What better way to kill two birds with one stone than by fomenting a war that would bleed Putin's Russia until the regime finally collapsed – thereby securing BP's position in both countries. No wonder Big Oil is throwing its weight behind the McCain-Palin ticket. Those two understand the meaning of “Better dead than having BP in the red.”»

Il est acquis dans les milieux pétroliers internationaux que BP a des rapports tumultueux avec la Russie. Son comportement dans l’affaire TNK a été l’objet d’hypothèses extrêmes, avec des attitudes et des actions qui ont peu de précédents notamment par certains aspects de violence, qui ont mis la société dans une position très délicate, notamment vis-à-vis des autorités russes. La question semble ainsi dépasser une simple situation d’affaires et atteindre des dimensions politiques mais par l'aspect le plus incertain et le plus dommageable.

L’hypothèse évoquée ici concerne la position du gouvernement britannique dans ce contexte. Ce gouvernement, comme on l’a avancé, est aujourd’hui mis sur la défensive par divers revers affectant le Royaume-Uni, principalement la crise financière qui est une mise en cause fondamentale du système anglo-saxon dans ses fondements. A cause de ces circonstances, ce gouvernement n’a pas de politique bien affirmée dans la crise géorgienne et dans ses rapports avec la Russie, sinon une position d’extrême agressivité anti-russe qui est très spécifique et tend à l’isoler en Europe. Cet extrémisme a effectivement un côté défensif qui correspond à sa position actuelle, comme si le Royaume-Uni se retranchait dans une intransigeance masquant cette absence (dans les milieux diplomatiques européens, particulièrement allemands et français, effectivement, la politique britannique est l’objet d’une particulière incompréhension). L’hypothèse serait alors que le Royaume-Uni, n’ayant aucune ligne stratégique dans la crise, se serait effectivement replié sur cette ligne agressive également pour appuyer la position de BP telle qu’elle est décrite dans l’extrait de l’article qu’on a cité. On aurait l’exemple d’un aspect important de la politique britannique, si célèbre pour son habileté et sa richesse, réduite par l’affaiblissement de ce pays à servir de simple auxiliaire au lobby d’intérêt industriel du géant pétrolier engagé dans une affaire extrêmement délicate. (Pour autant, il ne faut pas y voir une politique se déterminant par rapport aux seuls centres d'intérêts et lobbies, comme la politique US. En l'occurrence, comme l'inexistence (d'une politique) précède l'absence de substance (de cette non-politique), l'inexistence de la politique britannique précéderait sa décision, ipso facto, de soutenir les intérêts de BP, celle-ci pouvant alors être faussement interprétée comme la cause centrale de la politique britannique.)


Mis en ligne le 19 septembre 2008 à 05H52