Cheney en balade et le paradoxal isolement US dans la crise

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Les premiers échos du voyage de Cheney dans la région de crise (Caucase, avec visite en Azerbaïdjan, Ukraine et Géorgie) sembleraient résumer cette sortie à une simple tournée de relations publiques. C’est ce qu’expose notamment Jim Lobe, en général très bien informé sur la situation de l’administration pour les affaires extérieures, dans un article (ce 6 septembre sur Antiwar.com) qui met en évidence la “prudence” des USA, – nous dirions l’impuissance, quand on considère l’enjeu pour l’administration Bush, – même dans le seul domaine d’action qui lui reste, qui est celui de la subversion et de la provocation. Lobe rapporte ceci, dans son article, à propos du soi disant effort US de réarmement de la Géorgie:

«Indeed, even Vice President Dick Cheney, who had reportedly pushed hard within the administration for sending such advanced equipment to Georgia even before last month's war, refrained from making any promises Thursday during his high-profile visit to Georgia's capital.

»“Over time, I'm sure, people will look at what happened with the military here and what the needs are,” an official who accompanied Cheney on his four-hour stay in Tbilisi told U.S. reporters on the vice president's plane. “But I think the focus for the moment is on the humanitarian and long-term economic needs.”»

Lobe note qu’à part la “promesse” d’appuyer à fond l’entrée de la Géorgie (et de l’Ukraine) dans l’OTAN, ce qui est une vieille rengaine d’avant la crise, les USA sont pour l’instant dans une situation d’inaction complète. Cela vaut notamment pour le sujet évoqué plus haut de livraison d’armes à la Géorgie, pour lesquelles les USA craindraient des réactions fortes de la Russie: «But, besides pledging to continue its push for Georgia's admission to NATO – something with which Washington's European allies would have to go along – the Bush administration has so far declined to make any promises in regard to military aid.»

Ces “réactions fortes de la Russie” concernent notamment la situation sur le terrain mais aussi des questions diplomatiques plus larges, ce qui nous ramène à l’idée déjà vue que les USA ont beaucoup plus à perdre que la Russie dans une détérioration des relations USA-Russie qui serait de leur fait. (Lobe, insistant toujours sur cette prudence concernant des livraisons d’armes, rapporte cette déclaration de l’Assistant pour les affaires européennes de la Secrétaire d’Etat Rice, Daniel Fried, cette semaine au Washington Times: «The first order of business should not be some sort of punishment. Russia has to decide how much it wants to isolate itself from the world. We don't want to have a bad relationship with Russia. We've never wanted that.») Lobe note que le facteur européen (l’opposition des Européens à une politique anti-russe dure) commence également à jouer son rôle dans la “prudence” de Washington.

«Increasing tensions with Moscow further, according to senior officials and independent analysts, could seriously jeopardize other top foreign policy interests, including Washington's hopes for applying additional pressure, particularly through the U.N. Security Council, on Iran to halt its nuclear program. It could prompt Russia to suspend an agreement that permits NATO use Russian and Central Asian bases and air space to supply its troops in Afghanistan.

»A more-aggressive stance could also harm relations with key European allies, such as Germany, France, and Italy, which are eager to tamp down tensions, in part due to their own heavy investments in Russia's economy and dependence on gas supplies.

»U.S. officials are also reluctant to address the question of additional military aid in light of the Georgian armed forces' poor performance during the war – the army retreated in chaos at the first contact, while all of its warships were destroyed in port – and what some of them describe as the recklessness of Saakashvili himself in ordering the attack on Tskhinvali that triggered Russia's offensive.»

Le paradoxe de cette situation est que cette “prudence” n’est nullement prise en compte, éventuellement au crédit de Washington pour ceux qui, hors des USA, sont favorables à une approche mesurée du problème. On ne retient de l’attitude de Washington que sa dialectique dure contre la Russie, son action de communication dont le voyage de Cheney fait partie (et aussi la rhétorique de soutien inconditionnel à la Géorgie des deux candidats à la présidence). L’impuissance des USA est réelle, mais elle n’empêche pourtant pas que les USA soient enfermés dans une position perçue comme belliciste, provocatrice et qui contribue à empêcher une solution constructive du problème. Le paradoxe est bien que, si l’on parle souvent de l’“isolement” de la Russie, le seul pays vraiment isolé dans cette crise, c’est pour l’instant les USA.


Mis en ligne le 6 septembre 2008 à 09H56