Bibi, “les USA faciles” et 19 JSF

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On voit par ailleurs, sur Ouverture libre à la date de ce même 21 juillet 2010 quelques affirmations de Bibi Netanyahou, actuel Premier ministre israélien, datant de 2001 mais toujours valables jurerait-on… Notamment, il nous confie que les USA sont “faciles à manipuler”.

Là-dessus, on apprend que les USA exercent une pression énorme, qui devrait rapidement aboutir, pour qu’Israël achète le JSF. Il s’agit d’une dépêche Reuters du 19 juillet 2010, au ton qu’on jugera impératif, notamment lorsqu’elle rapporte les paroles du chef de l’agence chargée des exportations au Pentagone, le vice-amiral Wieringa , parlant ainsi des Israéliens: «The ball is in their court. I am waiting for them to make a decision any day…» La commande porterait, curieusement, sur 19 JSF pour la somme de $3 milliards (ce qui est le montant actuel annuel de l’“aide” militaire, ou don, des USA à Israël)… Livrables quand ? En 2016, en 2017? On verra. Payables très rapidement ? Eric Palmer rapporte la nouvelle, sur son site ELP Defen(c)se, le 20 juillet 2010, sous le titre “Les USA s’engage à acheter 19 JSF très rapidement, pour Israël”.

@PAYANT …Bien, une fois les exclamations apaisées, voyons la situation telle qu’elle se présente. D’une part, Netanyahou dit ce qu’il dit, à savoir que “les USA sont faciles à manipuler”, c’est-à-dire à mener par le bout du nez, par le Lobby interposé, les diverses campagnes de terrorisme moralisateur, les offensives constantes de relations publiques, les pluies de donation des fortunes juives US sur les parlementaires et ainsi de suite. De plus, Netanyahou nous dit qu’il ment délibérément aux dirigeants US. Qu’est-ce que nous montrent ces déclarations, sinon l’évidence bien connue et cyniquement affichée chez Netanyahou, et sans doute aussi présente mais d’une façon moins voyante chez les autres dirigeants israéliens, surtout depuis les années 1980 ? D’un autre côté, si Netanyahou juge les USA “faciles” sur cette question des Palestiniens, la cause principale en est aussi parce que le problème des Palestiniens ne préoccupe guère les USA en tant que tel, – et, de ce point de vue, le cynisme des USA vaut bien celui d’Israël. Ce problème palestinien ne les préoccupe que dans la mesure où il préoccupe leurs alliés arabes modérés importants (l’Egypte, l’Arabie), parce que ces pays arabes ont diverses raisons qui les poussent à cette préoccupation. Lorsque les intérêts US sont plus directement en cause, les USA sont moins “faciles”, comme, par exemple, dans la question de l’armement et de la protection de l’Arabie, dans lesquels cas Israël a voulu souvent modifier la politique US sans succès notable.

Maintenant, le JSF… Il y a quinze jours, il apparaissait que l’affaire JSF était un débat tendu dans la communauté de défense israélienne, avec une attitude pressante des USA, et que cette affaire avait gagné le centre de la crise entre les USA et Israël, – car crise il y a, malgré tout… (Voir notre Ouverture libre du 2 juillet 2010 et notre Bloc-Notes du même 2 juillet 2010.) A ce moment, pourtant, Israël semblait devoir prendre encore un certain temps (jusqu’à septembre) avant de se décider. Cette fois, c’est terminé, annoncent les Américains… L’amiral Wieringa attend lui-même une réponse d’Israël, ce qui implique avec lui-même en fonction à la tête de l’agence chargée des exportations au Pentagone, – et l’on nous susurre dans la dépêche que l’amiral prend sa retrait le 31 juillet. Par conséquent, Israël aurait intérêt à obtempérer avant le 31 juillet.

“Obtempérer” ? Notre sentiment est que le Pentagone est en train de passer aux choses sérieuses. Pourquoi 19 JSF, ce qui ne correspond à aucune cohérence opérationnelle, sinon parce que le coût de 19 JSF selon les catastrophiques normes actuelles de Lockheed Martin et du Pentagone, cela fait $3 milliards, exactement le montant de l’aide annuelle des USA à Israël ? Ce qui donne du crédit aux bruits selon lesquels il y a une véritable opération d’“avance” sur aide annuelle en cours, Israël acceptant de commander ferme aujourd’hui sous la pression du Pentagone, ce qui permettrait au Pentagone de dégager $3 milliards (facile quand on gère un budget annuel qui avoisine les $1.200 milliards) et d’avancer cette somme, sous la couverture de la commande israélienne, à Lockheed Martin. (Effectivement, Israël ne pourrait payer d’un coup cette commande mais commencerait à l’honorer par tranche, année par année.) Pourquoi, tout cela ? Parce que LM est à court d’argent sur le programme et, surtout, craint que l’offensive de réduction des dépenses militaires du Pentagone en cours au Congrès (l’offensive Frank-Paul) n’entame sérieusement les crédits du programme JSF. Le Pentagone sait pouvoir agir par le biais de l’aide à Israël, pour tenter d’imposer à Israël cette commande salvatrice (pour quelques mois) du programme JSF, parce que lorsqu’il s’agit de la sécurité d’Israël le Congrès est paralysé au garde-à-vous, – et toutes les magouilles de comptabilité sont possibles…

Ainsi, quel contraste ! L’un et l’autre des deux cas présentent des situations exactement opposées. Certes, dans le cas du JSF il s’agit de l’aide US à Israël, il n’empêche que jamais les pressions du Pentagone n’ont été aussi fortes pour manipuler Israël et lui permettre de protéger son programme central en grand danger et en butte à toutes les attaques. Si Israël cède et commande les 19 JSF, manifestement contre le gré de son establishment et avec le seul agrément du ministre de la défense Barak dont la sottise est un des attributs les plus connus, on pourra confirmer qu’Israël également est “manipulable”, – par les USA, par le Pentagone, qui blanchit ainsi de l’argent pour son JSF et soutient LM la tête hors de l’eau. Il y a donc une sorte de réciprocité dans ce couple monstrueux que forment Israël avec son obsession palestinienne et le système de l’américanisme avec, dans ce cas, son obsession du technologisme des armements. Chacun a barre sur l’autre à des moments différents et sur des sujets différents, et la partie est beaucoup moins claire qu’il ne paraît à ceux qui n’envisagent que l’aspect politique, ou l’aspect moral et politique. (Quant ceux qui n’envisagent que l’aspect technologique et de l’armement sans référence à la dimension politique, certes ils n’y voient que du feu en restant dans les considérations techniques.) Le comportement d’un Netanyahou nous dit de lui qu’il est un personnage méprisable, et sa politique est à son image ; les gens du Pentagone, du programme JSF et de Lockheed Martin ne le sont pas moins, ni leur politique, dans l’occasion qu’on décrit, et en général également.


Mis en ligne le 21 juillet 2010 à 15H13