Ban Ki-Moon, dissident antiSystème

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Ban Ki-Moon, dissident antiSystème

Lorsque le Sud-Coréen Ban Ki-Moon prit ses fonctions de Secrétaire Général de l’ONU, en 2007, notre cœur ne déborda point d’enthousiasme mais la surprise n’était pas extrême. Il s’agissait d’un de ces hommes standard du Système, venu d’un de ses appendices exotiques, qui serait impeccable on ne pouvait en douter, qui se tiendrait bien droit avec une discrétion digne d’éloge dans “la ligne du Système”. Ban avait été sélectionné par les mandataires washingtoniens du Système pour remettre l’ONU à sa place, c’est-à-dire comme réceptacle des suggestions venus de Washington, et même comme anticipateurs de ces suggestions pour précéder les vœux du Système.

L’important est qu’il fallait avoir la peau de Kofi Annan, qui s’était révélé comme un type absolument imbuvable, surtout depuis la glorieuse équipée américaniste de GW Bush en Irak, qu’il n’avait cessé de dénoncer. Annan était devenu la bête noire de Washington après en avoir été le chouchou. Dès 2005 (Annan ayant annoncé son intention de demander le renouvellement de son mandat en 2007), on proclamait ici et là que Washington se chargerait de lui. Le 9 avril 2005, nous publiions un texte sur la nomination du neocon John Bolton comme ambassadeur des USA à l’ONU, qui avait été obtenue dans des conditions très particulières (sans l’accord du Congrès qui lui refusait son vote, sur ordre discrétionnaire du président) :

« Bien entendu, la version, selon le schéma officieux/officiel répandu par les néo-conservateurs, de l’envoi de Bolton comme “réformateur” de l’ONU (Bolton le dur va déployer toute sa brutalité pour changer l’ONU corrompue en une maison de verre vertueuse, — éventuellement plus conforme aux intérêts US), est une fable dans le genre qu'affectionne la machine de propagande virtualiste “bushiste”. Notre appréciation est que Bolton va à l’ONU pour préparer une couverture internationale pour la future offensive (diplomatique et peut-être militaire) contre l’Iran.

» L’appréciation du journaliste américain Wayne Madsen, de Online Journal, est que Bolton va à l’ONU pour avoir la peau de Kofi Annan et opérer son remplacement par le Polonais Kwasniewski (« It is clear that Bolton's major task at the UN will be to dump the African Annan as Secretary General and replace him with someone European and white. Polish President Alexander Kwasniewski's (whom George W. Bush affectionately calls “Alexander”) leads the list of neocon candidates »). »

Finalement, l’option Alexander Kwasniewski se heurta à une telle levée de bouclier à cause de vilaines occurrences où le Polonais se trouvait mêlé à des affaires de pègre et des affaires ayant à voir avec les activités de la police politique du régime communiste qu’on se reporta sur un anonyme, incolore et inodore, un exécutant sans le moindre risque de le voir dénié ni défié, notre fameux Ban Ki-Moon. On l'a suggéré, le sel de l’aventure était bien entendu que Kofi Annan, qui fut ainsi prestement éjecté de ses prétentions à un  nouveau mandat, avait été imposé en 1997 par les USA, pour contrer une candidature de renouvellement de mandat de l’Égyptien Boutros Boutros Ghali que la majorité accueillait pourtant avec un œil très favorable. Ainsi Annan était-il l’“homme de Washington”, celui dont on était assuré qu’il suivrait impeccablement la “ligne du Parti”. Ainsi dévia-t-il peu à peu, puis de plus en plus nettement, de la “ligne du Parti”, jusqu’à devenir cet infâme crapule dont il fallait absolument empêcher qu’il emportât un deuxième mandat.

Le 12 décembre 2006, pour saluer le discours d’adieu de Kofi Annan, qui fut marqué par une violente attaque contre les USA (« ...[A] tough critique of President Bush’s policies. He [accused] the administration of trying to secure the United States from terrorism in part by dominating other nations through force, committing what he termed human rights abuses and taking military action without broad international support »), nous rappelions le parcours singulier (qui tend à l’être de moins en moins, au vu de l’expérience) de ce Secrétaire Général :

« Quand Kofi Annan commença son premier mandat de Secrétaire Général de l’ONU, le 1er janvier 1997, il était “l’homme des Américains”. C’était le candidat-surprise que les Américains avaient sorti de leur poche pour contrer le projet, soutenu par la France, de Boutros Boutros Ghali de solliciter un nouveau mandat. Boutros était devenu le diable pour les Américains, l’homme à éliminer absolument, l’anti-américain viscéral élevé à la lumière de cette maudite francophonie et de la langue française qu’il parle couramment. [...]

» ...Le reste est une histoire connue. La vieille sagesse traditionnelle prit le pas sur le vernis de la “social fabric” et Annan fut très vite identifié comme un ennemi des Etats-Unis. La haine anti-Boutros de Washington fut recyclée en haine anti-Annan. L’un de ses plus farouches adversaires, outre l’inévitable Bolton, fut le sénateur républicain Coleman, une sommité de la médiocrité washingtonienne, corrompu selon les normes et ainsi de suite, qui passa plusieurs années à diffamer Kofi Annan. »

Ainsi l’histoire se répète-t-elle ... Ban Ki-Moon, l’ectoplasme-Système inexistant, le soutien de toutes les vilenies US, s’est transformé, ces dernières années, en un nouveau Boutros et un nouveau Annan. Il est devenu de plus en plus critique des USA et des pays du bloc BAO en général, notamment sur la question de la Syrie. Ce week-end, le 31 octobre, des déclarations de lui lors d’une conférence de presse ont été publiées par divers journaux espagnols, dont le quotidien madrilène El Pais, alors qu’il était en visite à Madrid pour une conférence publique dans la capitale espagnole. Dans les deux cas, il a prononcé une condamnation extrêmement forte de la politique du bloc BAO et des USA, dans le fait constamment affirmé depuis quatre ans de réclamer avant toute discussion de paix sur la Syrie le départ d’Assad, jugé par Ban comme étant parfaitement illégale et constituant naturellement le premier et principal sinon unique obstacle à l’établissement d’une processus sérieux pouvant conduire à la paix dans le pays. Ses déclarations ont été remarquables par leur parfaite fermeté et leur absence totale d’ambiguïté.

Eric Zuesse en fait un rapport sur le site Washington’s blog, le 2 novembre 2015, en même temps qu’il décrit les diverses méthodes employés par El Pais pour rendre cette déclaration la moins visible possible dans le texte (la technique journalistique de la censure par saucissonnage et restructuration du texte est bien décrite). De même El Pais déforme-t-il dans son titre les propos de Ban sur la Catalogne, – du beau travail de presse-Système. (Zuesse signale par ailleurs qu'il a communiqué cette information sur les dclarations de Ban à nombre de médias US et autres de la presse-Système, sans en obtenir le moindre échos. Qui s'en étonnerait ?)

Il faut de même noter l’évolution qui s’est faite entre ces différentes ventures qui tournent toutes de la même façon : Washington bloque la réélection d’un homme jugé défavorable aux intérêts US, le remplace par un de “nos sonovabitch” selon la délicieuse expression employée par un ambassadeur US à propos d’un dictateur sud-américain sous l’ère Eisenhower (“He is a sonovabitch but he is our sonovabitch”), pour retrouver le susdit affirmer peu à peu, puis de plus en plus nettement une position antiaméricaniste sans nuances, dénonçant l’illégalité et la forfaiture permanente de la conduite de l’exceptionnalisme que-vous-savez. Ce qui est notable dans l’aventure-Ban, par rapport à l’aventure-Annan, c’est la dissolution de l’alacrité US dans la poursuite diffamatoire et l’attaque permanente ad hominem dirigées contre les “sonovabitch-traîtres”. Sous GW Bush, Annan fut, dès qu'il commença à dévier, constamment mis en cause, tandis que Ban, qui a commencé à dévier de la “ligne” depuis au deux-trois ans sur la question syrienne, notamment aiguillonné par les positions hostiles au Système de la Russie et de la Chine, est en général épargné par les commentateurs US et les diverses sources ou porte-paroles officiels. On fera l’hypothèse que cette discrétion, sinon cette inexistence, ont pour cause l’indifférence et la paralysie épuisée qui ne cesse de grandir d’un système de l’américanisme à bout de souffle même dans son activité diffamatoire, s’en tenant à la répétition de quelques slogans usés jusqu’à la corde et dont nul ne s’intéresse ni à la pertinence ni au bienfondé (“Assad doit absolument partir”, “la Russie a envahi l’Ukraine”, etc.). Washington et le Système ne sont même plus capables de s’adapter aux variations de communication qui vont contre leurs intérêts, ou bien ils le font à un train de sénateur corrompu ; ou bien, ultime hypothèse, est-ce qu’ils ont réduit leurs perception de l’ONU aux habituelles crises de nerf de Samantha Power, laquelle a oublié que le Secrétaire Général existe. Quoi qu'il en soit, ils n'auront pas à soudainement se réveiller pour dézinguer Ban en 2016 puisque le Secrétaire Général présent ne renouvellera pas son mandat et que nous aurons peut-être Merkel pour lui succéder. Merkel finira-t-elle par faire comme tout le monde et terminer antiaméricanisme avant que l'âge fasse son oeuvre ? 

En attendant, il nous reste à observer avec la considération qui importe la fermeté des propos de Ban Ki-Moon, tels que nous les rapporte Eric Zuesse le 2 novembre sur le site Washington’s blog... Le titre complet, que nous avons réduit pour des impératifs techniques, est « Twice in One Day, Ban Ki-Moon Condemned Obama’s Actions on Syria ».

dedefensa.org

 

«Twice in One Day, Ban Ki-Moon...

» I earlier reported that in an interview with Spanish newspapers published October 31st, U.N. Secretary General Ban Ki-Moon condemned U.S. President Barack Obama’s demand that Syrian President Bashar al-Assad be removed from office, and Moon said: “The future of Assad must be determined by the Syrian people.” However, it turns out (and I didn’t know this at that time) that he also said the same thing in a separate  forum on October 31st: a news conference at the U.N. in Geneva, held jointly with the head of the ICRC, the International Committee of the Red Cross. The present news-report integrates both of those statements from Ban. (This has not been done before, but should be; so, part of this article will repeat from that earlier one.)

» The U.N. headlined, “Ban Ki-moon (UN Secretary-General) and Peter Maurer (ICRC) on the world’s humanitarian crises – Media Stakeout (Geneva, 31 October 2015).” The 23-minute news-conference video there included him saying (13:50): “I believe that the future of Syria, or the future of the peace talks, … should not be held up by an issue of the future of one man. I believe that it is up to the Syrian people who have to decide the future of President Assad.”

» This assertion by the U.N. Secretary General directly contradicts the repeatedly stated position of U.S. President Barack Obama, who insists that Assad must be removed from office and promptly be replaced by someone whom the President of the United States finds to be acceptable to serve as Syria’s leader — that this be done even before the war against ISIS is won. (Is Obama perhaps hoping that ISIS will help Obama to take down Assad? Is he perhaps actually viewing ISIS as being an ally?)

» Here is the entire quotation of the similar statement that Mr. Ban made that day to Spanish newspapers and which was quoted at El Pais (as translated by me):  “The future of President Assad must be decided by the Syrian people. Now, I do not want to interfere in the process of Vienna, but I think it is totally unfair and unreasonable that the fate of a person [diplomatese here for: U.S. President Barack Obama’s demand that Assad be removed from the Presidency of Syria] to paralyze all this political negotiation. This is not acceptable. It’s not fair. The Syrian government insists that Assad should be part of the transition. Many Western countries oppose the Syrian government’s position. Meanwhile, we lost years. 250,000 people have been killed. There are 13 million refugees or internally displaced. Over 50% of hospitals, schools and infrastructure has been destroyed in Syria. You must not lose more time. This crisis goes beyond Syria, beyond the region. It affects Europe. It is a global crisis.”

» The U.N. Secretary General is here implicitly blaming all of this — lots of blood and misery — on U.S. President Obama, and (in the Spanish newspaper interview) on the “many Western countries” who ally with him and have joined with him in demanding regime-change in Syria.

» Mr. Ban’s U.N. press conference also, just like the Spanish-newspapers’ interview published the same day, showed him saying (16:15): “We are deeply concerned about the disrespect on international humanitarian law.” He cited there two specific examples, as back-up for his claim of illegality: the U.S. attack on a hospital in Afghanistan, and the Saudi attack on a hospital in Yemen. (The U.S. is allied with the Sauds, who are using U.S. bombs to destroy their neighbor Yemen. The U.S. is additionally allied with the Sauds against Syria, Iran, and Russia.) “That’s a crime against humanity,” Ban asserted. He urged that there be internationally credible independent investigations performed of those events, and that the guilty parties then must face justice for their “crime against humanity.” [...]

» The Ban interview was buried by Spanish newspapers, because the Spanish government is allied with the United States. For example, the most prominent Spanish newspaper to publish even quotations from this interview is El Pais, and their headline for the story was “Catalonia is not among the territories with the right to self-determination.” Even there, the headline was false. What Ban actually said instead, on that issue of the Catalonian independence movement, was: “The Catalan question is a very delicate matter and, while the UN Secretary General, I’m not in a position to comment on that because it is a purely internal matter.” Lies and distortions in the Western ‘news’ media are that routine: so obvious, sometimes, virtually any intelligent reader can easily recognize that he’s reading lies and propaganda (like in that ‘news’ story).

» El Pais  actually buried the part about Assad and Obama (the blockbuster in their entire story) near the end, but not at the very end, of its report, because one of the standard things that ‘news’ media do when they want to de-emphasize a particular point is to bring the matter up near the end but not at the end. To place it at  the end, would emphasize, instead of de-emphasize, the given point: it’s not the professional way to bury news. Knowledge of how to bury news is important for the managers of any ‘news’ medium, because such knowledge is essential in order to make the medium achieve the objectives of the medium’s owner, the propagandistic function, which is the main reason why wealthy people buy major ‘news’ media, and why major corporations chose to advertise in (and thereby subsidize) these media (which increases that given ‘news’ medium-owner’s income).

» As to why the managers (including editors) of El Pais wanted their ‘reporter’ to misrepresent Ban as being opposed to Catalan independence, the reason is that the owners of El Pais are opposed to Catalan independence. It’s not only in the editorials. With very few exceptions, a newspaper’s editorials and its ‘news’ reporting are slanted the same way. However, sometimes, for particular reasons, the editorial position is instead slanted the opposite way from the ‘news’ ‘reporting.’ Public relations, or PRopaganda, is a science, not for amateurs. And a major function of management is to apply that science so as to maximize value for the medium’s owners. It’s like any business, but the press is also part of the business of government: moulding the public’s opinions so as to serve the needs of the aristocracy that owns the vast majority of the nation’s wealth. The idea of ‘the free press’ is itself PRopaganda. In reality, the press is far from free.

» Anyway, Ban ki-Moon took a rare courageous position here, and did it twice on one day, concerning the same issue; so, he must feel very strongly about this particular matter. What he said was correct, though it’s virtually unmentionable in the West. For example: how widely is this news-report being published? Like its predecessor (which was published only at washingtonsblog, RINF, smirkingchimp, russia-insider, zerohedge, greanvillepost, and liveleak), this report is being submitted to virtually all national news-media in the U.S. and in several other Western countries. You can google the headline, “Twice in One Day, Ban Ki-Moon Condemned Obama’s Actions on Syria,” to find out how many (and which ones) are actually publishing it. »

Eric Zuesse