Aveugles dans la nuit noire du tunnel obscur

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Aveugles dans la nuit noire du tunnel obscur

13 février 2020 – Je ne parviens pas à me débarrasser de ma stupéfaction devant le caractère moutonnier er aveugle des serviteurs du Système. USA-2020 en donne un exemple étonnant ; et dans cette occurrence, la conduite collective de la presseSystème est encore plus remarquable et spectaculaire, dans la façon dont elle se complait à montrer sa vilenie et à démontrer l’extraordinaire sottise de sa crétinerie.

Pendant quatre ans, ces gens, milliardaires propriétaires des grands groupes, grands “professionnels” de l’information, animateurs brillants et très chics des talk-shows, acteurs et actrices MeToo reconvertis dans l’analyse politique et la dénonciation transgenre du fascisme (re)naissant, ont tiré à boulets ronges, avec une  endurance exceptionnelle, contre The-Donald. Les “boulets rouges” constituaient un fourbis de narrative, de simulacres, de manipulations mensongères. (Trump, qui ne vaut pas mieux, en faisait autant de son côté mais ce n’est pas le sujet.)

Il en résulte le constat évident que, pendant quatre ans, ces vertueux redresseurs de tort ont fait une promotion formidable du progressisme-sociétal (le soi-disant “marxisme-culturel”), permettant à l’aile gauche sinon gauchiste et furieusement anticapitaliste du parti démocrate, avec le sympathique  The Squad  d’AOC en avant-garde, de devenir une des forces dominantes du pays. Résultat ? Une position formidable dans le public du cher vieux Bernie, faux-révolutionnaire poussé à l’extrémisme gauchiste par ses soutiens de l’ultragauche du parti.

Patatras ! Comment, s’avise-t-on, le vertueux Corporate Capitalism  serait donc menacé ? Aux armes, citoyens-américanistes, on menace votre seuil de pauvreté et votre précarité.

En quelques semaines, voire quelques jours, la presseSystème aveugle et moutonnière de ces grands “professionnels” du “Quatrième Pouvoir” effectue sur leur route de l’hyper-gauche un tournant en demi-tour droite (évidemment) de 180° d’une ampleur à couper le souffle, où les degrés comptent double. Attaque générale contre Bernie, car, voyez-vous, la pauvre vieille chose de 78 ans est favorite avec un programme qui implique la liquidation du “Corporate Capitalism as we know it”.

Robert Bridge, dans un excellent article sur RT.com, résume bien la “manœuvre” de ces aveugles perdus dans leur tunnel obscur, dans la nuit noire des consignes du Système :

« Après la défaite démocrate dévastatrice et totalement inattendue de l’élection présidentielle de 2016, l’épidémie du ‘Trump Derangement Syndrom’ s’est répandue comme une trainée de poudre. L'un des principaux symptômes de cette maladie a été non seulement une  forte augmentation des convertis au socialisme dans ce pays mais aussi l'élection de quatre membres de l’ultragauche au Congrès. Dirigé par Alexandra Ocasio-Cortez, ce groupe progressiste a des plans si radicaux qu'ils détruiraient essentiellement le Corporate Capitalism des USA tel que nous le connaissons. Pour ceux qui doutent de cette affirmation, il suffit de  lire leur Green New Deal, qui préconise, entre autres plans, des soins de santé universels, une augmentation du salaire minimum et la prévention des monopoles.
» En 2016, Bernie Sanders n'était rien d'autre qu'une curiosité exotique que les démocrates pouvaient, – et ont mis sur la touche à leur discrétion, comme  l’a révélé WikiLeaks. Aujourd'hui, ce “socialiste démocratique” [comme Sanders se désigne lui-même] est devenu, en raison du soutien des ultragauchistes, une menace existentielle non seulement pour le Parti démocrate mais aussi pour le Corporate Capitalism lui-même. Les démocrates ont laissé le diable socialiste sortir de sa bouteille, et maintenant ils essaient à grand peine de l’y remettre. Certains observateurs à l'esprit conspirationniste  soupçonnent même que l'implosion soudaine des caucus de l’Iowa au moment où Sanders a commencé à jouir d'une solide avance sur Pete Buttigieg est le produit d’une manipulation pour bloquer Sanders. » 

J’écris “consignes du Système” pour conclure la phrase, mais en fait il n’y a nulle consigne. Ces crétins obéissent à la logique de salon de leurs brillants esprits et se laissent diriger en aveugle par la haine qui les aveugle. Ils ne voient pas plus loin que le bout de leur plume, ce qui se comprend aisément pour des aveugles. Pendant quatre ans, ils sanctifient de facto l’ultragauche et le socialisme puisqu’il y a dans cette dynamique la plus grande force antiTrump que l’on puisse mobiliser et soudain ils découvrent que le socialisme est un diable anticapitaliste qu’il faut à tout prix étouffer. Ils ignorent tout de la signification de leurs actes et des conséquences de leurs actes, complètement hypnotisés, zombies-moutonniers suivant le Système sans en rien voir ni comprendre.

On a coutume de dire que le public, les électeurs, les gens sans importance sont aveuglés et embrigadés par leurs manipulateurs. (C’est une rengaine des cyniques nihilistes pseudo-antiSystème.) Je pense au contraire que leurs manipulateurs sont tout cela, et par obéissance aveugle au Système ils mènent le Système à sa catastrophe, car la surpuissance du Système réchauffe en son sein son autodestruction... 

Le tournant effectué à l’occasion de ce début des primaires par les zombieSystème de la communication, du New York Times à CNN, aussitôt imités par leurs clones européens de la presseSystème de nos contrées, ce tournant est stupéfiant. Ils n’ont donc strictement aucune mémoire de l’instant d’avant, aucun esprit critique, aucune distance par rapport à leurs propres actes et à la cohérence de leur comportement. Comme il est souvent envisagé dans nos colonnes pleines de feu, le sympathique  “déchaînement de la Matière”  parvenu à son étape finale et sublime a littéralement dévoré leurs âmes ; ils évoluent comme des ombres d’eux-mêmes, se cognant à chaque tournant de 180° suggéré par le Système.

Je dois avouer que j’observe tout cela avec une certaine jubilation. La panique provoqué par ce vieillard de 78 ans instantanément transformé en réplique postmoderne de Trotski est un spectacle qui doit nous transporter d’aise. Le plus fort, le plus beau, le plus sublime de ce spectacle est que les choses peuvent fort bien se poursuivre en empirant, comme ils ont fait jusqu’ici, tout parti confondus, mandarins républicains et démocrates : ils devaient empêcher Trump d’être désigné candidat du parti républicain, ils devaient empêcher Trump d’être élu, ils devaient tuer le fascisme trumpiste à coup de “coups d’État permanent”, ils devaient destituer Trump, ils devaient rétablir l’establishment dans toute sa puissance... Pourquoi parviendraient-ils à stopper Sanders qu’ils ont contribué à s’affirmer simplement en dénonçant tout ce que Trump est censé représenter ?

Il y a la petite anecdote de cette dame du New Hampshire disant qu’elle avait voté Sanders parce qu’elle  était en colère à cause de la façon dont MSNBC (le plus démocrate-CIA anti-Trump presseSystème de la bande) s’était montré “déloyal” (le mot est faible) vis-à-vis de Sanders dans sa couverture de la primaire. Ils en rajoutent tellement, à la louche ! Comme ce Chuck Todd, du même réseau MSNBC, qui met les supporteurs de Sanders et ceux de Trump sur un même plan de “bandes à chemises brunes” (suivez mon regard, un oeil à croix-gammée, l’autre à faucille-et-marteau) ; lisez  l’article de FoxNews  à ce propos et ne manquez pas de contempler cette photo où l’on voit ce brave Sanders saluant, triomphant mais un peu pincé, avec à côté de lui la jeune et ravissante Alexandra Ocasio-Cortez (AOC) absolument jubilante comme si c’était elle-même qui triomphait sur la route de devenir l’élue du peuple tout en haut de la pyramide du Système...

Tout cela, des sottises de Chuck Todd à la jubilation d’AOC, devrait vous faire éclater d’un rire insolent et joyeux devant ce qu’il en résulte, de leur sordide asservissement, de leur liberté pavlovienne de s’aligner, de leur élégante façon de porter la soupe au Système, de faire briller ses bottes, de s’incliner, toujours plus bas, de plus en plus au sous-sol. Et vous croiriez qu’ils vont cesser d’enchaîner catastrophe sur catastrophe pour aboutir à leur autodestruction ?! Point du tout, rien à faire ; crétin un jour, crétin toujours...

Ils arriveront bien à l’incomparable joyau événementiel d’une élection USA-2020 se terminant par une bagarre Sanders contre Trump, avec au bout du compte la marmite explosant d’une façon ou d’une autre. Comme l’écrit Bridge à propos du brave vieux Sanders cornaqué par AOC, on pourrait l’écrire à propos de l’aveuglante stupidité de cette cohorte de crétins travaillant aveuglément en suivant les “consignes du Système“ à la trace, comme un Rantanplan de l’apocalypse américaniste, – mais je l’avoue, tout cela pour notre bonheur fou et notre ravissement intellectuel : il s’agit d’« une menace existentielle non seulement pour le Parti démocrate mais aussi pour le Corporate Capitalism lui-même »... 

Battez tambours, sonnez trompettes ; et vous, zombieSystème, allez jouer avec cette poussière.

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