Anatomie d’un(e) OVNI

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Anatomie d’un(e) OVNI

27 juillet 2019 – D’abord, il faut savoir que RT.com a ouvert une rubrique spéciale sur son site, Tulsi Gabbard News, où il rassemble toutes les nouvelles qu’il (RT.com) a publié sur la candidate aux primaires présidentielles Tulsi Gabbard. “On vous l’avait bien dit” diront ceux qui ne cessent de nous dire que Gabbard est un missile hypersonique actionnée directement de sa datcha par le président Poutine, sur les conseils de l’Ingénieur des Âmes, le glorieux camarade-Staline qui s’y connaissait si bien en “idiots utiles”.

... Ou bien serait-ce que les journalistes de RT-com font bien leur travail ? (Quel est l’“idiot utile” qui m’a soufflé cette question ?)

On va finir par croire (bis) que j’en pince pour la Gabbard. Intellectuellement, ce n’est pas faux : comment une jeune femme comme elle peut-elle avoir les tripes de poursuivre comme elle le fait face à la fureur du système de la communication, là où tant d’individus bénéficiant de la gloire des sunlights et des interviews complaisants capitulent fort rapidement pour prendre la route des “éléments de langage” du Système ?  Arriver à faire écrire au New York Times qu’elle fait moins de 1% dans ses propres sondages-NYT pour les primaires démocrates et, la ligne suivante, que sa candidature est « historique », effectivement il faut en avoir...

Pour mon compte, je pense qu’il s’agit d’un(e) OVNI, et je me propose d’en décrire le fonctionnement et les trajectoires possibles. Logiquement, elle n’a absolument pas sa place ; en plus d’être un non-être, elle est une non-candidate, avec un non-programme. L’élection USA-2020 se jouera entre le Roi des Bouffes, d’ores et déjà à la Maison-Blanche, et la cavalerie légère des quatre cavalières de l’Apocalypse, les Squad, sur les questions-clef de la Fin des Temps de l’immigration et du racisme-antiracisme. Pas de place pour Gabbard là-dedans... Et pourtant, comme disait le président Galilée, et pourtant « il s’avère que le Système en a grand peur ».

En effet, comment justifier qu’un organe du sérieux de dedefensa.orgpuisse terminer le chapeau de son article sur « Gabbard vs Google » par ces mots, « il s’avère que le Système en a grand peur » ? Parce que primo, à “D.C.-la-folle” il se passe des choses folles, et que secundo, quand deux camps se haïssent autant que le Roi des Bouffes et The Squad, il est parfois nécessaire selon les plans de la destinée qu’un autre élément, un autre pion se glisse sur l’échiquier pour débloquer les choses ou plus simplement prendre en charge le changement du cours des choses que ce blocage réclame et suscite tout ensemble.

Or, il se trouve, si l’on suit avec attention le texte d’Alastair Crooke de ce jour, que la folie belliciste, antirussiste, maccarthyste et ainsi de suite de “D.C.-la-folle” dont nous parlons tant depuis presque quatre ans, considérée lors de l’imposant et bombastique séminaire d’Aspen-Colorado par les esprits les plus hauts, les analystes les plus sages, les comptables les plus minutieux de la communauté des experts et prestigieuses fortunes de la sécurité nationale, vient d’être adoubée par eux comme l’expression de la nature même du Système, comme la stratégie de la seule sauvegarde possible de l’Empire. Le constat est d’une considérable importance dans notre société où la forme de convenance et du conformisme a tant d’importance puisqu’elle (la société) n’a aucune forme de nature qui lui garantisse quelque essence que ce soit. Cette société absolument invertie a besoin du simulacre de la vertu, mais voilà qu’elle court un risque terrible en proclamant officiellement sinon institutionnellement que les “guerres extérieures et la guerre-partout et sans fin” sont la forme de cette vertu.

Quoi qu’il en soit et puisque le sort en est jeté, il convient de proclamer plus hautement que jamais que la politique des “guerres extérieures et la guerre-partout et sans fin” est celle que l’on doit suivre en proclamant sa justesse et sa vertu, et de cela dépend leur survie. Un simple cahot, une mise en cause même chuchotée, un arrêt momentané de ce but suprême de la poursuite de l’esprit de la guerre comme finalité en-soi de l’Esprit,mettrait en danger le fragile équilibre de l’immense et puissant Empire jusqu’au risque suprême de l’effondrement... Ne serait-ce que pour cette raison dialectique qui n’est pas rien, il est extrêmement compréhensible que le Système ait « grand peur » de Tulsi Gabbard.

Mais plus encore... En allant au cœur de la question de toutes ces guerres néocoloniales et barbares que l’Empire livre sans en connaître ni la cause, ni la raison, ni le but sinon le déchaînement de sa puissance, Gabbard met à jour les causes fondamentales des événements qui nous secouent. Ce sont ces guerres qui déclenchent les migrations forcées et massives, ces guerres qui exacerbent par conséquent les sentiments d’insécurité et les interrogations sur l’identité qui bouleversent nos peuples, ces guerres qui font naître des haines inexpiables aux propos les plus vains sur quoi prolifère comme une infection tenace l’industrie de la vertu qu’aime tant le Système. Ce sont ces guerres qui justifient un prodigieux transfert de richesses, de corruptions, de gaspillages, vers les industries maîtresses des instruments de mort, vers le mythique et monstrueux Pentagone, aux dépens des infrastructures et de l’équilibre intérieur de l’Empire,autant que de l’équilibre des psychologies collectives.

La députée Tulsi Gabbard, commandant(e) de la Garde Nationale de Hawaii, et par conséquent de l’US Army, a en plus la particularité inédite, devant ces cohortes de va-t-en-guerre et d’imprécateurs guerriers et le plus souvent au contraire de ce qu’ils sont et de ce qu’ils n’ont jamais fait, d’être une connaisseuse et une praticienne opérationnelle de tout ce qu’elle met en cause et qu’ils veulent préserver comme le trésor le plus sublime, – “les guerres extérieures et la guerre-partout et sans fin”, le Pentagone, etc.Et toutes ces connaissances sont rassemblées dans le chef d’une jeune femme provenant d’une minorité, qui a pris la sage précaution de rétablir une respectabilité de convenance sur les choses du LGTBQ.

En déroulant toutes ces occurrences connues dont certaines très nouvelles et en les rassemblant, je me dis que les circonstances complètement imprévisibles et absolument impossibles à deviner peuvent, à un moment ou à un autre, favoriser l’émergence d’une candidate qui tiendrait dans ses mains l’argument des causes fondamentales de la crise de l’effondrement de l’Empire. L’intérêt qu’on lui porte tout en disant qu’elle n’a aucun intérêt, les pièges qu’on lui tend pour interrompre sa course tout en disant qu’elle n’a aucune chance de courir, les bobards qu’on développe pour ruiner grotesquement sa réputation tout en disant qu’elle n’a aucune réputation puisque non-candidate, tout cela me laisse à penser. Comme je suis un peu mystique, je tendrais à envisager qu’une occurrence comme celle de la candidature-Gabbard pourrait bien jouer le rôle du grain de sable profitant de la faveur divine, qui détraque tout ce qui reste de la puante et fumante usine à gaz que sont devenus les États-Unis d’Amérique.

Voyez-vous, je ne vois nullement Gabbard comme une sauvegarde, comme la juste cause qui sauve le pays au bord de l’effondrement, qui refait de l’Empire une République. Complètement au contraire, je la vois comme l’ultime “candidate du désordre”, encore bien plus que Trump qui fit un effet parce que dans ses multiples mensonges se glissaient quelques vérités-de-situation par inadvertance ; car il n’y a rien de plus producteur de désordre que d’asséner à la figure de l’Empire dans la situation où il se trouve, quelques épouvantables vérités-de-situation comme Gabbard fait lorsqu’elle développe, en connaissance de cause et avec la conviction de la chose connue et expérimentée, son discours sur “les guerres extérieures et la guerre-partout et sans fin”. 

En attendant de savoir ce qu’il sera de tout cela, son utilité manifeste et  pour l’instant est bien de nous donner une exacte mesure de l’ampleur et de la profondeur de la crise. Que l’Empire en déroute puisse laisser proliférer de telles candidatures comme des parasites, des sangsues antiSystème se nourrissant du sang sublime du Système, qu’est-ce que cela sinon le désordre de la Fin des Temps ? 

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