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8890• Dans cet immense désordre qu’est la subcrise de l’Ukraine qui prend un moment le devant de la scène tandis que le reste continue à gronder, un écho révélateur d’un autre temps, il y a à peine huit ans, alors que l’Ukraine venait d’imploser, lorsqu’un Jacques Attali pouvait faire l’éloge de Poutine et de sa Russie, et évoquer une sorte de “confédération européenne” rassemblant l’UE et la Russie. • Ce “retour sur discours” de temps définitivement enfuis permet de reprendre un peu de souffle pour pouvoir contempler l’immense tourbillon crisique de l’Ukraine. • Tout le monde sait ce qu’il faut faire (que la perspective de l’entrée de Ukraine dans l’OTAN soit définitivement abandonnée), et même l’ambassadeur de l’Ukraine à Londres le dit, mais rien n’y fait et il est aussitôt démenti. • ... En attendant d’autres péripéties du genre. • Nous sommes dans un état d’addiction ahurie à des narrative irrésistibles. • Le ‘Titanic’ coule, certes, mais il importe au-dessus de tout que le naufrage à pic se fasse en toute stabilité. • Nos psychologies doivent être entretenues dans leurs illusions.
14 février 2022 (18H15) – Nous partons d’un document que nous (principalement PhG) avons retrouvé par le hasard d’une revue habituelle de la documentation disponible sur l’affaire ukrainienne. Il s’agit d’une interview de Jacques Attali, le 4 juin 2014 sur Europe1. Bien entendu, nous avons notre parti pris à l’encontre (plus qu’à l ‘égard) d’Attali et nous ne comptions pas entendre quelque chose de bien différent de ce que nous entendons aujourd’hui concernant le rôle de la Russie. On mesurera donc, à partir de ce préjugé, la grandeur de notre surprise.
Le 4 juin 2014 à Paris, c’était la plus grande effervescence diplomatique possible, avant de somptueuses cérémonies pour le 70ème anniversaire du débarquement de Normandie. Quatre mois après le coup d’État du Maidan, trois mois après l’annexion de la Crimée par la Russie, de nombreux chefs d’État et de gouvernement, dont Hollande, Obama et Poutine, étaient rassemblés pour l’événement. On était alors en pleine entreprise de diabolisation et d’isolement de la Russie et l’invitation de Poutine en Normandie avait été chaudement discutée. Il y avait eu l’annulation du G8 de Sotchi et l’“exfiltration” de la Russie du G8 devenu G7 pour vilain comportement (annexion de la Crimée).
Alors, on comprend notre surprise à l’écoute d’Attali, que nous avons l’habitude de placer dans le courant de la bienpensance qui, aujourd’hui plus que jamais, recherche intensément l’isolement et la mise à l’index d’une Russie constamment diabolisée, – comme si c’était le cas depuis 2014 et l’Ukraine, et même avant avec les événements de Syrie. En effet, s’il y a bien une chose qu’Attali dénonce, c’est cette annulation, cet isolement et cette mise à l’écart, cet ostracisme à l’encontre de la Russie... Quelle n’est pas la surprise d’entendre Attali ! Il n’y a pas, selon notre point de vue qui est si rarement celui d’Attali, un seul mot à retirer ou à contester fortement dans son intervention d’Attali...
La vidéo commence par l’extrait d’une interview de Poutine par Elkabbach également sur Europe1, quelques heures avant qu’Attali ne soit lui-même interviewé. On entend Poutine lancer un appel à la recherche d’une sorte de “confédération européenne” regroupant notamment l’UE et la Russie, et d’autres pays, tel que le proposa Mitterrand au début des années 1990.
Emmanuel Faux : « Jacques Attali, ce qu’on vient d’entendre là de Vladimir Poutine, c’est une façon de dire : “Voyez, autrefois, la France jouait totalement avec la Russie...” »
Jacques Attali : « ...C’est très important, ce qu’il dit là, il redit quelque chose de fondamental dans la politique russe, et qui à mots couverts est un appel au secours... Ce qui est fondamental dans la politique russe, c’est la liaison avec la France pour éviter d’être encerclée par des ennemis, dont l’Allemagne lorsqu’elle est considérée comme telle... L’alliance française est une défense contre l’Allemagne depuis toujours dans l’histoire russe. C’est aussi une façon de dire “Je suis un Européen, je vous demande de m’accepter dans la famille européenne”, et il l’a dit déjà plusieurs reprises, “moi je ne ferai pas l’erreur qu’ont fait les Turcs de demander l’adhésion à l’UE, pour me la faire refuser, parce que je suis une grande puissance et il n’est pas question que je risque un refus... Mais la proposition qui avait été faite il y a plus de vingt ans par François Mitterrand à Prague, qui est un ensemble, une confédération unissant l’UE à d’autres pays, et qui me rattache à l’Europe, est fondamentale, j’en ai besoin... Je fais partie des puissances occidentales” – Je parle comme Poutine pourrait parler, – et il aurait ajouté d’ailleurs dans son for intérieur, “je suis une nation blanche, par opposition à tous les autres”, – je ne reprends pas à mon compte cette notion de nation blanche mais elle est dans son esprit, – “et je vous demande de me prendre dans la famille européenne”... Et je pense qu’on fait une immense erreur en ne saisissant pas cette main tendue. »
Emmanuel Faux : « Cela veut dire l’Europe plutôt que l’OTAN... »
Jacques Attali : « Non... Je, je ... »
Emmanuel Faux : « ... Pour aller vite, l’Europe plutôt que l’OTAN ? »
Jacques Attali : « Non non, je ne pense pas, parce que si on lui disait un jour “Entrez dans l’OTAN”, il dirait “pourquoi pas ?“. Ce qu’il ne peut pas accepter, c’est que les autres entrent dans l’OTAN sans lui, c’est que d’anciennes parties de l’Union Soviétique entrent dans l’OTAN... La France a fait l’immense erreur d’accepter en 2009 ou 2010 la proposition américaine d’inscrire dans le programme de l’OTAN l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN... C’est un chiffon rouge agité devant les Russes qui est inacceptable pour eux. On ne peut pas organiser l’isolement de la Russie, la pire chose qu’ils ne peuvent accepter, faire entrer l’Ukraine dans l’OTAN c’est une faute... Faire entrer l’Ukraine dans l’UE, bien sûr, mais pas dans l’OTAN... [...]
» ...Nous sommes dans une situation surréaliste... On a annulé le G8 à Sotchi et on fait tout pour voir Poutine. Je pense que c’était une erreur de refuser le G8, puisque maintenant on fait tout le chemin inverse vers lui, dans une sorte de ballet à la Feydeau... »
Pas une seule fois le mot “Crimée” n’est prononcé dans cette interview, comme si la chose allait de soi, déjà derrière nous, déjà de l’histoire ancienne... Quelle différence avec nos temps-devenus-fous !
Nous ajouterions à l’extrait ci-dessous un autre extrait, où Attali parle précisément de l’attitude US vis-à-vis de la Russie, sur un point en général complètement ignoré, qui recoupe une autre occurrence qui est la cause profonde et complètement dérisoire de lancer l’élargissement de l’OTAN, – à savoir les liens d’Obama (et du parti démocrate pour l’élargissement) avec la région de Chicago, où l’on trouve la plus forte concentration d’Américains d’origine polonaise aux USA, avec les nécessités électorales que cela impose. On reviendra plus précisément sur cet aspect des choses prochainement, en reprenant cet extrait de l’interview d’Attali qui suit, qui pour l’instant nous permet de renforcer l’argument sur l’aspect justement dérisoire de cette affaire si considérable qu’elle nous fait sans arrêt songer à la possibilité d’une Troisième Guerre mondiale jusque dans ses enfers nucléaires....
Jacques Attali : « ... Crise [ukrainienne] qui peut conduire à la Troisième Guerre Mondiale si on s’y prend mal ... Crise qui s’explique assez largement, sans faire de caricature excessive, par la politique intérieure américaine, et en particulier par le lien qui unit Obama à la ville de Chicago, première ou deuxième ville polonaise du monde, et qui explique l’obsession américain qui est l’obsession polonaise, dont on peut comprendre par ailleurs les raisons, et qui est “tout sauf les Russes”... Ce sont les Polonais qui veulent absolument qu’on écarte la présence russe en Ukraine, ce sont les Polonais qui veulent à tout prix que l’Ukraine entre dans l’OTAN comme ils le sont eux-mêmes... »
Emmanuel Faux : « Vous pensez que Barack Obama est sensible à ce point à ce lobbying russophobe qui agit autour de lui ?
Jacques Attali : « Bien sûr, absolument, il y est sensible parce que c’est un homme de Chicago et que tout ce qui se joue dans cette politique américaine lui est très présent... »
Emmanuel Faux : « Alors, je reviens au décorum... La Normandie pour parler de cette crise, c’est étrange, non ? »
Jacques Attali : « Bien sûr que c’est étrange, surtout qu’on avait un rendez-vous pour en parler à Sotchi et qu’on l’a refusé, qu’on avait un autre rendez-vous la veille à Bruxelles et qu’on l’a raté parce qu’on n’a pas voulu inviter Poutine... Donc, pour des raisons de politique américaine, Obama, qui est obligé de parler avec Poutine, semble le faire par hasard ou en étant forcé, pour dire aux Américains “Écoutez, je ne pouvais pas faire autrement que le voir”... Bon c’est un peu grotesque quoi... »
Pour mieux encore fixer l’atmosphère qui, à Paris soudain, entourait la Russie et son président, et surtout son président, nous donnons l’extrait d’un article que nous avions publié à l’époque, justement sur l’interview de Poutine par Elkabbach, dont on entend un extrait dans l’interview d’Attali. (L’interview d’Elkabbach, réalisé à Sotchi, avait été diffusé le 4 juin également, et commenté par nous le 5 juin 2014, d’où est tiré l’extrait ci-dessous.)
Nous avions, à l’époque, été effectivement impressionné par la façon dont Elkabbach parla de Poutine après l’interview. Le journaliste d’Europe1 avait donné ses impressions pour sa station, après la diffusion de son travail, et nous relevions des commentaires extrêmement élogieux, à mille lieux de la haine habituelle et conventionnelle en général déversées sur Poutine, et particulièrement de nos jours....
« ... Mais tout cela, pour Elkabbach, est balayé, effacé, – “il se fout du passé”, comme dit la chanson de cette chère et bien française Edith, – pour avoir vécu le 3 juin, à Sotchi, «un moment que je n'oublierai jamais !» Ainsi europe1.fr donne-t-il, le 4 juin 2014 un texte dit ‘Making Off’, sur les coulisses de l’interview de Poutine. Sur la chaîne radio on avait pu entendre le même 4 juin 2014, peu avant l’interview, une mini-interview d’Elkabbach sur son exploit de Sotchi. Le texte du ‘Making Off’ nous dit à peu près ceci :
»“‘Un entretien tout à fait libre’... Jean-Pierre Elkabbach a dévoilé les dessous de cet ‘entretien tout à fait libre’. ‘Cela peut être surprenant’, concède le journaliste d'Europe 1, mais l'interview avec le dirigeant controversé ‘s’est déroulée sans préalable, sans tabou’. ‘Ni Poutine, ni son entourage n'ont cherché à connaître les thèmes’ des questions posées par Jean-Pierre Elkabbach et Gilles Bouleau [de TF1]. ‘Il les maîtrise, il vit avec’, explique le journaliste. ‘Il peut improviser.’” [...]
» Ce texte, finalement assez prudent dans l’atmosphère générale des salons parisiens, ne rend pas justice à l’enthousiasme difficilement contenu d’Elkabbach pour Poutine, que l’on constate à la vision et l’écoute de la vidéo donnée en référence. (Sa réplique complète sur la question concernant la liberté de l’entretien et les conditions qu’il a rencontrées à Sotchi : “Pas du tout, pas du tout, ç’a été un entretien tout à fait libre des deux côtés et je sais bien des dirigeants français qui pourraient en prendre de la graine.” Ainsi Poutine deviendrait-il un exemplaire ès-liberté des contacts avec la presse pour les salons parisiens...)
» Elkabbach est un vieux routier du monde de la communication et des salons parisiens, habile comme on l’a décrit, toujours prudent et ainsi de suite. Le vieux routier, habitué aux cahots, aux dépassements interdits et ainsi de suite, plutôt dans la catégorie “vieille canaille” (genre affectueux, type-Gainsbourg ou Eddy Mitchell) que vieille midinette s’il fallait l’apprécier, s’est pourtant laissé surprendre, c’est-à-dire séduire, et il est tombée sous le charme de Poutine... De quel charme s’agit-il ? A nous commentateurs de faire des hypothèses, et nous avons la nôtre. Il y a certes les qualités de l’homme (Poutine) mais il y aussi, – et surtout pour notre propos, et cela en ayant dans l’oreille et à l’esprit l’interview où Poutine fut excellent, – il y a surtout la fermeté et l’évidence du propos d’un homme qui s’appuie sur la force des principes. [...]
» On comprend la remarque d’Elkabbach (“... et je sais bien des dirigeants français qui pourraient en prendre de la graine”) : même pour le vieux routier retors et désabusé de la communication parisienne, le discours d’un homme qui applique une politique principielle pulvérise les slogans psalmodiés des dirigeants-Système du bloc BAO, qui ne peuvent s’appuyer que sur le vide de l’absence de substance... »
Ce que nous voulons mettre en évidence, c’est un décalage extraordinaire dans la progression de la diabolisation de Poutine, et par conséquent de l’impasse de la crise ukrainienne par simple présomption paralysante de deux facteurs. D’habitude, cette sorte d’entreprise de néantissement de la perception va en s’érodant avec le temps ; ici, au contraire, elle n’a fait que s’amplifier, se faire de plus en plus monstrueuse. Il s’agit de deux facteurs psychologiques exclusivement totalitaires et absolus, complètement négatifs sous une forme d’interdit psychologique : une “inéluctabilité” et une “impensabilité”.
Ces deux facteurs agissent dans le mode du réflexe pavlovien lié à l’image insupportable et innommable du genre “Poutine”, ils sont incontrôlables et exempts de toute considération critique ; ils bloquent toute analyse raisonnable de la situation et substituent une irrationalité pathologique présentée comme la seule rationalité moralement acceptable, et donc comme la condition sine qua non de toute progression vers un accord alors qu’ils constituent justement les deux verrous instituant comme impensable toute possibilité d’accord... Ces deux facteurs sont parallèlement,
1) l’inéluctabilité de l’“invasion russe”, et
2) l’impensabilité du moindre arrangement sans une “restitution” de la Crimée à l’Ukraine.
C’est dire si une analyse comme celle d’Attali, qui n’est pourtant pas un “factieux d’extrême-droite” ou un agent du Kremlin, ne pourrait être aujourd’hui considérée publiquement dans les milieux où il (Attali) évolue. De même, dans l’autre exemple, nous serions étonné qu’un Elkabbach, toujours à Europe1 et aussi sur CNews, se permette, aujourd’hui, de réaliser, voire même de songer à réaliser une interview dans les conditions chaleureuses qu’on a décrites, avec cette promptitude et cette assurance dans le déni des clichés habituels : « Pas du tout, pas du tout, ç’a été un entretien tout à fait libre des deux côtés et je sais bien des dirigeants français qui pourraient en prendre de la graine. ».
Il ne s’agit pas d’un problème politique, ni géopolitique, ni stratégique, mais bien d’un problème psychologique, à la façon dont nous privilégiions en général l’approche des événements et des dynamiques en cours.
D’abord il faut s’interroger : qu’est-ce donc qui a changé depuis cette séquence de juin 2014, qui puisse expliquer, justifier, le passage d’un jugement hautement critique mais encore ouvert à l’amendement, à un non-jugement grimé en posture morale triomphante d’absolue condamnation qui caractérise nos années des temps-devenus-fous ? Il n’y a pas beaucoup ni longtemps à chercher, selon notre perception : Trump et le ‘Russiagate’...
...Et ceci, au moment où nous développons cette analyse : « L’ancien président Donald Trump publie une réponse cinglante samedi [12 février] après que l’avocat spécial John Durham ait révélé dans un document judiciaire que l’équipe de campagne d’Hillary Clinton avait comploté pour infiltrer la campagne Trump ainsi que les serveurs informatiques de la Maison Blanche afin de fabriquer des allégations de collusion russe contre ce même Trump. »
C’est effectivement le déchaînement de communication alliant des services officiels (CIA, FBI), la presseSystème, la bureaucratie d’un puissant parti (démocrate) sans beaucoup de résistance de l’autre (le parti républicain n’aimant guère Trump qu’il devait soutenir), ainsi que tous les moyens de corruption et d’influence aux USA et à l’étranger dans le bloc-BAO de l’“État profonds” qui a transformé la perception de la Russie, et essentiellement celle de Poutine. Nous sommes passés de l’image d’un dirigeant extrêmement ferme, résistant aux pressions occidentalistes, soupçonné d’autoritarisme et de corruption à une image d’icône démoniaque, provoquant de véritables hystéries et autres malaises physiologiques et psychologiques du genre dans la perception et le jugement.
Ce déferlement a trouvé une pente radicale et irrésistible, qui est celle de la décadence même, en accéléré, à la fois des perceptions psychologiques et des structures sociales, aux USA et en Europe occidentale. Cela intervient principalement dans la partie la plus “civilisée”, donc la plus décadente, du bloc-BAO. L’hyper-sophistication de la brutalité des mœurs et de la disparition des coutumes ouvre une voie royale aux effets de la communication. L’abondance des informations conduit à une censure grossière, violente et inefficace : comme si vous aveugliez une énorme voie d’eau (imaginaire) avec une force considérable, tandis que de nombreuses autres voies d’eau (secondaires) s’ouvraient tout autour de cette voie aveuglée, dans une sorte d’impunité irrésistible.
La diabolisation de Poutine est ce moyen brutal utilisée pour aveugler la voie d’eau principale imaginaire, tandis que l’habileté, l’endurance et l’opiniâtreté de Poutine comme acteur politique constituent les moyens d’ouvrir les autres voies d’eau en toute impunité ; puisque la principale voie d’eau selon la perception du Système est aveuglée, il est proclamé que tout va bien à bord, et c’est bien là l’impunité dont nous parlons.
Il est manifeste que le ‘Russiagate’, qui a déclenché une cascade d’accusations d’ingérence, d’actions illégitimes, de complots de la Russie, d’attaques contre les médias russes (RT et Spoutnik), etc., constitue une dynamique créatrice d’illusions permettant l’apparence de la survie des croyances de la modernité qui structurent notre “foi” de croyants zélés. Le ‘Russiagate’, malgré la montagne de preuves éclairant son inexistence, y compris par une enquête légale d’un procureur spécial nommé par le gouvernement des États-Unis et adoubé par le Congrès, est devenue une narrative absolument indispensable à l’illusion de stabilité du ‘Titanic’ ; c’est une drogue qui a plongé la plupart des acteurs de ce qui reste du Système et les y maintient dans une addiction irrésistible. En d’autres mots, il s’agit que le naufrage à pic du ‘Titanic’ soit d’une stabilité exemplaire, – qu’il ne fasse pas trop de vagues, si l’on veut une image opportune, dans nos pauvres psychologies dévastées. Cette focalisation sur un facteur central énorme et imaginaire (ce qui est perçu comme la principale voie d’eau) conduit à ignorer toutes les autres.
De très nombreux événements déstabilisants de toutes sortes et littéralement dans tous les sens ont été observés depuis : les attaques contre la présidence de Trump mettant en évidence l’illégalité de ces actions en voulant dénoncer l’illégalité des actes du président, l’équipée du Covid, les désordres aux USA et l’émergence du wokenisme, l’incroyable présidence Biden menée par un vieillard en état de démence sénile, la déroute de l’Afghanistan, l’espèce de marais poisseux qu’est devenue la subcrise de l’Ukraine qui clapote d’“invasion” en “invasion”, l’émergence globale des ‘Freedom Copnvoy’, etc... Ces événements constituent autant de voies d’eau secondaires contre lesquelles rien de sérieux n’est fait, ; notamment dans le domaine de leur compréhension, parce que l’existence même de ces voies d’eau en tant que telle est niée par l’avalanche de communication qui transmue littéralement la perception et continue à entretenir l’addiction signalée plus haut.
Les plus récents événements autour de l’Ukraine témoignent à la fois du désordre et de l’impuissance où se trouvent les pouvoirs en place. Il y a parfois des tentatives désespérées d’en revenir à la réalité. Si, dans les deux derniers jours, un diplomate ukrainien (l’ambassadeur d’Ukraine à Londres Vadim Pristalko sur la BBC), évidemment approuvé par Moscou, laisse entendre qu’enfin il faut que l’Ukraine se décide à affirmer que son pays abandonne la tentative d’adhésion à l’OTAN dont tout le monde sait que c’est la seule façon de résoudre la crise, il est aussitôt démenti par Kiev. On doit même penser que, si une telle idée était finalement envisagée par le gouvernement ukrainien lui-même, il se trouverait toujours une dynamique, y compris “en interne” et sans pressions extérieures, susceptible de la saboter. Nous sommes décidément dans une autre époque que celle où Jacques Attali pouvait songer à s’exprimer comme on l’a entendu plus haut, en évoquant l’évidence d’une sorte de “confédération européenne” où serait incluse la Russie.
Il n’y a nul complot sinon des tentatives éparses et de circonstance, il n’y a nul plan diabolique sinon la pente du naufrage à pic. Nous sommes prisonniers de l’addiction des psychologies à l’illusion établie (pour ce cas, diabolisation de Poutine, ‘Russiagate’), au-delà même de la cohérence d’un simulacre bien construit. Pendant ce temps, les événements filent à une vitesse extraordinaire et incontrôlable, assurant la venue de changements d’ampleur tectonique ; les fameuses « fameuses forces suprahumaines », qui connaissent la musique, s’en donnent à cœur joie.