200 000 tonnes de stupidité

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200 000 tonnes de stupidité

Avec Trump et les Trump’s boys, y compris les ambassadeurs et les porte-avions de l’US Navy, inutile de chercher un titre : il suffit de les citer texto. Ainsi en est-il de Jon Huntsman, ambassadeur des États-Unis à Moscou. Il est vrai que Huntsman se trouvait à bord du USS Abraham Lincoln qui, s’il n’atteint pas les 100 000 tonnes, s’en approche remarquablement avec les 90 000 tonnes (88 000 tonnes exactement) de la classe Nimitz  dont il est issu : pour 10 000 tonnes, on ne chipotera pas l’ambassadeur US auprès de la Russie.

Pour cette raison de la facilité à laquelle il importe de ne pas céder, le titre qui s’était imposé initialement (“200 000 tonnes de diplomatie…”) a laissé place à une autre formulation qui nous semble finalement mieux adaptée à ce que dissimulent ces déclarations. Mais voyons d’abord l’objet du délit, à partir de RT.com, en notant bien entendu que la chose a particulièrement frappé les Russes qui suivent avec intérêt l’évolution intellectuelle de leurs “partenaires” des États-Unis.

« L'ambassadeur des Etats-Unis en Russie, Jon Huntsman, déclare qu'il n'a guère besoin d’exercer sa pratique, car “200 000 tonnes de diplomatie” rôdent dans les eaux de la Méditerranée, démontrant que l’exhibition de la puissance militaire est un outil politique. “Chacun des porte-avions opérant actuellement en Méditerranée représente 100 000 tonnes de diplomatie internationale”, a déclaré M. Huntsman dans une déclaration s’adressant à la VIème Flotte de l’US Navy.
» Huntsman prenait la parole à bord du porte-avions de classe Nimitz USS Abraham Lincoln, qui fait partie du groupe d'attaque à double porte-avions qui comprend également l'USS John C. Stennis, autre porte-avions à propulsion nucléaire de classe Nimitz. Les navires de guerre ont lancé leurs opérations d'entraînement conjointes mercredi. C'est la première fois depuis l'été 2016 que deux groupes de grands porte-avions d'attaque opèrent en Méditerranée en même temps.
» S'adressant à CNN, M. Huntsman a fait l'éloge de la puissance maritime des États-Unis, qualifiant de “diplomatie opérationnelle avancée” les agitations militaires américains pratiquement aux portes de la Russie. “Quand on a 200 000 tonnes de diplomatie qui circulent en Méditerranée, – c'est ce que j'appelle la diplomatie, c'est de la diplomatie avancée, – il n'y a rien d'autre à dire.”
» Alors que Moscou a longtemps critiqué le renforcement de l'arsenal militaire américain près de ses frontières comme une manœuvre hostile qui met à rude épreuve les relations difficiles entre les deux pays, Huntsman a soutenu que de telles manœuvres militaires sont en quelque sorte une condition nécessaire pour apaiser les tensions avec Moscou. “Vous établissez toute la confiance nécessaire [entre les “partenaires” ?] pour vous asseoir et essayer de trouver des solutions aux problèmes qui nous divisent depuis de très nombreuses années”. »

Il est vrai que les fonctionnaires, officiers et hommes politiques de l’administration Trump, d’ailleurs comme le reste de la cohorte politique washingtonienne sauf l’une ou l’autre exception, ne dissimulent guère le caractère primitif, obtus, borné, etc., de leurs conceptions et de leurs actions politiques, notamment et particulièrement pour les relations avec la Russie. Il est possible que les déclarations de Huntsman soient faites avec une touche d’humour, mais cela n’est nullement assuré et cela reste une hypothèse conciliante sinon bienveillante que rien, véritablement, ne vient confirmer.

Quoi qu’il en soit, il est vrai que Huntsman exprime un sentiment dominant à Washington, dans l’administration Trump, et qui est d’ailleurs parfaitement résumé par cette simple phrase :« Quand on a 200 000 tonnes de diplomatie qui circulent en Méditerranée, – c'est ce que j'appelle la diplomatie, c'est de la diplomatie avancée, – il n'y a rien d'autre à dire. » Autrement dit, quand vous posez le canon de votre revolver sur la tempe de celui avec qui vous négociez, eh bien vous accomplissez l’acte fondamental de la diplomatie et la négociation se termine avec succès.

Il est difficile de critiquer cette sorte d’affirmation tant la stupidité et l’hypocrisie de facto qui l’accompagne nécessairement empêchent toute approche raisonnable, tant l’évidence de la stupidité et de l’hypocrisie suffisent à parler à votre place. (Stupidité bien entendu, et hypocrisie disons, quasiment inconscientes et souvent assumées avec une sorte de joyeux entrain et une cruauté roborative comme on le voit avec Pompeo parlant de ses exploitsà la tête de la CIA.)

Cette diplomatie de la Brute Force ne rappelle même pas la méthode Kissinger lorsqu’il s’exclamait en cas de crise entre des acteurs-tiers dans tel ou tel lieu du monde, en forme symbolique : “Où sont les porte-avions ?”. Kissinger n’affirmait pas la puissance US pour faire triompher les USA dans une négociation, il affirmait la puissance US pour peser sur deux acteurs proches de la confrontation et sur lesquels il pouvait obtenir une volonté de négociation du fait de la puissance des USA, dans une zone où étaient engagés les intérêts des USA.

Il semble bien que la stupidité, et l’hypocrisie qui va donc avec, se soient définitivement installées au cœur de Washington, dans l’administration Trump. Les deux accompagnent bien entendu des déclamations belliqueuses, des menaces grossières et des mesures illégales, – sans pourtant aller jusqu’au conflit, car ni la stupidité ni l’hypocrisie n’empêchent la couardise. Chaque jour confirme la spécificité de l’administration Trump comme totalement vouée à l’action brutale et aveugle, bien entendu à l’image du président lui-même que l’on connaît bien pour ses méthodes diverses (soit l’immobilier rapace, soit le crime organisé), et avec un entourage de neocons escapés de la déjà-vieille culture-9/11 et qui constituent, avec Bolton et Pompeo, les fonds de tiroir du domaine.

Nous avons déjà signalé à plusieurs reprises ce caractère de stupidité de la direction Trump, qui influence largement mais en plus discret la plupart des directions du bloc-BAO. L’un de nos favoris, – non, vraiment notre favori, c’est le secrétaire d’Etat Pompeo :

Bien entendu, nous ne sommes pas les seuls à remarquer cet étonnant élan collectif de la stupidité des directions politiques au service du Système. Nous remarquerons, d’une façon intéressée sur un sujet d’une réelle importance, que ces capacités des directions et élites du Système, avec les erreurs et défaites qui s’ensuivent, vont tout de même très largement contre la thèse de ceux qui ne cessent d’affirmer que le Système “avance partout ses pions” alors qu’il les a en place partout depuis tant de décennies ; la décadence, à cet égard, est sans aucun doute que tout le monde désormais s’en aperçoit, et que les crétins appelés pour sauver l’héritage ne sont justement que cela, des crétins, et agissent comme tels

Voici donc Pompeo : « …Et, dans ce cas, l’une des ‘mules’actuelles du Système, – dans le langage des passeurs de drogue notamment sur la fameuse frontière Sud que l’administration Trump entend rendre hermétique, – c’est parfaitement Mike Pompeo, secrétaire d’État de fortune, homme si brutal et en même temps (cela va ensemble) si complètement stupide que le colonel Lang se demande s’il est vraiment “aussi idiot qu’il le paraît” (“Can Pompeo really be this goofy ?”). C’est en effet Pompeo qui, lorsqu’il était à la CIA, a préparé l’attaque contre Assange en annonçant qu’il apportait son propre amendement au Premier Amendement de la Constitution… »

Dans le même sens, et pour rendre ce dossier irrésistible, on donnera quelques extraits d’un intéressant article du Saker-US, dont l’adaptation française est faite par le Sakerfrancophone. La question examinée est de savoir si l’administration Trump ne finira pas par déclencher une guerre meurtrière, mais surtout il s’agit de relever le rôle essentiel de l’extraordinaire stupidité/imbécillité/idiotie dans cette démarche et pour ce risque

(Il est évident que ces caractères, – stupidité et le reste, comme détaillés ici, – sont à ranger dans la catégorie des pathologies mentales qui, de façon plus générale, touche ces mêmes directions et élites américanistes-occidentalistes, – nous voulons dire ces “fous ordinaires”…)

Le Saker-US du 18 avril : « Depuis que M. MAGA est entré à la Maison Blanche, je suis émerveillé par le niveau de stupidité cristalline et, franchement, par l’immoralité de cette administration. Obama était presque aussi incompétent et diabolique, mais Trump a vraiment apporté un changement qualitatif à ce que nous pourrions appeler “le QI moyen de la Maison Blanche”. La meilleure chose que je puisse dire à propos de Trump, c’est que la stupidité peut avoir du bon. Hélas, cela peut aussi être extrêmement dangereux, et c’est ce qui se passe actuellement. Il suffit de consulter ces manchettes récentes :

» • Trump signe une déclaration reconnaissant la souveraineté d’Israël sur les hauteurs contestées du Golan ;
» • Moscou estime qu’un sabotage occidental a causé la panne d’électricité au Venezuela ;
» • Les explosions au Venezuela confirmées en tant que sabotage terroriste ;
» • Les États-Unis désignent les gardes de la révolution iraniens comme une organisation terroriste ;
» • Pompeo en Turquie : une action militaire en Syrie aura des conséquences “dévastatrices”.

» Je dois admettre que ce dernier est mon préféré, vraiment ! Voyez à quel point c’est cool ? Les États-Unis menacent un pays membre de l’OTAN de lui faire la guerre – c’est ce que « conséquences dévastatrices » signifie en langage diplomatique.
» Pompeo – certainement l’un des idiots les plus diaboliques et délirants de l’administration Trump – essayait probablement d’imiter le modèle qui inspire cette administration, à savoir Bibi Netanyahu, qui avait même menacé de faire la guerre à la Nouvelle-Zélande – oui bon ! enfin presque, je sais, il ne parlait pas vraiment de “vraie” guerre, mais il utilisait un langage guerrier, ce qui, au mieux, est irresponsable pour un homme politique.
» Tout cela serait très amusant si ce n’était le fait évident que les États-Unis sont déjà engagés dans une campagne militaro-terroriste secrète contre le Venezuela, la “révolution Guaido”, que le gouvernement Maduro a réussi à contrecarrer – du moins jusqu’à présent – ce qui ne fait que rendre Pompeo encore plus furieux. En outre, le fait que l’armée américaine ne semble pas avoir le courage d’opérer une invasion terrestre ne signifie nullement qu’il ne peut pas déclencher des bombardements et une campagne de missiles, du type kosovar ou libyen, contre le Venezuela
[…]
» Qui sait ? Il est possible de prédire les actions d’un acteur rationnel. “Rationnel” implique un minimum d’intelligence et de bon sens. Le problème est que nous ne pouvons pas être sûrs de l’intelligence des gens qui sont actuellement en poste au Pentagone alors que nous pouvons être absolument sûrs que les Israéliens sont complètement fous et délirants – comme le sont toujours les racistes. Jusqu’à présent, les Israéliens n’ont pas réussi à convaincre les États-Unis d’attaquer l’Iran. Il était clair qu’il y avait des gens intelligents et sains au Pentagone – dans la tradition de l’amiral Fallon – mais à quel point pouvons-nous être sûrs qu’ils n’ont pas tous été purgés – ou corrompus – par le régime neocon ?
» [Aparté :Quand je parle de la stupidité des dirigeants américains, je ne dis pas cela comme une insulte. Je veux dire que, dans une approche de diagnostic : ces gens ne sont tout simplement pas très intelligents. Découvrez l’excellent articlede Dmitry Orlov intitulé “La nef des idiots US fait eau de toutes parts”pour une très bonne discussion sur le rôle de plus en plus important que joue la stupidité dans les actions de l'Empire. Et Orlov n'est pas le seul à penser cela. À l'heure actuelle, la plupart des Russes sont convaincus que la prise de décision aux États-Unis repose principalement sur la stupidité et l'incompétence flagrante. Si ce n'était le risque très réel de la guerre, les Russes passeraient leur temps à se moquer de l’errance des dirigeants de la “nation indispensable”…]
» Quand je vois le fait que, du moins jusqu’à présent, les États-Unis n’ont pas osé risquer une agression militaire contre le Venezuela, je ne peux imaginer que quiconque au Pentagone ou au CENTCOM ait l’estomac pour une guerre contre l’Iran. Mais, encore une fois, je présuppose l’intelligence et la santé mentale, ce qui ne s’applique ni à M. MAGA ni aux Israéliens. »

 

Mis en ligne le 24 avril 2019 à 18H12