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Article : Libé contre WSWS.org

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Idélal de puissance/ouvert vs Idéal de perfection/fermé

jc

  18/10/2018

Ce titre, qui se veut accrocheur, juste pour tenter le rapprochement idéal de puissance/ouvert et idéal de perfection/fermé avec en toile de fond la réconciliation science/philosophie mise à mal depuis la coupure galiléenne (Galilée: "Le livre de la Nature est écrit en langage mathématique").

Dedefensa: "Les USA n’ont plus, aujourd’hui, de réelle capacité de production industrielle tandis que la création d’armements nouveaux atteint l’impuissance totale (F-35, corvette classe Zumwalt , porte-avions classe Gerald S. Ford) sous les pressions conjugués du bureaucratisme, du technologisme en crise aiguë et de la corruption généralisée du tissu industriel qui ne recherche plus que la production de matériels dépassés et inefficaces pour réaliser des “ventes forcées” surtout à l'exportation avec les bénéfices qui vont avec, sous la pression de l’hégémonisme d’influence en place dans un nombre considérable de pays pénétrés depuis longtemps par tous les moyens (renseignement, lobbies, etc.)."

Résultat de la politique d'ouverture des USA depuis 1945. Alors que juste avant:

Dedefensa: "(...) la signification stratégique d’une base industrielle et technologique. Nous parlons du type d’effort fait par les USA pour organiser et mettre en place avec les plus grandes difficultés un tel ensemble en 1940-1942, pour soutenir ce qui ne peut être qu’un éventuel effort de “guerre totale” ; car une telle ambition d’une “base industrielle et technologique” dans le sens où elle est annoncée concerne effectivement et nécessairement dans sa capacité ultime la possibilité d’une “guerre totale” ".

Contraste entre une dynamique de fermeture (1940-1942) et une dynamique d'ouverture (de la fin des années 1940 -début de la relance?- à nos jours). Un but précis dans le premier cas, une cause finale ("la guerre totale"), élan national, souverainisme, fermeture. Sans but précis dans le second, croissance et progrès indéfinis (dans l'unique but de croître et de progresser), open society, globalisme, ouverture.

En topologie (branche des mathématiques qui a émergé au début du XXème siècle), les notions d'ouvert et de fermé ont un sens défini avec précision (en topologie générale), la notion d'ouvert étant d'apparence plus floue (plus pauvre?) -car tous les points d'un ouvert se ressemblent- que celle de fermé, plus riche en apparence -car on y distingue les points intérieurs des points du bord, de la frontière, frontière qui peut être stratifiée (bord d'un carré, d'un cube, etc.). La théorie des topos (dont Grothendieck dit que c'est le nec plus ultra des concepts qu'il a forgés) s'appuie, ai-je cru comprendre, sur la notion d'ouvert et non sur celle de fermé. Effet de mode ou raison profonde?

Au moment où l'open society de Soros et des globalistes -parfaitement symbolisée, selon moi, par l'idéal de puissance de l'argent- semble peut-être commencer à montrer ses limites alors que les souverainismes se font à nouveau jour, Régis Debray fait l'éloge des frontières* et les épistémologues belges Lambert et Hespel proposent un concept dual de celui de topos** (l'introduction et la conclusion, philosophiques, sont accessibles aux non matheux) qui va -à mon avis- plus dans le sens de la vision que Thom a des choses***.

Peut-être une nouvelle sensibilité émergera-t-elle qui orientera les diver souverainismes vers un même idéal de perfection?

Thom: "(...) peut-être Dieu n'existera-il pleinement qu'une fois sa création achevée? (ES p.216)


*: "Eloge des frontières", Folio, 2010

**:  "De la topologie de la conciliation à la logique de la contradiction"  http://virthost.vub.ac.be/lnaweb/ojs/index.php/LogiqueEtAnalyse/article/download/1829/1608

***: "Dans sa confiance en l'existence d'un univers idéal, le mathématicien ne s'inquiétera pas outre mesure des limites des procédés formels, il pourra oublier le problème de la non-contradiction." (AL p.561)


 

Cette polémique c'est vraiment interpellant .

Christian Feugnet

  19/10/2018

Et à mon avis  révelateur  de ce qu'à quel point les deux polémistes sont à coté de leurs pompes .
Pour WSWS on a toujours le cadre désuet , le capitalisme ( US forcément) qui prépare la guerre totale ( au delà du Pentagone ) .
Alors qu'il me semble comme çà que "le capitalisme" est devenu plutot Chinois . Ne serait que pour l'industrie des terres rares si stratégiques , aux US , où y a plus .
Le Pentagone découvrirait que l'intendance suit pas .
Et Libé , repére de faux culs , choqué de voir que WSWS voit le mal partout . Sauf que c'est de plus en plus et depuis longtemps , Russes en Baltique et mer Noire , les Chinois en mer de Chine , font sentir que les US sont has been et n'ont plus rien à foutre sur ces mers .
Qui se réveille ? , le pentagone  ou WSWS  .  Libé çà dort encore .

L Occident en est encore à la science fiction , tellement on a d'avance !

Christian Feugnet

  20/10/2018

J'ai évoqué mer Baltique , Noire et mer de Chine . Méme pas océan arctique qui est ( pas qui sera ) navigable . Chinois et Russes ont déjà négocié les contrats de navigation .
Pour l'Occident c'est encore de l'avenir , du fait de notre inestimable pouvoir d'anticipation . Comme pour le réchauffement climatique : " vous allez voir ...en 2050 " . Mais non , c'est déjà là .

Construire n'est pas fonder

jc

  20/10/2018

Dans le fil de l'opposition ouvert/fermé de mon précédent commentaire.

Après l'effondrement contre-civilisationnel qui s'annonce, il va falloir reconstruire. Et, bon sens oblige, avant de reconstruire il apparaît indispensable de refonder* (d'abord refonder soigneusement pour ensuite espérer reconstruire durablement**). Ce que montre avec netteté l'article de Lambert et Hespel  (lien dans mon précédent commentaire)  c'est que construire n'est pas fonder et que la différence emmène en philosophie à des hauteurs métaphysiques assez vertigineuses, hauteurs que pourraient (devraient?) rejoindre les préoccupations de certains mathématiciens contemporains -certes seulement certains, mais pas des moindres- (cf. les page 319 et 320 de la conclusion de l'article).

Lambert et Hespel proposent une théorie en quelque sorte duale de la théorie mathématique des faisceaux (faisceaux de Leray, généralisés en topos par Grothendieck) qu'ils qualifient de théorie des conciliations, la dualité faisceau/conciliation faisant écho à la dualité ouvert/fermé en topologie générale.

Il me semble que les matheux considèrent que cette dualité faisceau/conciliation est aussi triviale que l'est la dualité ouvert/fermé en topologie générale, et s'abstiennent pour cette raison de développer la théorie des conciliations que proposent Lambert et Hespel. Mais ces derniers ne sont pas d'accord avec cette trivialité (et j'incline dans leur sens):

"Poser l'existence d'un faisceau se fait dans l'espoir de former [construire], tandis que celle de conciliation se fait dans celui de fonder. (...) et ce qu'il importe cette fois de remarquer, ce n'est pas tant que, d'un cas à l'autre, le global et le local soient inversés, mais que les sens de ces deux démarches le soient aussi. Dans un cas on commence en effet par acter que cet objet est, pour postuler ensuite qu'il doit pouvoir être tel qu'il est; tandis que dans l'autre, on commence par postuler que l'objet est, pour ensuite acter qu'il doit donc être tel qu'il puisse être. Ce qui est très différent: d'un côté l'être de l'objet n'est absolument pas interrogé, tandis qu'il l'est dans l'autre. On peut bien rassembler différents objets, on ne formera [construira] pas un être, mais tout au plus un "être de raison". Rendre compte de quoi que ce soit exige donc de rendre compte de son unité. Or nous le savons- c'est justement ce à quoi parvient une conciliation."

Retour -pour conclure- aux allusions du début de ce commentaire d'une part à la construction européenne et d'autre part aux hauteurs métaphysiques assez vertigineuses auxquelles conduisent la différence construction/fondation.

*: Après la défaite de Sedan la Troisième République a fait une telle refondation, l'emblématique "Nos ancêtres les gaulois bla-bla" apparaissant dans les manuels scolaires dans les années 1880.

**: Les "élites européennes" se sont précipitées après 1945 pour construire l'actuelle UE sans guère se préoccuper de la fonder (à mon avis).




 

Construire n'est pas fonder.1

jc

  21/10/2018

Fonder c'est essentiellement séparer*. Construire c'est essentiellement réunir. "L'éloge des frontières" de Régis Debray est consacrée à ce problème: "La frontière comme vaccin contre l'épidémie des murs", écrit-t-il, la frontière qui, au contraire du mur, à la fois sépare et réunit.

Pour les matheux modernes l'ouvert est le complémentaire du fermé. Par suite l'ouvert et son fermé complémentaire -son dual- n'ont rien en commun, leur intersection étant vide. Et on sait que les logiciens modernes (Boole, Frege, etc.) se sont engouffrés dans cette voie. Les philosophes ne partagent pas tous cette façon de voir**, Aristote*** et Fitche**** en particulier.

Certains matheux commencent à accepter ces logiques considérées depuis Boole comme non-standard:
1. la logique intuitionniste (constructiviste) a maintenant pleinement droit de cité en mathématiques depuis la jonction (par Lawvere et al.) entre cette logique et la théorie des topos de Grothendieck;
2. la logique paraconsistante, la logique de la contradiction -logique de l'ambiguïté serait peut-être préférable-, celle que proposent Lambert et Hespel, ayant encore du mal à s'imposer car il est nécessaire de concilier ce qui paraît inconciliable -à savoir A et non A- et donc de repenser le statut de la vérité. Pour Thom c'est cette logique qu'il importe de considérer: "Dans sa confiance en l'existence d'un univers idéal, le mathématicien ne s'inquiétera pas outre mesure des limites des procédés formels, il pourra oublier le problème de la non-contradiction." (AL p.561)


*: Thom:
"L'acte fondateur sépare".
"Aristote dit quelque part que l'entéléchie sépare. Pour moi ça a été la formule qui m'a fait comprendre réellement l'Aristotélisme, du moins dans la mesure où je prétends pouvoir le comprendre."

**: Lacan non plus.

***: Thom:" [Pour Aristote, penseur du continu selon Thom] Un segment de droite n'y est pas composé de points, mais seulement de sous-segments. Le point seul, isolé (disons O sur l'axe x'OX) n'existe qu' "en puissance"; il aspire à l'acte en se dédoublant en deux points O1, O2, O1 adhérant à gauche, O2, adhérant à droite; ces deux points étant distincts bien qu'ensemble (ama), les deux demi-segments ainsi limités accèdent alors à l'existence pleine, l'être en acte." (ES p.13)

****: Cf. l'article de Lambert et Hespel p.299