Start-up Notre-Dame 2.0

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Start-up Notre-Dame 2.0

18 avril 2019 – il y a un argument autour de la question de la reconstruction/de la restauration de Notre-Dame... Malgré cette rêverie où je me trouve et qui m’entraîne sur des voies incertaines par rapport à la bien-pensance de la République, je prends des précautions de langage en offrant deux mots pour un, mais le fait est bien qu’il s’agit d’une “reconstruction” et en aucun cas d’une “restauration”, et je dirais plus encore car le mot était venu sous ma “plume” (!) avec de multiples coquilles à cause d’un clavier bien mal tempéré, fait pour des créatures-postmodernes et pas pour un faiseur de textes conscients : une “restructuration”.

Bien, il s’agit d’une hypothèse de rêveur à l’esprit bien subversif, qui pourrait néanmoins bien être une possibilité, voire une probabilité, car le personnel du Système ne lâche jamais sa proie et sa sottise infinie le garde de toute de toute sotte infraction par rapport aux consignes. Le mot “restructuration”, qui m’a donc échappé, implique, dans le sens où je l’apprécie, avec la re-création de la structure qui est le fondement de l’être, et qui serait nécessairement différente dans ce cas, l’élimination totale, l’éradication de toute trace de mémoire de la pierre sublime venue de la Tradition que Notre-Dame avant le feu gardait intacte pour ceux parmi les Parisiens et dans les cohortes moutonnières de touristes encore capables de percevoir de quoi il s’agit.

« Si j’étais président », comme disait in illo tempore l’énigmatique prophète des talk-shows  Zombie-Apathie parfaitement dans la logique et l’esthétique de son temps, vertueux en somme, proposant pour première mesure de son quinquennat imaginaire de raser Versailles – le château seulement, ne paniquez pas,– parce qu’il faut éradiquer tout ce qui “fait mémoire” (parler novlangue) de la grandeur de ce que fut la France, parce que seule l’économique compte et que la politique doit être à son service (oyez son raisonnement, impeccable) ; “si j’étais président” donc, moi et pas Zombie-Apathie renvoyé à la niche, j’ordonnerais que l’on consolidât Notre-Dame dans son état actuel de dévastation avec l’aspect des restes d’elle que les flammes voulurent bien nous laisser, pour rappeler solennellement le symbole qu’elle fut et par conséquent ce que nous avons perdu. Chacun pourrait ainsi continuer à s’instruire de ce que fut l’objet de cette catastrophe, et mesurer l’effet de cette catastrophe qui est le produit indiscutable de ce que cette époque est capable de nous offrir ; c’est-à-dire un symbole absolument écrasant de notre époque, figurant, d’une façon générale avec le destin catastrophique comme l’est un attentat surtout-pas-islamiste du symbole venu du Temps des Cathédrales, ceci exactement : la néantisation du passé et l’entropisation du présent en un futur diabolique figé dans la catastrophe. Je ferais donc ce qu’ont fait les Japonais, d’ailleurs dans un autre esprit peu glorieux mais c’est l’acte qui importe ici, en gardant un vestige des effets de la Bombe : « En guise de témoignage, les ruines du dôme de Genbaku, l'un des seuls bâtiments à ne pas avoir été entièrement détruits par l'explosion, furent conservées. »

(Au fait, savez-vous que je parle d’Hiroshima et de la première bombe atomique larguée sur un objectif absolument civil, dans un but de terreur tout aussi absolu pour obtenir une capitulation très urgente et, dans le chef du président Truman selon son aide de camp, un capitaine de corvette de l’US Navy témoignant dans le documentaire Le soleil noir d’Hiroshima [premier du nom, en 1996, dont je ne retrouve nulle part la trace], pour justifier devant le Congrès les dépenses astronomiques occasionnées par le développement de cette chose et ainsi éviter une destitution pour “argent gaspillé” puisque “bombe pas larguée”.)

Car cette époque est une Bombe, – nucléaire encore plus qu’atomique, – que nous nous larguons nous-mêmes sur nous-mêmes. Lorsque Macron-Morpion nous promet que nous la reconstruirons à temps pour les JO, “plus belle encore qu’elle ne fût” (texto, ton très grave, extrêmement solennel, genre Serment de Tobrouk de BHL : « Nous la rebâtirons plus belle encore d’ici cinq ans »), un frisson d’angoisse sarcastique coule le long de mon échine. L’appel d’offre lancé pour la “restauration” ne va certes pas manquer de tomber dans les mains d’architectes-artistes divers, faiseurs de tours qataries et conseilleurs-ornementeurs venus de l’Art Contemporain pour placer des faire-valoir dont cette vieille guimbarde à bénitier a bien grand besoin, dans le genre de celui qui illumina un temps la Place Vendôme, le bien-dit/bien-pensant et là où il faut, Plug-anal. Et vous verrez que les clercs de notre néo-clergé parisien, qui soutient à fond l’A.C. jusqu’à le sacraliser, jubileront à cette idée, soutenu par les homélies-rock du néo-Pape Bergoglio-Ier. 

(Parmi toutes les réactions après l’incendie de Notre-Dame, celles qui m’ont le plus indisposé, dans le sens gastrique du terme, ont été celles de divers membres du clergé ; mielleux, postmoderne au-delà de tout et en même temps très-“Salut-les-Copains” comme dans les années 1960 dont le débridement est pour beaucoup paraît-il dans le relâchement des mœurs, à la fois retape sans le moindre frein, incroyablement œcuménique à 360°, eux aussi tellement rock’n’roll. Le clergé tel qu’en lui-même, je veux dire le médiatique et le si complètement “ouvert sur le monde”, est devenu aussi insupportable que la bande à Macron-Morpion.)

Ainsi ai-je été tristement conduit à penser qu’une réaction totale, – plus dans le sens d’absolue que de totalitaire qui est réservée à nos clercs et à nos officiants célébrant le Système, – était la seule possible devant le terrible dilemme que nous offre Notre-Dame dévastée. Rien ni personne dans le personnel de service, couronné par Macron-Morpion et messe servie par Apathie-Zombie, rien absolument ne peut nous restituer l’esprit d’une pierre ou d’une flèche d’une cathédrale de ce Temps des Cathédrales. Le seul hommage que l’on puisse rendre à ce signe venu plutôt du Haut des Temps que du fond des Temps, c’est d’honorer le souvenir qu’évoquent les ruines que notre époque catastrophique a engendrées comme l’on engendre un avorton monstrueux.

Cela bien sûr ne sera pas fait, mais je tenais à y faire songer comme l’on médite devant un symbole ; car d’ici à ce qu’ils terminent la start-up Notre-Dame 2.0, tant de choses se seront passées que je n’ose penser à toutes ces choses qui ne se seront pas passées, – par exemple et possiblement, leur restauration-sacrilège. D’ici là, Macron-Morpion aura épousé en secondes noces sa dame de compagnie, sa logeuse ou sa nounou, ou Lili-Marlène Shiappa, et nous connaîtrons enfin le pot-aux-roses : ce jeune homme aurait bien voulu être, un jour dans tous les cas, un seul jour dans sa vie, même par inadvertance, – il aurait tant aimé être président de la République… « Faisons un rêve », disait Sacha, qui me manque tant, à peu près autant que Charles Péguy et que le très Saint-Roi Louis IX, dit Saint-Louis.

… Allons, je plaisantais sûrement, il ne se peut, tout de même c’est de Notre-Dame que nous parlons et dont ils parlent. Il se fait tard, et tout cela n’était qu’un mauvais rêve.