Sierra en Floride

Bloc-Notes

   Forum

Il y a 2 commentaires associés à cet article. Vous pouvez les consulter et réagir à votre tour.

   Imprimer

 1433

Sierra en Floride

Les informations qu’avait diffusées la publication en ligne Washington Free Bacon en août dernier, sous la plume de Bill Gantz, sur l’incursion d’un sous-marin russe de type Akula dans le Golfe du Mexique, devraient bien être perçues désormais comme très largement crédibles, avec la présence de deux navires de guerre russes, dont un sous-marins de classe Sierra, au large de la côte de Floride, durant l’ouragan Frankenstorm, plus généralement et officiellement nommé Sandy. (Pour l’équipée de l’Akula, voir notamment le 17 août 2012 et le 22 août 2010, sur ce site.)

Bill Gantz détaille le cas des deux navires russes le 5 novembre 2012, également sur le site du Washington Free Bacon. On voit que les affirmations de Gantz sont cette fois largement appuyées sur des déclarations d’officiels du Pentagone, avec des précisions sur l’abri fourni à l’une des deux unités, un navire de surveillance électronique, dans un port de Floride, durant l’ouragan.

«One defense official said the submarine was believed to have been conducting anti-submarine warfare efforts against U.S. ballistic and cruise missile submarines based at Kings Bay, Georgia. A second official said the submarine did not sail close to Kings Bay and also did not threaten a U.S. aircraft carrier strike group that was conducting exercises in the eastern Atlantic. […]

»Meanwhile, the officials also said that a Russian electronic intelligence-gathering vessel was granted safe harbor in the commercial port of Jacksonville, Fla., within listening range of Kings Bay. The Russian AGI ship, or Auxiliary-General Intelligence, was allowed to stay in the port to avoid the superstorm that battered the U.S. East Coast last week. A Jacksonville Port Authority spokeswoman had no immediate comment on the Russian AGI at the port.

»“A Russian AGI and an SSN in the same geographic area as one of the largest U.S. ballistic missile submarine bases—Kings Bay—is reminiscent of Cold War activities of the Soviet navy tracking the movements of our SSBN’s,” said a third U.S. official, referring to the designation for ballistic missile submarines, SSBN. “While I can’t talk about how we detected it, I can tell you that things worked the way they were supposed to,” the second official said, stating that the Russian submarine “poses no threat whatsoever…»

La nouvelle est reprise par Russia Today, qui avait déjà suivi avec attention les informations sur l’Akula, en août dernier. Le 6 novembre 2012, un article de RT reprend les informations de Gantz. (RT semble faire une confusion entre la présence des deux navires, telle que la rapporte Gantz, et une version selon laquelle le Sierra aurait été reconverti en navire AGI, et aurait trouvé lui-même, et lui seulement par conséquent, un abri dans un port da la côte de Floride. («Defense officials say that a nuclear-powered Russian attack submarine sailed to within 200 miles of the United States last week and was granted safe harbor as Superstorm Sandy struck the East Coast.»)

Les faits eux-mêmes, de même que les unités engagées telles qu’elles sont décrites, ne nous semblent en aucune façon présenter un caractère stratégique fondamental, ni même fondamentalement nouveau dans l’arrangement général théorique du déploiement des forces. Par conséquent, les dispositions stratégiques prises par les Russes, qui sont illustrées par les incidents ainsi décrits, ne sont pas elles-mêmes d’un “caractère stratégique fondamental”. C’est dans un autre champ, qui est celui du système de la communication, qu’il faut chercher l’importance de ces évènements et leur impact “stratégique” rendu plus impératif par la divulgation publique de la chose, – bien que cette divulgation soit extrêmement modérée, justement du point de vue de la communication, – mais elle existe désormais, d’autant qu’elle est répercutée internationalement par RT, et c’est là ce qui compte. (On observera une fois de plus combien, à cet égard, le domaine stratégique, et la géostratégie par conséquent, sont dépendants de la perception que véhicule le système de la communication, donc du domaine de la communication.)

Les incidents décrits ici rendent publique l’existence, – ou plutôt la résurgence, ce qui est plus juste et plus significatif, – d’une stratégie d’affirmation de puissance de la Russie directement destinée aux USA. Le sous-marin type Sierra, quelle que soit la puissance qu’il représente, était à 200 miles des côtes US, et dans la zone d’une manœuvre importante de la Flotte (US) de l’Atlantique. C’est une confirmation in vivo, après l’incident de l’Akula, de la stratégie russe pour ler temps présent. C’est un dispositif “de guerre froide” qui n’a aucune spécificité politique particulière ; ce n’est pas une résurgence de la guerre froide mais simplement l’évidence que la posture de puissance de la Russie face aux USA qui n’ont cessé d’affirmer leur propre posture stratégique agressive rejoint la posture soviétique de la guerre froide selon le constat qu’aucun autre déploiement stratégique n’est possible à cet égard que celui d’une présence stratégique “rapprochée” de la masse continentale US. L’important à cet égard est de voir les causes de cette “résurgence” qui n’est que d’ordre technique : ces causes sont, elles, politiques, et elles tiennent sans le moindre doute à la dynamique agressive et belliciste des USA alimentant une réaction stratégique russe.

Les réactions officielles du Pentagone, puisqu’il y en a cette fois, sont de chercher à complètement dédramatiser l’affaire en la présentant comme une circonstance de routine. Cela fait partie de la “politique” du Pentagone, qui est d’écarter toute dramatisation des situations stratégiques, particulièrement avec la Russie. Cela n’empêche pas les faits d’exister, et ces faits de devenir une nouvelle (une confirmation) stratégique importante sur l’évolution des relations stratégiques entre les USA et la Russie, du point de vue russe. Les événements de communication qui ont eu lieu ne permettent plus de dissimuler ce facteur nouveau des relations internationales. Ce facteur est moins une volonté d’affirmation de puissance de la Russie que la concrétisation de la préoccupation russe de la politique belliciste et agressive des USA, activée et poursuivie par sa direction politique.


Mis en ligne le 8 novembre 2012 à 06H26

Donations

Nous avons récolté 1425 € sur 3000 €

faites un don