Notes sur l’Iran, la CIA, l'ONU et Macron

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Notes sur l’Iran, la CIA, l'ONU et Macron

07 janvier 2018 – Les remous en Iran à la fin 2017-début 2018, – on ne peut parler de “crise“ pour l’instant, – ont débuté dans la discrétion ; puis ont donné lieu à une grande agitation indignée essentiellement de la part des USA bien entendu ; puis à une réunion “d’urgence” du Conseil de Sécurité à la demande, toujours, des USA pour “condamner” l’Iran, qui s’est révélée comme un remarquable “flop” (pour les USA), et où on a remarqué la position de la France qui a pris nettement ses distances vis-à-vis du comportement US. Pendant ce temps, l’intérêt sur la situation sur le terrain s’est brusquement tari tandis que les autorités iraniennes assuraient que le calme se rétablit et que les manifestations actuelles vont effectivement dans le sens du calme puisqu’elles ont pour but de soutenir le gouvernement/le régime. L’épisode est suffisamment intéressant pour qu’on s’y attache dans le détail et dans ses divers aspects, et pour ébaucher quelques enseignements.

D’abord, on s’attache à une version de la séquence en général, à partir d’une intervention de l’historien libertarien Michael S. Rozeff dans un texte détaillé, s’appuyant notamment sur les déclarations du Procureur Général iranien Mohammad Jafar Montazeri le 4 janvier. (Nous reprenons ici l’introduction au texte de Rozeff et le texte lui-même, déjà publiées le 6 janvier. Ainsi mettons-nous plus aisément en situation les commentaires que mérite ce texte.)

Rozeff décrit la possibilité, ou plutôt la probabilité selon lui, de l’intervention de groupes subversifs du bloc-BAO dans les manifestations contre le régime en Iran. La CIA est mise en cause directement par Montazeri, d’une façon détaillée que Rozeff juge “extraordinaire” et qu’il n’est pas loin de reprendre entièrement à son compte. Il est intéressant de s’intéresser à ce texte publié le 5 janvier 2018 sur le fameux “blog” libertarien de LewRockwell.com, que nous donnons ci-dessous, parce qu’il est précisément argumenté, qu’il est mis en situation par des faits connexes et révélateurs, que les déclarations de Montazeri sont appréciées d’une façon rationnelle, disons comme “raisonnablement très crédibles”, sans céder une seconde à quelque signe que ce soit de l’hystérie et des apriorismes de type-suprémaciste qui entoure d’habitude les écrits des commentateurs US lorsqu’il s’agit de l’Iran.

(Combien de commentateurs US prennent en compte, lorsqu’il s’agit de l’Iran et de ses relations avec les USA, les dévastations interventionnistes, illégales et terroristes, des USA dans ce pays, au moins depuis le coup d’État CIA-MI5 contre Mossadegh de 1953 ? Il semblerait, à les lire, que l’histoire des relations USA-Iran commence à la prise par des évidemment-“méchants” de 53 otages de l’ambassade US, en novembre 1979 à Téhéran.)

Le texte de Rozeff est d’autant plus intéressant que l’historien libertarien a toutes les qualités et les connaissances requises pour intervenir sur ce sujet et dans ce domaine. Il ne le fait en général pas dans la mesure où il est d’abord un historien et que les commentaires d’actualité qu’il publie tout de même concernent surtout la situation politico-culturelle actuelle des USA, dans cette crise intense qu’on lui connaît. (Plus précisément, même si Rozeff est un accusateur permanent du complexe de sécurité nationale des USA, dont la CIA bien sûr, il n’est absolument pas coutumier des détails un peu “complotistes” des “coups tordus” [“dirty tricks”] de la CIA.) Nous en déduisons que les éléments dont il dispose, dont certains n’apparaissent peut-être pas, sont très sérieux, très solides, renforçant par conséquent la crédibilité qui nous paraît très grande de ce texte.

Lorsque nous précisons à propos “des éléments dont il dispose” que “certains n’apparaissent peut-être pas”, nous pensons à des interventions de sources extérieures dont disposerait Rozeff, qui l’auraient averti dans le sens de la version qu’il développe, l’assurant du crédit de toutes ces précisions. L’on sait bien notre position qu’aujourd’hui où les petites mains de la communication ne cessent de parler de FakeNews sans rien savoir de la réelle problématique du problème, on doit tenir pour assuré le fait que toutes les informations nécessaires à la compréhension acceptable et convenable des affaires du monde sont disponibles en “sources ouvertes” (OSINT) ; que le classified qui justifie l’existence de monstres tels que la CIA est en vérité lui-même le producteur ou l’inspirateur essentiel des FakeNews ; que le véritable problème est de déterminer la qualité et l’importance des informations-OSINT relativement au contexte, aux causes et aux effets. Nous pensons que Rozeff dispose pour son texte de garanties sérieuses à cet égard...

Cela justifie donc de (re)donner ce texte dans son entier, en traduction/adaptation françaises. Nous ferons ensuite quelques commentaires qui le complèteront dans le cadre de ces Notes d’analyse.

« L’Iran accuse la CIA en détails

« Le Procureur Général iranien a accusé la CIA d'être à l'origine des troubles récents en Iran. Le détail des accusations est extraordinaire. La crédibilité de ses déclarations doit être évaluée et cela nécessite de citer en préliminaire un arrière-plan et un contexte, ci-après.

» La théorie selon laquelle les États-Unis ont orchestré ou provoqué ou détourné les manifestations en Iran est compatible avec un certain nombre de faits importants. Ces manifestations profitent au gouvernement américain, s'inscrivant dans l’attitude anti-iranienne connue et les politiques de Trump, de McMaster et d'autres. Nous savons que Pompeo, le chef de la CIA, est agressivement anti-iranien. Même des manifestations ratées ont des avantages importants pour les États-Unis. Elles placent l’Iran sur la défensive. Elles fournissent une couverture aux États-Unis pour introduire de nouvelles sanctions. Elles justifient implicitement la démarche de tenter de saboter l'accord nucléaire. Elles justifient beaucoup, beaucoup de montages de critiques nouvelles contre l’Iran et le Hezbollah. Elles fournissent une couverture pour des assassinats en Iran.

» Toute cette activité anti-Iran concertée est clairement conforme aux désirs de Washington et à son avantage. A cette lumière, les tweets de Trump se transforment “en actions” concernant l’Iran. C'est ce que montre le plan conjoint américano-israélien issu d'une réunion de haut niveau tenue le 12 décembre 2017. Les 4 objectifs du plan sont cohérents avec les manifestations ultérieures que nous avons observées. Même si les manifestations ne sont pas liées à cette planification, les 4 mesures sont suffisamment importantes pour être citées dans leur intégralité car elles montrent la profondeur de l'activité anti-iranienne générée à Washington :

» “1. Une action secrète et diplomatique pour bloquer la voie d’accès de l’Iran aux nucléaires. Selon le responsable américain cité, ce groupe de travail traitera des mesures diplomatiques qui peuvent être prises dans le cadre de l’accord nucléaire iranien pour surveiller et vérifier que l'Iran ne viole pas l’accord. Il comprend également des mesures diplomatiques en dehors de l’accord nucléaire pour renforcer la pression sur l’Iran. Le groupe de travail traitera des éventuelles mesures secrètes contre le programme nucléaire iranien.

» 2. Contrer l'activité iranienne dans la région, en particulier l’effort militaire iranien en Syrie et le soutien iranien au Hezbollah et à d'autres groupes terroristes. Ce groupe de travail s’occupera également de mettre au point la politique américano-israélienne concernant la situation du “lendemain de la guerre civile syrienne”.

» 3. Contrer le développement des missiles balistiques iraniens et le programme iranien visant à fabriquer des missiles guidés de précision en Syrie et au Liban pour les fournir au Hezbollah qui les utiliserait contre Israël dans une guerre future.

» 4. Préparation conjointe des États-Unis et d'Israël pour différents scénarios d'escalade dans la région concernant l'Iran, la Syrie, le Hezbollah au Liban et le Hamas à Gaza.”

» L'administration Obama a retiré le MEK de sa liste de terroristes en 2012. (L'Organisation des Moudjahidin du peuple d'Iran ou le Mojahedin-e Khalq [Sāzmān-e mojāhedin-e khalq-e irān, en abréviations MEK, OMPI ou OMK] est “une organisation militante iranienne en exil qui prône le renversement violent du régime actuel en Iran, tout en prétendant être le gouvernement remplaçant en exil”.) Le gouvernement américain a soutenu matériellement le MEK, y compris “en autorisant un entraînement intensif ... de membres du MEK sur le sol US”. Le MEK est accusé de nombreux assassinats en Iran. Les membres du MEK sont de très probables candidats au détournement de manifestations par ailleurs pacifiques, se trouvant sur place et ayant déjà des liens opérationnels avec le gouvernement des États-Unis.

» Maintenant, revenons aux accusations du procureur public iranien Mohammad Jafar Montazeri. Il dit que trois États sont impliqués dans le complot contre l'Iran : Israël, les États-Unis et l'Arabie Saoudite. Cette accusation est conforme à leurs politiques connues.

» “Montazeri a déclaré que le principal exécutant du plan était un Américain, Michael Andrea, un [officier] de la CIA anciennement chargé de la lutte contre le terrorisme, qui a formé le groupe pour créer des troubles en République islamique d'Iran.” Wikipédia nous dit que “Michael D’Andrea est un officier de la Central Intelligence Agency, récemment nommé à la tête du Centre de Mission de l’Agence en Iran.” En outre, “Il était un opérateur majeur dans la recherche d'Oussama ben Laden, ainsi que dans la campagne d’assassinats par frappe effectuées à partir de drones.” Il est connu pour être “hargneux”, super-faucon, agressif. Sa nomination, en juin dernier, à la tête des forces clandestines anti-iraniennes constitue un signal clair que Trump commençait sa propre guerre contre l’Iran. D’Andrea recevait le feu vert pour agir.

» Montazeri a déclaré que le complot est né il y a 4 ans et a été surnommée “Doctrine Convergence-Consensus (Consensus Convergence Doctrine). Pour moi, cela est une formulation convaincante du genre de dialectique bureaucratique imitée du latin, typique de la bureaucratie washingtonienne.

» Il a déclaré que cette équipe a élaboré “divers scénarios tels que la protestation contre le coût élevé de la vie, les salaires et les retraites insuffisants”. D’autres précisions données par Montazeri : “D’autres groupes illégaux tels que le MKO, des groupes soutenant le régime monarchique déchu, des nationalistes et divers groupes affiliés aux communistes étaient représentés dans ce complot.”

» “Ils avaient envisagé deux modèles, la Tunisie et la Libye, et ils ont finalement choisi le second qui devait créer des vagues d’agitation évoluant du pourtour vers le centre, a ajouté Montazeri.

» “Ils avaient préparé deux salles de direction des opérations, à Erbil en Irak et à Heart en Afghanistann pour rediriger les groupes de Daech de Takfiri vers ces affrontements, a-t-il dit.”

» Nous n'avons aucun moyen à ce point de vérifier l'exactitude de ces déclarations de Montazeri. Pour moi, elles semblent cohérentes entre elles et plausibles pour ce qui concerne le modus operandi d’une telle opération. (Ces déclarations sont sans doute une traduction, ce qui peut laisser passer quelques nuances ou approximations.)

» Si l’on confronte les accusations de Montazeri avec l’attitude de Trump envers l’Iran, la nomination d’Andrea, le plan conjoint américano-israélien, les avantages pour Washington même si le soulèvement est manqué, et la musique de communication instantanée de Washington en soutien des manifestations, elles me semblent tout à fait crédibles. Le plan ressemble à quelque chose qui aurait pu avoir une gestation de 4 ans, qui a reçu de Trump le feu vert qu'il n'avait pas obtenu sous Obama.

» Fournir ce niveau de détail est un moyen pour l'Iran de faire savoir à la CIA qu’il sait ce qui se passe et qu’il n’en est nullement effrayé. C’est aussi un moyen de renforcer la crédibilité du scénario du gouvernement iranien selon lequel les ennemis de la révolution fomentaient les manifestations dans leur détournement vers une dimension de violence provocatrice. »

La “révolution de couleur” a le teint pâle

Nous avons donc, pour diverses raisons que nous avons mentionnées, déterminé l’attitude de juger ce texte pour le moins “sérieux”. Nous pouvons maintenant l’apprécier d’une façon critique, essentiellement du point de vue des supputations qu’on y trouve, et prolonger certains de ses aspects. Ces critiques concernent l’hypothèse (qui semble être rencontrée) d’un échec de la tentative d’un “soulèvement populaire” avec conséquences, et des “avantages importants” qui seraient recueillis par les USA même dans ce cas spécifique...

« Même des manifestations ratées ont des avantages importants pour les États-Unis. Elles placent l’Iran sur la défensive. Elles fournissent une couverture aux États-Unis pour introduire de nouvelles sanctions. Elles justifient implicitement la démarche de tenter de saboter l'accord nucléaire. Elles justifient beaucoup, beaucoup de montages de critiques nouvelles contre l’Iran et le Hezbollah. Elles fournissent une couverture pour des assassinats en Iran. »

Pour nous, ces divers actes internationaux illégaux (les sanctions), de subversion et de terrorisme de la part des USA, ou des forces sponsorées par les USA, qu’évoque Rozeff, n’ont nul besoin d’une “couverture” posée sur eux pour être eux-mêmes posés. Ils le sont d’une façon régulière depuis des années, et la seule limitation à cet égard est l’incapacité de ces forces subversives à parvenir à un résultat décisif. Les USA poursuivent une politique de complète illégalité, de violation permanente des souverainetés, etc., et l’on ne voit pas en quoi l’argument “moral” d’un pseudo-“mouvement populaire” qui aurait échoué à cause d’une pseudo-“répression d’un régime terroriste” donnerait plus de “liberté” à une politique totalitaire qui se déploie depuis de nombreuses années en toute “liberté”, sans le moindre souci de la légalité internationale, en utilisant des organisations terroristes comme les USA ont pris l’habitude de faire depuis des décennies.

Pour conclure sur cet aspect des choses, on observera que si effectivement le mouvement s’essouffle comme la direction iranienne le décrit actuellement et si l’hypothèse de Rozeff sur l’action subversive est fondée, il s’agira bel et bien d’un échec pour la politiqueSystème de regime change et de “révolution de couleur”. On mesurera le silence complet qu’observe en général la presseSystème pour l’actuelle situation en Iran, et pour toutes ces hypothèses qu’on a évoquées et qu’il est fondé d’étudier de près. Il est vrai que le silence et l’actualité caviardée jusqu’à la page blanche (ou entièrement barrée de noir, comme font les censeurs officiels) est le meilleur moyen d’éviter les FakeNews.

Les Iraniens ont-ils laissé faire ?

Dans les hypothèses évoquées notamment par Rozeff, si on les accepte effectivement, se pose la question de l’attitude des Iraniens. On se souvient que le mouvement de contestation a semblé prendre tout le monde par surprise, y compris les autorités iraniennes, et pendant 3 ou 4 jours où il est resté cantonné à des slogans économiques et sociaux il n’a guère suscité de réactions de ces autorités.

S’ils avaient connaissance de l’existence de ces plans de la CIA, pourquoi les Iraniens ne sont-ils pas intervenus plus rapidement ? On peut avancer sans trop y croire l’explication improbable qu’ils n’étaient pas encore au courant. (Cela supposerait qu’ils l’ont appris depuis, ce qui implique la capture de personnages importants de l’opération, ou bien l’information transmise par des services étrangers : bien qu’on ne puisse pas repousser de telles explications, notre sentiment et qu’elles sont très improbables.)

Reste alors à envisager que les Iraniens étaient au courant, qu’ils ont laissé faire jusqu’à la politisation du mouvement et la montée de son importance, pour pouvoir effectivement dévoiler le plan de la CIA après en avoir laissé faire la démonstration. L’avantage est autant d’“avertir” la CIA (« Fournir ce niveau de détail est un moyen pour l'Iran de faire savoir à la CIA qu’il sait ce qui se passe et qu’il n’en est nullement effrayé. ») que de dévoiler d’une façon officielle les agissements subversifs US pour convaincre certains pays de la dangerosité de la politique US.

La France en rupture de “tradition”

... Pour exploiter l’une des sous-hypothèses d’hypothèse et nous donner une excellente transition, lorsque nous nous interrogions sur la possibilité qu’un SR étranger ait donné quelques informations aux Iraniens, pourquoi cette sous-hypothèses ne concernerait-elle pas la DGSE par exemple ? Excellente sous-hypothèse, mais essentiellement, répétons-le, pour faciliter la transition dans notre texte. En effet, dans l’affaire iranienne, à côté de l’interrogation explorée par Rozeff, à côté d’une situation sur le terrain, dans son effet et sa présentation dans la presseSystème, passée d’une effervescence extrême pendant 3-4 jours à une étonnante discrétion sinon une complète absente y compris de supputation, il y a l’intérêt d’une évolution, – conjoncturelle ou structurelle c’est selon, – dans la position française par rapport à la “tradition” des deux présidences précédentes d’un suivisme aveugle des positions américanistes. (Il y a bel et bien rupture mais aucune assurance que cela dure.)

C’est d’abord Macron qui nous dit quelques mots mercredi dernier, dont on n’a pas fait grand cas dans la presseSystème où les possibles changements significatifs par rapport à la politiqueSystème font l’objet d’un commentaire fortement structuré autour du non-dit gêné, du silence respectueux, à côté des phrases dites par le président qu’il faut bien citer. L’intérêt de la chose est bien que les paroles de Macron mercredi se sont traduites vendredi par un discours de l’ambassadeur Delattre à l’ONU, qui a défini une position française plutôt critique de l’aventurisme américano-israélo-saoudien.

Il est inutile de conjecturer sur ce cas, il suffit de rapporter, de sources vertueuses-Système et au-dessus de tout soupçon, ces deux interventions françaises, mercredi et vendredi.

• Mercredi, selon le rapport qu’en fait Europe 1 : « Toujours décidé à se rendre à Téhéran, malgré l’annulation de la visite préparatoire que devait effectuer vendredi son ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, le chef de l'État a expliqué, en marge des vœux à la presse, qu'il fallait “accroître la pression internationale sur l'Iran” mais ne pas “rompre les discussions“.

» Car “ce qui est en train de se jouer, sinon, est qu'on est en train de subrepticement reconstruire un ‘axe du mal’. On voit bien le discours officiel qui est porté par les États-Unis, Israël, l'Arabie Saoudite, qui sont nos alliés à de nombreux égards : c'est quasiment un discours qui va nous conduire à la guerre en Iran”, a-t-il dit. “On est en train de reproduire la stratégie délibérée de certains. Il est très important que, nous, on préserve les équilibres dans ce contexte”, a-t-il affirmé. 

» “Il faut une stratégie régionale qui consiste à regarder comment limiter l'action iranienne” dans la région. “Mais si nous rompons toute discussion, le risque est d'aller jusqu'à des éléments de conflit d'une brutalité extrême", a-t-il insisté, répondant aux questions de journalistes après un discours devant plusieurs centaines d'entre eux. Le préalable à sa visite à Téhéran est “un retour au calme, respectueux des libertés. Rien n'est envisageable” dans le contexte actuel, a-t-il ajouté. »

• Vendredi, à l’ONU, cette fois selon Le Monde : « Du côté européen, les prises de position ont aussi montré des divisions. Si le Royaume-Uni a jugé tout à fait légitime une réunion du Conseil de sécurité sur l’Iran, la France s’est montrée beaucoup plus prudente. Cette semaine, le président Emmanuel Macron avait plaidé la modération et mis en garde contre un risque de “guerre” si les discours belliqueux venus des Etats-Unis, d’Israël ou d’Arabie saoudite se poursuivent.

» Vendredi, son ambassadeur à l’ONU, François Delattre, a souligné qu’il fallait observer de la “vigilance” pour la liberté d’expression en Iran. Mais il ne faut “pas d’instrumentalisation” de cette situation “de l’étranger”. Cette approche mesurée a été partagée par la Suède et le Pérou, autre nouveau membre non permanent du Conseil. »

La position française a été notée ici et là à l’étranger, essentiellement aux USA, mais là aussi sans précipitation excessive. On peut citer par exemple ZeroHedge.com du 4 janvier 2018 : « Et il semble que l'Iran ait au moins une voix occidentale de soutien à son argument selon lequel la rhétorique des Etats-Unis et de ses alliés aggrave inutilement et dangereusement la situation. Mercredi, le président français Emmanuel Macron a fustigé les déclarations de Washington et d'Israël, déclarant devant les journalistes : “La ligne officielle suivie par les Etats-Unis, Israël et l'Arabie Saoudite, qui sont nos alliés à bien des égards, est presque celle qui nous mènerait à la guerre”. »

Trump, éclaireur de génie (stable)

Tiuys comptes faits, il s’agit d’un épisode, ou un pic paroxystique, très intéressant, et finalement absolument inédit, de la situation crisique autour de l’Iran qui dure en tant que telle depuis le début de 2005. (En janvier 2002, GW Bush avait mis l’Iran dans les trois de l’“Axe du Mal”. Le 19 février 2005, en visite à Bruxelles, GW déclara à propos de l’Iran et de son supposé programme de développement nucléaire, « Toutes les options sont sur la table ». C’était la première fois qu’était, officiellement quoiqu’implicitement, évoquée l’option d’une action militaire contre l’Iran.)

Jusqu’ici, tous les épisodes paroxystiques, – il y en eut surtout en 2006-2008, – se déroulaient dans un ordre relatif à l’intérieur du désordre de ces séquences. Les USA menaient la danse et tout le monde suivait, sans rechigner mais également sans intervenir. Tout se mettait en place selon l’ordre habituel au désordre général, avec la Russie et la Chine réticentes mais sans plus et les véritables oppositions au sein de la hiérarchie militaire US (pour la plupart des cas, l’U.S. Navy). Bien entendu, l’arrivée d’Obama enchaînant sur les négociations jusqu’à l’accord nucléaire ont rompu ce cycle mais, à cause de l’arrivée de Trump, elles n’ont pas dissous l’aspect crisique de la situation. Par contre, ce que révèle ou plutôt nous confirme le pic paroxystique où nous sommes, ou que nous avons vécu s’il est terminé, c’est l’extraordinaire désordre où se trouve aujourd’hui plongée une situation générale jusqu’alors dominée par la politiqueSystème et la soi-disant “volonté de puissance“ US. De “volonté de puissance”, les USA ne sont plus capables ni de l’exprimer, ni de la suivre plus de deux jours : lorsque l’affaire iranienne est venue devant l’ONU, plus personne n’en parlait aux USA puisqu’on avait zappé à Washington, passé à Fire & Fury, le livre de dénonciation de Trump qui doit faire tomber Trump, qui est écrit par un menteur convulsif dont même le WaPo dit du mal... Qu’importe, nous sommes à “D.C.-la-folle” et en plein “tourbillon crisique” et plus personne n’est capable d’organiser attention et cohérence pour quelque objectif structuré que ce soit. Il est tout à fait possible qu’Andrea et sa bande de mercenaires, s’ils sont intervenus, l’aient fait à partir d’une situation qu’ils n’avaient pas préparée eux-mêmes, et cela voyant que Trump avait commencé à tweeter...

L’escapade de Macron

Par conséquent, on ne s’est pas aperçu non plus que la France a rompu les rangs (et aussi la Suède), parmi la meute du bloc-BAO jusqu’alors ordonnée lorsqu’il s’agissait de l’Iran. Là aussi, dans les rangs du bloc, le désordre est complet et malgré l’incroyable pression du système de l’américanisme (nous parlons de la machine bureaucratique, de la pratique de l’illégalité judiciaire, de chantage financier, etc., bref tous les mœurs des gangsters postmodernes) les fugues et escapades sont devenues possible. L’essentiel du travail, comme toujours, a été accompli par Trump : certes, il fait la politique que les neocons veulent lui voir faire, mais il la fait avec son style et sa méthode, avec son comportement étonnant (actuellement, il explique à “D.C.-la-folle” et au reste du monde qu’il est « un génie stable », au contraire de ce qu’affirme livre Fire & Fury à propos, disons, de sa “crétinerie instable”). Du coup, le discrédit que lui vaut son comportement, se projette sur la politique qu’il développe. Trump est un éclaireur de génie (stable) : sans qu’il le sache, il s’offre en sacrifice, en quelque sorte, pour nous éclairer sur la stupidité et la monstruosité de la politique neocon, donc de la politiqueSystème.

Macron semble à peu près comprendre cela, grosso-modo... Il en profite donc d’une manière qui ne l’engage en rien dans quelque dissidence structurée que ce soit, mais qui ouvre une autre voie où il peut faire quelques pas, – et continuer si, éventuellement, il découvre que les innombrables mines dont on s’imaginait que la puissance US avait parsemé le monde s’avèrent être autant de pétards mouillés qui ne fonctionnent plus depuis longtemps, à peu près comme le F-35 que tout le monde continue à acheter comme zombies à l’abattoir. (De ce côté, la dissidence n’a pas encore été actionnée.) Personne ne s’est vraiment aperçu, – ni à Washington, ni dans les salons-neocons parisiens, – de l’escapade de Macron qui répond bien entendu au simple bon sens et à une information moyenne des actes des uns et des autres ; ce président est bien de son temps du désordre déchaîné et allant en tous sens, depuis 2014-2015, capable du meilleur (le cas iranien) comme du pire (sa croisade anti-FakeNews/anti-RT) selon le sens du désordre...

(Cela signifie que, pour nous, Macron est loin d’avoir trouvé une stabilité d’orientation principielle qui en ferait un grand président, rompant avec la “tradition” des quelques pauvres esprits qui l’ont précédé. Il est loin de “chevaucher le tigre que constitue la politiqueSystème selon « [c]ette belle formule extrême-orientale [signifiant] que, si l’on réussit à chevaucher le tigre, on l’empêche de se jeter sur vous et si, en outre, on parvient à maintenir la prise on aura peut-être raison de lui. »)  

...Effectivement, l’épisode iranien, jusqu’ici, a largement confirmé le caractère complètement chaotique et insaisissable de la situation des relations internationales, ainsi que la dissolution par désintérêt, inattention et narcissisme considérable de l’hégémonie américaniste sur ses sujets pourtant abrutis de soumission comme l’on est dépendant de la drogue. L’attelage n’a plus de rênes, l’avion n’a plus de pilote automatique, l’esprit n’a plus de raison “stable”. Les évènements, bienheureusement, en profitent.

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