Merkel inaugure le G20 à la hache de guerre

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Merkel inaugure le G20 à la hache de guerre

Fin mai, il y avait eu ce que nous nommâmes “le moment Merkel”, lorsque la chancelière, après les réunions de l’OTAN et surtout du G7, furieuse du comportement et des déclarations de Trump, fit des déclarations sonores lors de fa fête de la bière à Munich le dimanche 28 mai. Ainsi Merkel déclara-t-elle d’une façon extrêmement imagée (notre texte du 29 mai 2017) :

« [...L]orsque, rentrée du sommet [G7] en Sicile et venue à Munich pour un discours dans le cadre de la campagne électorale et notamment sur le sujet du Brexit étendu bien entendu aux derniers événements, elle nous annonce (hier) que, “bien entendu nous avons besoin de relations amicales avec les USA et avec le Royaume-Uni, et avec nos autres voisins, y compris la Russie ... [Pour autant,] nous devons nous battre nous-mêmes pour notre propre futur”.

» Pour l’AFP, “Merkel [nous] a avertis que les USA et le Royaume-Uni ne sont plus des partenaires fiables”, tandis que ZeroHedge.com prend la peine de citer une phrase directement en allemand, pour en tirer la substantifique moelle : “die zeiten, in denen wir uns auf andere völlig verlassen konnten, sind ein Stück vorbei”, ce qui donnerait à peu près cette adaptation selon laquelle “les temps où nous pouvions complètement dépendre des autres sont en train de se finir”, assorti de ce commentaire personnel venu  tout droit du [G7] : “J’ai expérimenté la chose durant ces derniers jours”. »

Hier, alors que Trump débarquait en Pologne avant le sommet du G20 à Hambourg, demain et après-demain, Merkel accueillait d’une façon extrêmement chaleureuse à Berlin le président chinois Xi-Jiping, venu en avance du G20 pour des entretiens avec Merkel. « Le sujet dominant était inévitablement le conflit en aggravation accélérée entre les puissances du cœur du monde capitaliste, avec Xi et la chancelière Merkel émettant conjointement de fortes critiques contre la politique US » (selon WSWS.org, qui consacre son texte principal à cette rencontre). Le journaliste du quotidien allemand Die Zeit demanda à Merkel si elle pourrait reprendre et confirmer cette fameuse remarque de la fin-mai, selon laquelle l’Europe ne pouvait plus désormais s’en remettre à son alliance avec Washington. Il y eut cette réponse sans la moindre équivoque et sans le moindre souci d’en atténuer la force : « Oui, exactement dans les mêmes termes. »

Ainsi commence le G20 de l’année 2017, car l’on peut effectivement considérer cette réponse de Merkel comme le mot qui en constitue l’ouverture. Il est absolument remarquable que Merkel, et l’Allemagne par conséquent, n’ont en rien atténué cette première réaction de fin-mai que certains jugeaient un peu excessive par rapport à l’attitude d’habitude prudente de l’Allemagne vis-à-vis des USA. On avait évoqué effectivement dans les semaines suivant cette déclaration de fin-mai un moment d’emportement qui serait certainement atténué par des déclarations et des assurances arrangeantes. Le fait est qu’il n’en est rien, et cela constitue en soi un deuxième événement extraordinaire après celui de la fin mai.

Bien entendu, l’attitude allemande a largement été renforcée par l’attitude chinoise qui, pour certaines raisons similaires mais aussi pour d’autres raisons (le regain de l’attitude belliciste des USA contre la Corée du Nord, contre l’avis de la Chine et de la Russie), rencontre la même hostilité à l’encontre de Washington. Le texte cité de WSWS.org poursuit en se concentrant sur l’attitude chinoise, sur l’entente russo-chinoise à propos de la Corée du Nord, enfin sur les rapports de la Chine avec l’Allemagne (et l’Europe éventuellement) qui permet de revenir sur l’opportunité que cette attitude représente pour inciter les pays européens, et les pays du G20 hors les USA, à réaliser une union contre les USA poutr isoler ce pays au G20...

« Xi arrived in Germany fresh from his summit in Moscow with Russian President Vladimir Putin, where the two leaders agreed on a common policy toward North Korea at odds with Washington’s. Xi published a comment in the German media titled “To Make the World a Better Place,” which called for closer German-Chinese strategic ties and implicitly criticized Trump’s “America First” policy.

» The Chinese president wrote that Germany and China should “play a leading role and enhance strategic communication on bilateral relations and major international and regional issues… The G20 needs to stay committed to open development, support the multilateral trading regime with the WTO at its heart, and enable trade and investment to continue to drive global economic growth.”

» At a press conference, Merkel endorsed China’s Silk Road/One Belt-One Road plan to develop a Eurasian infrastructure network to connect China, Russia, the Middle East and Europe. “We believe we would be happy to participate in such projects and hope the bidding process will be transparent,” she said. Merkel highlighted preparations for an investment treaty that could lead to the negotiation of an EU-China free trade zone, as well as greater opportunities for German foundations to work in China after the passage of a new Chinese law on NGOs.

» German and Chinese officials also signed a $22 billion contract for the purchase by China of Airbus jetliners. Amid growing competition between EU and Chinese companies, however, Merkel demanded larger and more favorable trade positions for German firms in China. “We also want to be treated fairly and to have access to markets,” she said. “That is very important for our companies.”

» Thomas Oppermann, the parliamentary group leader of the Social Democratic Party (SPD), demanded that the European powers adopt an even more explicitly hostile line toward US interests at the G20 summit. “If you try to react to Trump with permanent appeasement, that ultimately leads to an erosion of Western values. And already there are little Trumps in Poland and Hungary,” he said. Oppermann also called on Merkel to unify the 19 other states at the G20 against Trump, isolating the United States: “There may also be a good chance to accomplish that,” he said.

» Xi’s visit to Berlin in the lead-up to the G20 summit underscores the breakdown of the international institutions and alliances that have dominated the affairs of world capitalism since the Stalinist bureaucracy dissolved the Soviet Union in 1991. As Washington threatens North Korea with military action that could unleash war with China and Russia, the NATO powers are going into the G20 summit deeply split. The summit is not so much an economic conference as a gathering of rival powers, all seeking to decide with whom they will ally as the prospect looms of a new, horrific global conflict. »

les auspices autant que les augures sont donc extrêmement défavorables, quant à ce sommet du G20, comme si, désormais, toute réunion qui servait d’habitude à resserrer les rangs des uns et des autres selon la dynamique de “la communauté internationale” accordée aux ukases de la globalisation et du bloc-BAO, sert désormais à accroître et à aggraver les divergences. Il y a déjà eu des “parias” dans ces réunions, comme par exemple la Russie par rapport au G8-devenu-G7 à l’occasion de la bouffonnerie ukrainienne, mais beaucoup plus rarement dans le cadre élargi du G20 où il est extrêmement difficile à cause de la diversité des opinions et des positions de parvenir à un antagonisme commun à l’encontre de l’un des vingt. Que l’on tente et que l’on espère y parvenir cette fois, et au détriment des USA que l’on chercherait à “isoler”, voilà qui passe tous les précédents et rend compte de l’extraordinaire situation existant actuellement dans les relations internationales.

Tout cela ne constitue évidemment et en aucune façon une prévision, mais que la chose puisse être envisagée et souhaitée, et en plus dans le chef des Allemands contre les USA, c’est déjà un événement politique qui sort du commun. Il s’agit en plus du même événement qui est soumis à la même ambiguïté due à la position de Trump et à la situation de “Second Civil War” aux USA, déjà évoqué à propos de l’invitation de Macron, acceptée par Trump, pour le défilé du 14 juillet ; dans le citation qui suit, il suffit de remplacer le verbe “inviter” par l’expression “s’opposer à”...

« [E]n invitant Trump, qui invitez-vous ? Le président des USA lui-même, c’est-à-dire le représentant de cette puissance sur laquelle on vous accusera évidemment de vous aligner, sinon de vous soumettre ? Ou bien, l’homme que le Deep State, cette entité maîtresse incontestée de la ligne atlantiste et globaliste, et de la politiqueSystème, essaie à tout prix d’abattre ? Dans ce second cas, vous accueillez un rebelle et vous affirmez votre indépendance vis-à-vis du Deep State, rien de moins... »

Ce rappel permet, pour ajouter un zeste de suspens, de se demander où Macron va se situer dans cette intéressante réunion, entre l’allié privilégié et pratiquement devenue tutélaire sous l’empire du volcanique Hollande, et d'autre part l’invité du 14 juillet sur les Champs-Elysées. Va-t-il lui-même, Macron, se ranger parmi les anti-Trump rameutés par Merkel ou bien jouera-t-il le rôle du voltigeur glorieux, cherchant “en toute indépendance” l’élaboration d’un compromis entre Trump-le-pestiféré et le reste de la bande ?

Quoi qu’il en soit, ce sommet du G20, dont on sait que l’origine est de nature économique, même s’il embrasse toujours des matières économiques, sera l’un des sommets les plus politiques et même les politisés qu’on puisse imaginer aujourd’hui. Il reflète l’état à la fois extraordinairement incertain, extraordinairement ambigu et extraordinairement explosif des relations internationales, particulièrement entre les gentils alliés du boc-BAO. Ce qu’il met déjà en évidence, c’est que les principaux adversaires, – principalement l’Allemagne et les USA, – sont suffisamment soucieux de leurs situations intérieures pour n’avoir aucunement l’ambition de prendre en charge une fonction de leadership qui obligerait l’un ou l’autre à la recherche d’un compromis où il devrait céder du terrain. Comme c’est désormais le cas, l’humeur et la communication la plus expéditive (tweets & Cie) tendent à prendre le pas sur le reste : la détestation qui existe entre Merkel et Trump est un facteur qui, bien qu’il paraîtrait dérisoire en temps normal, joue désormais un rôle considérable dans les affaires internationales. La postmodernité joue désormais à plein et les grandes règles qui ont gouverné le monde durant deux tiers de siècle, y compris l’alignement aveugle et asservi sur les USA, sont désormais l’objet de contestation sans la moindre vergogne.

 

Mis en ligne le 6 juillet 2017 à 12H06