La tragédie autour de la tragédie-bouffe

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La tragédie autour de la tragédie-bouffe

Il y a dans le spectacle de Washington D.C. depuis quasiment deux ans un côté que nous désignons comme “bouffe”, du mot “bouffon”, par les caractères extraordinaires que suscite un simulacre de cette dimension, dans de telles conditions, avec tant de moyens de communication pour en véhiculer les effets et les confronter avec ce que nous nommons des vérités-de-situation. Mais dans l’expression que nous avons dégagée, notamment et plus précisément à cause de ce qui se passe à Washington D.C., il y a aussi le mot “tragédie” : “tragédie-bouffe”, devenu un concept de notre Glossaire.dde.

Maintenant qu’il nous paraît acquis que cette situation est structurelle et non conjoncturelle comme on l’a cru jusqu’à l’élection (une fois l’élection faite, tout rentrera dans un certain ordre selon la référence du fonctionnement du pouvoir de l’américanisme), il est devenu difficile de ne pas penser que ne surviendra pas un moment où la “tragédie” prendra le pas sur son côté “bouffe”, pour devenir une véritable tragédie. Comme d’habitude, mais encore plus que d’habitude, certains signes font penser qu’il existe des éléments qui peuvent favoriser ce passage radical du bouffe à la tragédie, des éléments favorisant d’une part un climat de violence pouvant aller jusqu’à l’affrontement armé ou/et à des situations du type loi mariale, d’autre part un climat de désordre pouvant entraîner des bouleversements considérables de la situation.

Ces circonstances sont destinées à interférer les unes dans les autres, c’est-à-dire influer par la communication sur les psychologies qui sont portées à favoriser de tels événements. Elles sont liées entre elles, aux USA essentiellement mais avec des conséquences globales, particulièrement le bloc-BAO si elles éclatent, par un facteur déterminant qui est la perception de la capacité structurelle du pouvoir politique. Nous parlons moins des facteurs effectifs et identifiables du pouvoir, de la présidence, du Congrès, des partis, de la presseSystème, des centres d’influence divers, etc., – et notamment bien sûr de l’administration Trump, avec ses divisions internes et avec l’opposition féroce qui s’est levée contre elle ; nous parlons essentiellement du déficit gravissime de légitimité et de la perte d’autorité qui en résultent, qui touche toutes les normes et les coutumes du pouvoir central US en général. La conséquence est une perception générale qui ne cesse de grandir de l’extrême fragilisation des structures du pouvoir en général, jusqu’à une déstructuration, une déconstruction de ce pouvoir, voire une dissolution rampante. Ce phénomène étant quasiment en voie d’institutionnalisation, il conduit les psychologies à évoluer de plus en plus vers les extrêmes dans différents domaines, et principalement des domaines qui recèlent des dimensions tragiques.

On comprendra évidemment que ces phénomènes, directement connectés les uns aux autres, interfèrent de la même façon les uns les autres. Ainsi n’a-t-on pas le spectacle de la possibilité d’une seule crise sur laquelle se concentreraient l’attention, mais plutôt la montée parallèle, presque régulière et hors de toute excitation particulière, de la possibilité-devenant-probabilité de plusieurs “crises complémentaires”, là aussi liées les unes aux autres et promises à s’alimenter les unes aux autres. Il s’agit d’un environnement crisique qui est en train de s’établir autour du pouvoir central, à cause de la dégradation de ce pouvoir central, et selon diverses intentions par rapport à ce pouvoir central. Nous parlons pour l’instant de la possibilité de crises, mais cette seule forme de la “possibilité” affecte les psychologies et aggrave les conditions qui peuvent susciter les crises elles-mêmes.

On cite deux exemples qui donnent une idée de l’évolution de cet “environnement crisique” qui se forme autour de la crise profonde du pouvoir central de Washington D.C. Ils apparaissent en plus des signes de fragilisation perceptible depuis plusieurs mois des structures politiques extérieures au pouvoir de Washington D.C., essentiellement les situations évolutives des États de l’Union par rapport au “centre”.

• Le premier exemple concerne l’activité de milices en train de prendre une posture de plus en plus agressive par rapport aux événements entourant l’élection de Trump. D’une façon générale, ce genre d’organisation est plutôt perçue comme étant du côté “populiste”, c’est-à-dire du côté des électeurs de Trump, et jusqu’ici, il n’y a eu qu’un signe sérieux de cette sorte d’événements qui ne concernait d’ailleurs pas des milices à poprement parler mais des associations de  propriétaires et d’utilisateurs de motos qui avaient projeté un rassemblement de plus de 5.000 véhicules pour l’inauguration de Trump, contre de possibles manifestations anti-Trump agressives venant des groupes militants anti-Trump ; l’événement n’avait pas été mené à son terme parce qu’il n’y avait pas eu d’incident anti-Trump notable. La situation est aujourd’hui très différente parce qu’il s’avère qu’une véritable “Guerre Civile“ de communication s’est établie structurellement à Washington D.C., à quoi s’ajoute l’annonce de possibles troubles anti-Trump cet été aussi bien que les difficultés de l’administration Trump à tenir ses promesses électorales..

 ZeroHedge.com rapporte un article de l’Atlanta-Journal Constitution, qui rapporte un climat tendu par rapport aux milices existantes, et un climat qui n’est plus tant de défense de Trump que de désenchantement dans la perspective où il serait perçu que Trump ne tient pas ses promesses de campagne. C’est là le point le plus important, qui diffère radicalement avec l’incident des groupes de motocyclistes plus ou moins activistes : Trump se trouve dans une position typique entre les pressions pour suivre une voie voulue par le Système (ou le Deep State) et celles qui pourraient venir des plus extrémistes parmi ses électeurs mécontents.

« Members of US militias aren’t waiting for Congress and special counsel Robert Mueller to move against the Trump administration. According to the Atlanta Journal-Constitution, militia activity has spiked in the early days of Trump’s presidency, which could be problem for the deep state and Democratic lawmakers who have joined in opposition to the president, and maybe even for Trump himself. 

» An intensifying atmosphere of disillusionment and anger is attracting new members to these groups, which could be a problem for Trump if he fails to adhere to his campaign promises - something that could trigger a backlash from a legion of heavily armed former supporters. “What would concern me is that nobody gets more angry than a fan spurned,” James Corcoran, a professor at Simmons College in Boston who has watched militias closely for decades and has written extensively about the movement, told the AJC... »

• De nouveau, les bruits d’effondrement financier se font très insistants après l’arrivée au pouvoir de Trump où l’on était dans l’expectative dans l’attente de l’amélioration promise ou attendue à cette occasion. Il apparaît de plus en plus que Trump n’a pas changé grand’chose au climat général, et peut-être même qu’il craint lui-même un tel effondrement. Les possibilités d’effondrement redeviennent donc d’actualité et ils sont calamiteux, comme l’observe James Howard Kunstler le 12 juin 2017 :

« And now the rather pathetic false promises of President Trump, the whole MAGA thing, is unraveling at exactly the same time that the financialized economy is entering its moment of final catastrophic phase-change. [...] The accumulated monstrous debts of persons, corporations, and sovereign societies, will be suddenly, shockingly, absolutely, and self-evidently unpayable, and the securities represented by them will be sucked into the kind of vortices of time/space depicted in movies about mummies and astronauts. And all of a sudden the avatars of that wealth will see their lives turn to shit... »

C’est exactement le thème que développe le “légendaire investisseur” Jim Rogers, interviewé par l’éditeur et CEO de Business Insider dans son émission hebdomadaire The Bottom Line, il y a trois jours, à la fin de la semaine dernière. D’où ce dialogue qui permet d’avoir une perception rythmée du jugement de Sanders, où il est question d’un super-super-automne 2008 pour d'ici fin-2017 ou 2018, de l’effondrement de la civilisation occidentale et ainsi de suite... Il va de soi que Rogers parle également de la dette, et il va de soi également qu’un tel effondrement, s’il a lieu, serait bien pire que celui de l’automne 2008, en lui-même à cause des conditions catastrophiques notamment et surtout de la dette, mais aussi parce que le pouvoir politique serait quasiment dans l’impuissance de se rassembler comme il l’a fait en 2008 à cause des divisions terribles qui déchirent et dissolvent actuellement ce pouvoir. (Et l’on doit parler dans ce cas, à cause des effets internationaux d’une telle catastrophe, aussi bien du pouvoir à Washington D.C. lui-même que des relations à l’intérieur du bloc-BAO, entre les divers “alliés”, qui sont aussi mauvaises aujourd’hui qu’(elles étaient acceoptables il y a neuf ans.)

Le vote de la Chambre des Représentants très réticente, du tout début octobre 2008 pour une aide d’urgence aux banques (le “plan Paulson”), n’avait été obtenue qu’à cause de la menace de l’instauration de la loi martiale en cas d’échec de ce vote. Aujourd’hui, il est extrêmement probable qu’un effondrement financier conduirait directement à l’instauration de la loi martiale et à l’intervention de l’armée pour maintenir l’ordre et l’effort financier qui est fait actuellement pour empêcher le départ de soldats en fin de contrat (des bonus jusqu’à $90.000) est perçu selon le même point de vue dans la perspective du besoin de disposer de forces conséquentes pour la possibilité d’une telle occurrence de désordre intérieur... De telles perspectives réserveraient leur lot de surprises géopolitiques car les USA seraient obligés de retirer certaines troupes déployées à l’extérieur pour assurer ce qu’il resterait d’ordre intérieur.

Voici le dialogue Bodgers-Rogers...

Blodget: One of the things I’ve always admired about you as an investor is that you don’t talk about what should be. You figure out what is going to be and then you do that. So what is going to be with respect to the stock market? What’s going to happen?

Rogers: I learned very early in my investing careers: I better not invest in what I want. I better invest in what’s happening in the world. Otherwise I’ll be broke — dead broke. Well, what’s going to happen is it’s going to continue. Some stocks in America are turning into a bubble. The bubble’s gonna come. Then it’s going to collapse, and you should be very worried. But, Henry, this is good for you. Because someone has to report it. So you have job security. You’re a lucky soul.

Blodget: Well, yeah, TV ratings do seem to go up during crashes, but then they completely disappear when everyone is obliterated, so no one is hoping for that. So when is this going to happen?

Rogers: Later this year or next.

Blodget: Later this year or next?

Rogers: Yeah, yeah, yeah. Write it down.

Blodget: And what will trigger it?

Rogers: Well, it’s interesting because these things always start where we’re not looking. In 2007, Iceland went broke. People said, ‘Iceland? Is that a country? They have a market?’ And then Ireland went broke. And then Bear Stearns went broke. And Lehman Brothers went broke. They spiral like that.  Always happens where we’re not looking. 

I don’t know. It could be an American pension plan that goes broke, and many of them are broke, as you know. It could be some country we’re not watching. It could be all sorts of things. It could be war — unlikely to be war, but it’s going to be something. When you’re watching Business Insider and you see, "That’s so interesting. I didn’t know that company could go broke." It goes broke. Send me an email, and then I’ll start watching.

Blodget: And how big a crash could we be looking at?

Rogers: It’s going to be the worst in your lifetime. 

Blodget: I’ve had some pretty big ones in my lifetime.

Rogers: It’s going to be the biggest in my lifetime, and I’m older than you. No, it’s going to be serious stuff. 

We’ve had financial problems in America — let’s use America — every four to seven years, since the beginning of the republic. Well, it’s been over eight since the last one. 

This is the longest or second-longest in recorded history, so it’s coming. And the next time it comes — you know, in 2008, we had a problem because of debt. Henry, the debt now, that debt is nothing compared to what’s happening now. 

In 2008, the Chinese had a lot of money saved for a rainy day. It started raining. They started spending the money. Now even the Chinese have debt, and the debt is much higher. The federal reserves, the central bank in America, the balance sheet is up over five times since 2008. 

It’s going to be the worst in your lifetime — my lifetime too. Be worried.

Blodget: I am worried.

Rogers: Good. Good.

Blodget: Can anybody rescue us?

Rogers: They will try. What’s going to happen is, they’re going to raise interest rates some more. Then when things start going really bad, people are going to call and say, "You must save me. It’s Western civilization. It’s going to collapse." And the Fed, who is made up of bureaucrats and politicians, will say, "Well, we better do something." And they’ll try, but it won’t work. It’ll cause some rallies, but it won’t work this time.

Blodget: And we are in a situation where Western civilization already seems to be possibly collapsing, even with the market going up all the time. Often when you do have a financial calamity, you get huge turmoil in the political system. What happens politically if that happens? 

Rogers: Well, that’s why I moved to Asia. My children speak Mandarin because of what’s coming. 

You’re going to see governments fail. You’re going to see countries fail, this time around. Iceland failed last time. Other countries fail. You’re going to see more of that. 

You’re going to see parties disappear. You’re going to see institutions that have been around for a long time — Lehman Brothers had been around over 150 years — gone. Not even a memory for most people. You’re going to see a lot more of that next around, whether it’s museums or hospitals or universities or financial firms.

 

Mis en ligne le 13 juin 2017 à 15H45