La Chine réclame la réduction du budget… du Pentagone

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La Chine se conduit selon les pures règles du capitalisme le plus pur et le plus dur. Comme le veut ce capitalisme, et notamment aux USA, la souveraineté, l’Etat régalien, ces vieilles choses, valent bien peu de chose. C’est le dollar, le sacré dollar qui règle tout. Alors la Chine, qui a plus de $1.000 milliards en bons de trésor US et donc se trouve être la premières prêteuse à alimenter la dette colossale des USA, tape du poing. Imaginez qu’elle soit à la table du conseil d’administration du formidable consortium Washington-USA, Inc., comme premier actionnaire extérieur, et qu’elle consulte les comptes, et s’écrie, furieuse, à l’adresse des dirigeants de la société : “Ecoutez, vous dépensez trop d’argent en quincailleries militaires, en expéditions pas rentables du tout ; moi, je veux protéger mon investissement, et je veux une société plus rentable, – alors, arrêtez de faire joujou avec la ferraille militariste, sinon... !” (Menaces de retrait des investisseurs, comme on dit à Wall Street...)

…C’est à quoi revient le nouvel argument développé par les médias chinois, qui ne se privent plus de commenter directement, comme s’ils étaient à la table du C.A. de l’imposant consortium Washington-USA, Inc., la politique menée par les dirigeants de cette entité qu’il serait temps de dégraisser un peu tant elle commence à fleurer fort l'usine à gaz. C’est donc dans ce sens que vont les commentaires de la presse chinoise, dont on sait combien elle est prompte à exprimer un point de vue général et officiel… (Sur Yahoo.com, pour Reuters, le 8 août 2011).

«Chinese state media on Monday blamed Washington's huge military spending and global footprint for the crisis that led to the U.S. debt rating downgrade, calling for an end to the foreign “domineering” dragging down its economy. Sharpening their rhetoric over the economic crisis that has sent markets into a tailspin, the Chinese state-run media lambasted both Europe and the United States for the dysfunctions of their democracies and their unsustainable appetite for spending.

»“Since the collapse of the Soviet Union, the United States, as the world's sole superpower, has relied on its powerful military to meddle everywhere in international affairs, advancing hegemony, and paying no heed to whether the economy can support this,” said a commentary issued by China's Xinhua news agency, which noted the heavy bills for America's wars in Iraq and Afghanistan. “Now is the right time for the United States, trapped in economic hardship, to reflect on its domineering thinking and deeds,” said Xinhua, urging Washington to “change its policies of interference abroad.”

»China is spending heavily on its 2.3-million-strong armed forces, returning to a double-digit increase this year. That has stirred unease among its neighbors and the United States, which has long had a presence in the Asia-Pacific region. At about $93.5 billion for 2011, China's defense budget is still dwarfed by that of the United States. In February the Pentagon rolled out a record base budget for fiscal year 2012 of $553 billion, though the Obama administration is now looking to trim military spending.»

Comme on le lit, ces commentaires sont présentés d’une part dans le cadre d’un durcissement de la position chinoise à l’encontre de l’attitude et de la politique du bloc BAO (USA et Europe, principalement) dans la crise financière ; d’autre part, dans le cadre d’une analyse plus précise et plus critique de la politique des Etats concernés, notamment au niveau de leurs dépenses, dans celles-ci étant incluses les dépenses militaires US. C’est avec ce dernier point qu’on en vient au constat que nous faisons d’une interférence directe des commentaires chinois, effectivement comme reflet à peine officieux des analyses de la direction chinoise, dans un des aspects les plus sensibles de la politique du gouvernement fédéral US, qui est le fondement de sa politique de sécurité nationale.

Un autre aspect du commentaire que présente cette dépêche est de passer au domaine d’une comparaison des positions et politiques stratégiques des deux pays (Chine et USA), avec comparaison de leurs budgets militaires. L’approche est alors complètement stratégique. Là encore, nous n’avons pas une explication satisfaisante de cette initiative de communication prise par les Chinois, car leurs critiques n’est manifestement pas stratégique au premier degré (même si des réflexions stratégiques indirectes peuvent en être tirées, ce dont on ne se privera pas). En réalité, l'attitude chinoise est de suivre à fond la logique du Système en général, basée dans ce cas sur la structure de la globalisation et sur les responsabilités partagées qu’implique cette structure. Cela revient à l’image que nous avons présentée en début de ce texte, impliquant que les Chinois, avec leur énorme participation à la problématique de la dette US ; cela revient, pour les Chinois, à dire effectivement que puisque les positions et, dans un sens, les destins US et chinois sont liés par cette énorme interférence financière, et que des deux ce sont les USA qui rencontrent les plus grandes difficultés et mettent en danger la structure générale, les Chinois estiment avoir leur mot à dire sur la façon dont les USA dépensent un argent dont une partie importante est d’origine chinois.

Il s’agit effectivement de la logique de la globalisation poussée jusqu’à son terme, qui peut paraître absurde, surréaliste, etc., – ce qui est d'ailleurs, sans doute selon notre analyse, le but implicite. De ce dernier point, on devrait penser alors que les Chinois n'en sont guère préoccupés ; leur tactique, dans ce cas, serait effectivement de pousser la logique de la globalisation à son terme et, éventuellement, d’en montrer toutes les implications, dont certaines peuvent être fort désagréables pour les USA, eux-mêmes promoteurs de cette politique fondamentale de globalisation. Sur la question même de l’ingérence dans les affaires souveraines des autres Etats, dont les Chinois ont eu beaucoup à subir de la part du bloc BAO, les Chinois renvoient la balle en montrant combien cette politique peut être désagréable, voire dommageable pour ceux qui en ont fait la promotion et qui ne manquent jamais de l’exercer (doctrine de communication dite du “droitdel’hommisme”, avec intervention critique constante chez les autres, voire interventions comme celle de la Libye). Pour eux, il s’agirait d’une sorte de démonstration par l’absurde de la justesse des critiques qu’ils développent contre le Système.

Cette intervention extraordinaire par rapport aux positions et relations internationales traditionnelles est bien, également, une leçon des Chinois sur les conséquences dommageables de la politique de globalisation que le bloc BAO impose au reste du monde. Elle n’est pas non plus absolument gratuite, c’est-à-dire sans effet. Bien entendu, une telle “ingérence”, si elle se confirmait par d’autres interventions, serait dénoncée comme une manœuvre stratégique immonde (cela, bien que les USA, eux, ne se privent pas de critiquer le niveau des dépendes militaires chinoises, – mais ils le font, eux, au nom du droit inaliénable de la “nation exceptionnelle” par essence, dotée de la Manifest Destiny qu’on sait, de fourrer son nez inquisiteur partout où elle le juge nécessaire)… Pourtant, et pour revenir aux relations financières et les Chinois étant les créditeurs qu’on sait, les USA ne peuvent pas complètement ignorer ce que ces créditeurs leur disent. Cela implique un certain malaise, ou un malaise accentué à cet égard, à Washington, concernant la politique budgétaire massive en faveur des militaires, et la politique militariste et interventionniste qui va avec. C’est une belle avancée de l’exposition de la logique du Système, aboutissant à une inversion de ses effets pour ceux qui soutiennent le Système ; c’est-à-dire un constat de plus que, dans tous ses actes et conceptions, le Système finit effectivement par entretenir une dynamique qui prend, directement ou indirectement, par rapport à ses ambitions de surpuissance, une allure d’autodestruction.


Mis en ligne le 10 août 2011 à 11H03

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