Flaubert contre Rastignac et la génération euro-Macron

Les Carnets de Nicolas Bonnal

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Flaubert contre Rastignac et la génération euro-Macron

Des antisystèmes espagnols (voyez le site elmanifiesto.com) ont évoqué les « macroncitos », ces jeunes gens unisexe, BCBG bourgeois, bobos, émasculés et autres, et qui prennent le pouvoir en occident : on a eu Renzi, Macron, Sanchez, Casado, Rivera, les Trudeau, on en aura bien des milliers d’autres. On a eu Medvedev en Russie, connu pour son pro-atlantisme…

Or ces Rastignac de prisunic ont comme tout été créés au dix-neuvième siècle, et par Balzac encore. Et un qui voyait que tout cela, que toute cette adoration du fric, du cul et du pouvoir nous ferait tomber bien bas était Flaubert.

On cite Flaubert :

« Les héros pervers de Balzac ont, je crois, tourné la tête à bien des gens. La grêle génération qui s'agite maintenant à Paris autour du pouvoir et de la renommée a puisé, dans ces lectures, l'admiration bête d'une certaine immoralité bourgeoise à quoi elle s'efforce d'atteindre. »

J’avais cité ces lignes sulfureuses de Z. Marcas de Balzac :

« Juste, que personne n’est venu chercher, et qui ne serait allé chercher personne, était, à vingt-cinq ans, un profond politique, un homme d’une aptitude merveilleuse à saisir les rapports lointains entre les faits présents et les faits à venir. Il m’a dit en 1831 ce qui devait arriver et ce qui est arrivé : les assassinats, les conspirations, le règne des juifs, la gêne des mouvements de la France, la disette d’intelligences dans la sphère supérieure, et l’abondance de talents dans les bas-fonds où les plus beaux courages s’éteignent sous les cendres du cigare. Que devenir ? »

Balzac parlait aussi de la société festive bien avant Muray :

« Après nous être longtemps promenés dans les ruines de Palmyre, nous les oubliâmes, nous étions si jeunes ! Puis vint le carnaval, ce carnaval parisien qui, désormais, effacera l’ancien carnaval de Venise, et qui dans quelques années attirera l’Europe à Paris, si de malencontreux préfets de police ne s’y opposent. On devrait tolérer le jeu pendant le carnaval ; mais les niais moralistes qui ont fait supprimer le jeu sont des calculateurs imbéciles qui ne rétabliront cette plaie nécessaire que quand il sera prouvé que la France laisse des millions en Allemagne. Ce joyeux carnaval amena, comme chez tous les étudiants, une grande misère… »

Mais revenons à Flaubert.

Notre génie ajoute dans sa correspondance :

« J'ai eu des confidences à ce sujet. Ce n'est plus Werther ou St−Preux que l'on veut être, mais Rastignac ou Lucien de Rubempré. »

Ah, le modèle mimétique ! On pense au Descoings de sciences-po décrit par mon amie et condisciple Raphaëlle Bacqué et dénoncé par Drac dans son émission.

Et cela donne sous la plume de Flaubert écœuré :

« D'ailleurs tous ces fameux gaillards pratiques, actifs, qui connaissent les hommes, admirent peu l'admiration, visent au solide, font du bruit, se démènent comme des galériens, etc., tous ces malins, dis−je, me font pitié, et au point de vue même de leur malice, car je les vois sans cesse tendre la gueule après l'ombre et lâcher la viande. Ils s'enferrent dans leurs mensonges, ils se dupent eux−mêmes avec aplomb (c'est l'histoire de Badinguet se payant à lui−même des enthousiasmes).

Quand j'en aurai vu un seul, un seul de ceux−là, avoir gagné par tous les moyens qu'ils emploient seulement un million, alors je mettrai chapeau bas.

D'ici là qu'il me soit permis de les considérer comme des épiciers fourvoyés. »

Balzac remarquait aussi en grand prophète postnapoléonien : « vous appartenez à cette masse décrépite que l’intérêt rend hideuse, qui tremble, qui se recroqueville et qui veut rapetisser la France parce qu’elle se rapetisse. »

Mais Flaubert conclue justement :

« Nous allons encore descendre longtemps dans cette latrine. »