Discours pour une “méthode”...

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Discours pour une “méthode”...

29 septembre 2015 – En guise d’avertissement, ceci : je profite de ce Journal dde crisis pour, une fois de plus sans doute mais chaque fois avec quelque chose de plus je crois, tenter d’expliquer ce qui fait le caractère particulier de ce site.... Voici donc l’entame de la chose, par le bais d’une circonstance plutôt anodine : régulièrement, on retrouve dans le Forum de dedefensa.org des messages portant sur deux thèmes que je qualifierais, dans le meilleur esprit du monde qui caractérise les débats loyaux, des observations-critiques (à la fois une observation, à la fois une critique, c’est-à-dire l’observation pouvant être juste et la critique infondée ou non-recevable) ; je les résume brièvement en prenant le style direct d’un lecteur s’adressant à ce site, et singulièrement à son principal acteur ...

• “Vous ne cessez de répéter que le Système s’affaiblit, qu’il va s’effondrer, alors qu’il est évident que sa puissance est partout, que les USA, qui sont le fer de lance du Système, n’ont jamais autant dominé le monde, qu’ils ne l’ont jamais autant influencé et manipulé, qu’ils n’ont jamais autant agi aussi impunément avec toute leur violence...”

• “Vous ne cessez d’affirmer que l’objectif principal, sinon l’objectif exclusif, est la destruction du Système, mais vous ne dites nulle part comment et par quoi le remplacer...”

Je schématise mais je ne crois pas caricaturer outre mesure, bref je pense restituer la substance de ces deux observations en forme de critiques qui me sont régulièrement adressées. (Pour faire plus simple, je personnalise cette affaire.) Je précise à ce point que les réponses à ces deux observations-critiques se trouvent partout in fine, ou même directement, dans les textes courants de dedefensa.org, et surtout dans le Glossaire.dde. Mais bon, puisque les observations-critiques se poursuivent dans le même sens, je vais tout de même y répondre en ramassant les sujets en un seul jet, en un seul souffle, ce qui n’est certainement pas trahir l’esprit de la chose, et en y ajoutant un complément d'importance en présentant ce qui fonde, pour mon compte, ces réponses.

Il importe d’abord d’accepter l’idée que, quelque part dans la période de temps qui nous sépare, disons depuis 1914-1918, et plus précisément, disons depuis 1989-1991, et encore plus précisément, et déisivement en écartant cette fois toute imprécision, sans aucun doute depuis le 11 septembre 2001, nous sommes entrés dans une époque qui, une fois complétée et constituée (avec 9/11), et elle-même devenue complètement opérationnelle, s’avère absolument et décisivement à la fois différente de tout ce qui a précédé dans l’histoire-Système à laquelle on nous a accoutumés  jusqu’à l’addiction intellectuelle, à la fois sans aucun rapport avec tout ce qui a pu être imaginé par nos esprits encore sous l’empire de cette addiction. Ce préambule signale déjà combien les observations-critiques auxquelles je me réfère sont hors de mon propos, puisqu’effectivement j’adopte résolument cette façon de penser à partir de ma façon d’interpréter la perception qu’il m’est donnée d’avoir des évènements, sans m’en dissimuler une seconde. L’important, pour compléter ce préambule, est que je fais nécessairement du “Système” (comme j’ai baptisé et majusculé la chose pour mon compte), principal sinon exclusif acteur de cette époque, quelque chose qui n’a rien à voir avec tout ce qui a été fait, avec tout ce qui a précédé, etc. ; quelque chose qui n’a rien d’une manufacture humaine ni rien d’imaginable selon la seule raison humaine (particulièrement la “raison scientifique”, y compris celle “des systèmes”) ; quelque chose qui, de ce fait, échappe également dans la perception qu’on en a aux seules conceptions et moyens humains, que ce soit ceux de la raison ou ceux de la passion idéologique. Enfin, pour passer au mode positif (du “ce qu’il n’est pas” au “ce qu’il est”) et en arriver à l’essentiel de la démarche, je fais du Système une entité à finalité non pas morale mais cosmique, et dans cette catégorisation (et non à cause de cette catégorisation) une entité que je juge nécessairement mauvaise, conceptuellement et à partir d’évènements fondamentaux et démontrés pour mon compte dont il est la cause unique ; une entité dont le but ultime en soi est nécessairement mauvais et inspiré par le Mal, à réaliser par les moyens de la déstructuration, de la dissolution et de l’entropisation (formule dd&e) de tout ce qui est forme d’harmonie, d’équilibre et d’ordre.

Il s’agit, pour moi, d’une prémisse de la ligne de pensée que je poursuis, à partir d’une expérience d’observation, de réflexion et, bien entendu d’intuition haute (celle-ci apparue peu à peu), autour des évènements, au moins depuis le début des années 1970, comme chroniqueur et commentateur politique, puis comme historien et éventuellement comme philosophe et métaphysicien, éventuellement comme médecin de la psychologie et poète de la philosophie.

(Il est fondamental de comprendre que toutes ces qualifications n’ont rien à voir avec autant de lauriers que je me décernerais, elles n’ont aucune signification de classement hiérarchique et penser le contraire n’a pas le moindre sens. Elles signalent les domaines où je prétends évoluer ; que ce soit une navigation marquée de génie, de brio, d’habileté, d’utopisme, de maladresse, de ridicule, de mythomanie, de nullité, etc., – selon les jugements qu’on en a, qui font qu’on me lit, qu’on hausse les épaules ou qu’on m’ignore, – voilà une toute autre affaire qui n’a pas sa place ici. Je ne fais que rappeler les règles du jeu auxquelles il faut se plier pour lire mes textes, ou bien il faut jeter ces textes et leurs règles à la poubelle ; mais il n’est pas possible de séparer les unes des autres et prétendre lire et interpréter mes textes avec d’autres règles, disons par exemple et exemple principal avec les règles du jeu de ce que je nomme, avec un certain mépris, l’histoire-Système, – et l’on comprend ce que je veux dire.)

Mais laissons là le Système, dont on dit beaucoup par ailleurs, notamment ici et dans le Glossaire.dde de defensa.org, et passons aux questions. Leur sort sera rapidement réglé. Les réponses que je leur donne partent “opérationnellement” du constat qu’avec 9/11, et après l’intense préparation que j’ai décrite (1914-1918, 1989-1991) à partir de l’événement du “déchaînement de la Matière”, nous sommes définitivement “sortis de l’histoire” ; pas à la façon de Fukuyama, certes pas et même en sens contraire ; lui “sortait” par le bas, le destin a choisi le contraire ; nous sommes “sortis” de l’“histoire-Système“ pour entrer dans “la grande Histoire“, ce que je désigne comme la “métahistoire”. (Il s’agit, pour l’opérationnalité de la transmutation elle-même, d’une idée développée à partir de l’énoncé très judicieux de la remarque sur le « trou dans le continuum spatio-temporel » que Justin Raimondo emploie pour définir 9/11, mais lui pour un tout autre propos que le mien.) A partir de là et pour mon compte règnent les règles du jeu dont j’ai parlé plus haut, ou disons “mes règles du jeu”, et les textes que j’écris sont éventuellement d’un piètre intérêt, et dans tous les cas incomplètement utiles ou interprétés faussement s’il n’est tenu aucun compte de ces règles comme autant de références impératives.

A cette lumière, les observations-critiques classées en deux catégories trouvent rapidement et nettement leurs réponse, et ces réponses doivent s’inscrire dans l’esprit du lecteur pour s’éviter à lui-même des interrogations sans objet, et éventuellement traduites dans des messages avec des observations inutiles et des critiques inutiles... Je ne dis pas sans intérêt, aucun jugement de ma part à cet égard, mais inutiles dans le cadre ainsi tracé.

• “Vous ne cessez de répéter que le Système s’affaiblit, qu’il va s’effondrer, alors qu’il est évident que sa puissance est partout, que les USA, qui sont le fer de lance du Système, n’ont jamais autant dominé le monde, qu’ils ne l’ont jamais autant influencé et manipulé, qu’ils n’ont jamais autant agi aussi impunément avec toute leur violence...” La logique proposée pour répondre est imparable si l’on accepte mes prémisses (mes règles du jeu). La description du Système dont le travail opérationnel exclusif de sa surpuissance est la déstructuration-dissolution aboutit au constat de sa propre structuration de plus en plus importante pour continuer à développer cette surpuissance ; par conséquent, au constat de l’inéluctabilité de sa destruction par lui-même puisque cette surpuissance s’attache exclusivement à la déstructuration et à la dissolution de toutes les structures et qu’elle rencontre bientôt ses propres structures dont l’importance fait un objectif très vite prioritaire. La domination hégémonique, l’influence, etc., sont les ingrédients nécessaires à la destruction du Système et justifient l’équation surpuissance-autodestruction. Les exemples, du gouvernement des USA à l’UE, abondent dans ce sens : leur surpuissance est évidente, et partout vous avez l’impression justifiée que leur hégémonie, leur influence, leur présence partout deviennent de plus en plus molles, malléables, sans réaction, jusqu’à l’incohérence et la confusion totale. (Voyez à quel désordre insaisissable [en Ukraine] a abouti l’attaque directe de la Russie par Ukraine interposée ; ou encore, comment la domination incontestée et arrogante du Moyen-Orient par le Système aboutit à une déroute insensée et totalement incohérente ouvrant toutes grandes les portes à la pénétration des Russes en Syrie et au Moyen-Orient actuellement.) C’est un exercice intellectuel douloureux que d’applaudir à la surpuissance du Système, et pourtant c’est la seule chose possible puisque dans sa surpuissance se trouve, prête à s’exprimer, son autodestruction ; et l’acte antiSystème montre son efficacité en attaquant et en excitant le Système pour qu’ils produisent toujours plus de surpuissance, donc toujours plus d’autodestruction. 

• “Vous ne cessez d’affirmer que l’objectif principal, sinon l’objectif exclusif, est la destruction du Système, mais vous ne dites nulle part comment e par quoi le remplacer...” C’est une évidence mille fois évidente, pour deux raisons : 1) rien d’autre que le Système n’existe qui vaille l’effort judicieusement choisi d’être attaqué, parce que le Système est absolument partout, que rien ne lui échappe jusqu’au point où les antiSystème, nous-mêmes, n’échappons pas, selon des pourcentages divers, à la dépendance du Système ; 2) il est insensé de chercher à imaginer ce qui remplacera ou doit remplacer le Système qui s’effondre sous nos pieds, puisqu’il est notre Tout, que sa disparition bouleversera totalement notre Tout, et que nous disposerons alors d’éléments totalement inexistants et inimaginables aujourd’hui, de psychologies changés à un point également inimaginable aujourd’hui, etc., tout cela permettant de juger de la situation d’une façon complètement inimaginables avant que l’événement soit achevé.

Maintenant, on observera que toutes ces réflexions ne sont justifiées, comme on dirait “en principe” et comme je dirais “en apparence”, par rien d’objectivement acceptable. Tout se trouve dans le mot “objectivement”... Il s’agit, pour parler sans doute un peu trop brutalement mais pour mieux marquer le propos, de “mon choix” et rien d’autre, – ou, pour dire mieux que choix, ma méthodologie, mon classement, mon organisation structurelle des conceptions, etc. Ce que je veux dire à ce propos, et que je répète également à nombre d’occasions dans les textes du site, dès que le sujet conduit à justifier cette sorte d’observation, c’est que notre époque-Système a littéralement pulvérisé, d’une façon explicite depuis le 11-septembre, toute notion possible et concevable d’objectivité. C’est une terrible révolution dans la vie intellectuelle, mais c’est une révolution qui vous libère également de certaines obligations fondamentales imposées par le Système dans le domaine de la réflexion, de l’expression de cette réflexion et dans le domaine de la communication de cette réflexion. C’est dans ces conditions nouvelles que je me place résolument pour présenter, expliquer et justifier ce que je nommerais finalement “ma méthode”.

Pour dire la chose plus concrètement, on serait en droit, après avoir lu les réponses que j’ai données aux observations-critiques que j’ai rapportées, d’observer ceci de plus fondamental : “Mais qui vous donne le droit d’instituer cette notion de Système, issue de ce que vous nommez ‘déchaînement de la Matière’ et qui est de votre seul fait, avec tout ce que vous en faites suivre, – ‘surpuissance-autodestruction’, etc... ?” Personne ne me donne ce droit puisque plus rien n’existe qui puisse dire le Droit, et encore moins le donner, puisque l’objectivisation du monde n’existe plus, après la destruction (ou déstructuration) du tissu principiel et, plus généralement, l’effort formidable développé par le système de la communication pour opérationnaliser tout ce processus de destruction. Dans ce Nouveau-Monde où plus aucune référence n’existe, il s’agit, pour pouvoir développer une pensée cohérente qui puisse tenter de déterminer sa vérité (celle du Nouveau-Monde) et pouvoir en faire la critique, puis le procès, de développer ce qu’on nomme “une méthode” avec ses propres règles et ses références. Cette démarche est vitale et nécessaire et elle fait bien entendu partie d’un arsenal général de la lutte sans merci qui doit être engagée, dans ce contexte nouveau, contre le Système ; puisque, en effet, comme c’est mon cas, en entamant entretemps cette démarche imposée par les nouvelles conditions de ce Nouveau-Monde, il m’est apparu comme évident qu’il existait cette chose colossale et universelle que j’ai baptisé “le Système”, et que rien d’autre ne comptait en vérité. On voit qu’en entamant un travail de critique et en faisant un procès, on en arrive nécessairement à la construction de sa propre “méthode” puisque justement vous n’avez agi qu’au nom de vous-même, puisqu’aucune référence n’existe plus qui vous permettre de prendre appui.

C’est ainsi qu’a été développé cette construction générale, cette “méthode”, avec ses propres références (ce que je nomme parfois l’“arsenal dialectique” de dedefensa.org), qui donne un cadre général dans lequel est développé le travail quotidien d’analyse, de commentaire, de réflexion. On y trouve des règles mais aussi des événements qui s’inscrivent dans le flux historique, selon une appréciation métahistorique qui m’est nécessairement propre (ce que je nomme “déchaînement de la Matière” à la jointure des XVIIIe et XIXe siècles, la guerre de 1914 avec l’événement de Verdun marqué par mon “intuition de Verdun“ explicité dans La Grâce de l’Histoire, et également dans de nombreux textes, etc.)

En exposant tout cela qui constitue une sorte de vade mecum pour suivre dedefensa.org, je ne fais qu’exposer une façon de travailler pour qu’on puisse en faire le meilleur profit, si l’on a décidé de suivre la production de ce travail. Si l’on veut, c’est une sorte d’“objectivation” à moi concernant la cohérence et la signification du site, d’autant plus justement que l’objectivation prétendument réelle a été pulvérisée et que c’est à chacun de créer la sienne par rapport à soi-même, que toutes les références ont été détruites par déstructuration-déconstruction et que c’est à chacun de créer les siennes pour mieux se faire entendre. Pour moi, il s’agit dans ce cas d’expliquer ma “méthode” et de faire faire à certains l’économie d’observations-critiques qui, si même elles sont fondées de leur point de vue, n’ont pas leur raison d’être en raison du cadre général. Notre époque sans précédent, complètement déstructurée, permet ce genre d’expérience que je viens d’exposer puisqu’en laissant à chacun la possibilité de créer ses propres structures ; plus encore, elle oblige à ce genre d’expérience parce que l’alternative est la capitulation et la soumission à un magmas infâme, déstructuré, en cours de dissolution et bientôt d’entropisation.

...  Car, si j’ai surtout parlé dans ce texte de ma démarche de ce point de vue que je qualifierais presque de “technique”, il va de soi qu’on y trouve aussi une ardeur, un élan qui proclament combien cette démarche-là est vitale pour moi, combien elle est une façon de vivre et surtout une façon de ne pas mourir. De cela, je n’ai pas dit grand’chose, parce que ce n’était pas exactement le propos, parce que c’est l’évidence, parce que cela jaillit nécessairement de tout ce que j’écris.

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