Des LGTBQ à Gabbard, une féconde agitation

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Des LGTBQ à Gabbard, une féconde agitation

On a vu hier, avec le cas de Chris Hedges face à Barnum-Trump, les contradictions considérables de la gauche qui s’affiche antiSystème, par rapport aux activités et aux choix du Système. (Le cas de Hedges est celui des USA mais le processus est largement partagé, – globalisation oblige, – par les gauches des pays du bloc-BAO.) Ces contradictions apparaissent en pleine lumière au cœur de la nébuleuse LGTBQ-élargie US, regroupant tous les mouvements sociétaux et communautaristes (féminisme, antiracisme, anti-antisémitisme, multiculturalisme, homosexualité, transgenrisme, etc.) prétendant lutter contre l’ordre établi, et éventuellement contre le Système pouyr l'affichage (référence antiSystème). 

Selon cette logique dévastatrice et autodestructrice, une cassure très grave est mise à jour avec la Women’s March de Washington D.C., version 2019 d’un événement emblématique et considérable du féminisme anti-Trump aux USA depuis 2017. La cause se trouve dans les positions de certaines des créateurs et organisateurs de cette “Marche” annuelle, des Africains-Américains proches de Louis Farrakhan, leader de The Nation of Islam (NOI) et de l’activisme musulman avec des racines d’un “nationalisme noir” (Malcolm X) dans la communauté africaine-américaine ; Farrakhan (grand ami de Kadhafi jusqu’à sa mort en 2011, entraînant la rupture Farrakhan-Obama) est connu pour son hostilité affichée à Israël, identifié par ses adversaires comme de l’antisémitisme manifeste.

Ainsi observe-t-on une grave division aujourd’hui exposée en plein jour du féminisme US, progressiste, multiculturaliste et antiraciste bien entendu, mais aussi truffées de progressistes pro-Israël, veillant à débusquer tout ce qui pourrait se rapprocher de l’antisémitisme. Ainsi y a-t-il eu diverses défections importantes au sein du mouvement féministe pour la Women’s March, dans divers hauts-lieux du genre, notamment à Hollywood où l’on a le cuir sensible sur le chapitre de la bonne conduite pro-israélienne. D’autre part, plus de la moitié des 500 sponsors de la Women’s March ont retiré leur soutien, – autre signe de la puissance de l’influence israélienne et des institutions et fortunes juives qui lui sont associées aux USA.

Hier, la Women’s March, qui a tout de même eu lieu, a été marqué par un incident, causé par une activiste de ce qu’on nomme l’Alt-Right (extrême-droite, tendance Bannon), Laura Loomer, elle-même juive et pro-israélienne, s’emparant du micro de l’estrade officielle pour dénoncer une “marche nazie”. L’incident a mis en évidence la situation embarrassante de la manifestation et du mouvement féministe activiste actuellement aux USA, et la façon dont les adversaires politiques du mouvement peuvent en profiter.

Vendredi, avant la Women’s March, l’une des co-présidentes du mouvement, l’Africaine-Américaine Tamilka Mallory, proche de Farrakhan, avait refusé lors d’une interview de reconnaître le droit à l’existence spécifiquement d’Israël, se contentant d’affirmer que “n’importe qui a le droit d’exister”, et notamment les Palestiniens qui connaissent “une très grave crise”. Un texte de Breitbart.com rapporte quelques détails de l’interview par Margaret Hoover sur PBS  (émission Firing Line), qui montre une Mallory extrêmement campée sur sa position. 

« Pressed by host Margaret Hoover on whether she believes Israel has the right to exist, Mallory said, “I have said many times that I feel everyone has a right to exist.” “I feel everyone has a right to exist. I just don’t feel that anyone has a right to exist at the disposal of another group,” she added.

» “In your view, does that include Israelis in Israel?” Hoover followed up.

» “I believe that all people have the right to exist and that Palestinians are also suffering with a great crisis, and that there are other Jewish scholars who will sit here and say the same,” an annoyed Mallory replied, before ordering Hoover to “move on” from her question.

» Hoover, expressing dissatisfaction with Mallory’s dodging of the question, noted that “scholarly knowledge” isn’t required to understand Israel’s right to exist. “Again, I believe everyone has the right to exist,” the Women’s March co-leader shot back… »

Cette séquence de l’affaire a commencé à la suite d’une interview de Louis Farrakhan lundi dans le média The View. Mallory a défendu certaines déclarations de Farrakhan jugées racistes et antisémites, ce qui a conduit à la crise actuelle. Sur cette question et sur Farrakhan, Mallory a répondu lors de l’interview de vendredi : « “I didn’t call him [Farrakhan] the greatest of all time because of his rhetoric. I called him the greatest of all time because of what he’s done in black communities,” the embattled organizer replied when asked about her describing Farrakhan as the “GOAT,” an acronym for the “Greatest of all Time.” »

La fracture a été marquée d’une façon significative par une intervention de la parlementaire démocrate Debbie Wasserman Schultz retirant son soutien à la Women’s March. Wasserman Shultz a tous les arguments pour parler comme elle le fait : juive bien entendu, ancienne présidente du parti démocrate, très proche d’Hillary Clinton, corrompue jusqu’à la moelle, etc. Elle se pose sans aucun doute en porte-parole de la faction pro-israélienne du mouvement féministe/sociétal-progressiste et son attaque est très virulente, très précise et tranchante ; tout cela montre que l’incident est extrêmement grave et peut conduire à une scission de type politique du puissant mouvement féministe US.

On notera dans l’argumentaire de Wasserman Schultz des arguments qui, derrière leur aspect polémique, tendent à rejeter l’autre fraction, représentant essentiellement les minorités de couleur par leur proximité de Farrakhan, vers le camp anti-globaliste des populistes (« Avec l’antisémitisme et le nationalisme blanc en plein développement aux USA et globalement, [leur proximité de] Louis Farrakhan est extrêmement préoccupante »). 

« In a Friday opinion-editorial, Rep. Debbie Wasserman Schultz (D-FL) announcedthat she can no longer support the Women’s March on Washington due to its leadership’s refusal to “repudiate anti-Semitism and all forms of bigotry.” “I am not alone,” the Florida Democrat wrote in USA Today of her disassociation from the group. “Teresa Shook, who launchedthe movement with her viral Facebook post, has publicly calledfor the co-chairs to resign, writing that Bob Bland, Linda Sarsour, Carmen Perez and Tamika Mallory ‘have allowed anti-Semitism, anti-LBGTQIA sentiment and hateful, racist rhetoric to become a part of the platform’ of the march.”

» “Since that first march, I witnessed a disturbing spike in hatred aimed at Jewish homes, schools and synagogues in my own community. And with anti-Semitism and white nationalism apparently on the upswing in America and globally, the associationsthat Sarsour, Perez and Mallory have had with Nation of Islam (NOI) leader Louis Farrakhan have been most troubling,” she continued»

Cette affaire est presque une crise au cœur de l’alliance entre les minorités de couleur et les LGTBQ (auxquels ces minorités avaient été incorporées) qui forment le front essentiel de l’opposition anti-Trump et les troupes de combat du parti démocrate pour conquérir une majorité électorale puissante pour les décennies à venir. C’est un enjeu extrêmement puissant, qui fait s’interroger sur la solidité de la reconversion de ce qu’on nomma The Rainbow Coalition dans les années 1970, assemblant des groupes de minorités de couleur, des groupes socialisants de gauche, avec un soutien actif d’organisations progressistes juives.

L’arc en ciel devint l’insigne également des LGBTQ et l’association entre les deux, – les minorités de couleur et les mouvements sociétaux, – semblait au départ prometteuse. Aujourd’hui apparaît la possibilité d’une fracture grave qui, délaissant le simple aspect sociétal, débouche sur l’aspect politique fondamental. En effet, derrière un affrontement caractérisée par l’argument de l’opposition à l’antisémitisme pour les uns, par l’argument de la dénonciation de la politique d’Israël pour les autres, se profilent des positions plus larges, – pour ou contre la politiqueSystème belliciste et impérialiste soutenue par l’establishment washingtonien, mais particulièrement par les démocrates.

C’est là qu’intervient l’engagement pour les présidentielles de 2020 de Tulsi Gabbard...

Dans un article du 18 janvier, Tom Luongo examine l’affrontement entre la Speaker de la Chambre Pelosi et Trump, à propos du “Mur” sur la frontière mexicaine, et du shutdown du gouvernement qui a suivi le refus de la Chambre de financer ce Mur. Pelosi, à près de 80 ans, représente la structure ossifiée du parti démocrate qui a cru retrouver sa jeunesse et sa verdeur avec les LGTBQ. Dans la bataille qu’elle a engagée contre Trump, avec l’objectif de le faire perdre en 2020, sinon de le faire tomber avant, Pelosi a épousé à fond tous les aspects de la politiqueSystème, belliciste, etc.,et son maximalisme se retrouve peut-être dans l’affrontement en train d’apparaître dans le rassemblement LGTBQ-élargi qui craque éventuellement à cause d’Israël, donc aussi à cause de la politiqueSystème que mène ce pays avec l’accord sinon, l’exhortation du DeepState de Washington ; mais son maximalisme, dans le sens contraire, au sein d’un parti démocrate en lambeaux, pousse à des rebellions... Enter Tulsi.

« As I said, appearance of strength is all that matters in politics at this level. Pelosi cannot afford to look at all weak during a government shutdown she started to oppose Trump and regain the White House in 2020. So, while Pelosi is focused on being the establishment’s mouthpiece for taking down Trump to regain control over the vast government machinery, rebellions are happening within her own party.

» Enter Tulsi Gabbard. Gabbard has real promise as the anti-war/anti-empire insurrectionist within the Democrats. She is a leftist version of Ron Paul in that she’s hated by everyone who thinks they are someone.Because nothing unites the DNC and the RNC like the threat of peace getting an audience on the national stage.

» When “anti-incumbent” is the watchword of the day, Gabbard throwing her hat into the 2020 Presidential race is a big deal. Gabbard will get support from anti-war Republicans, Independents and Libertarians. They will cross party lines to vote for her in primaries, hurting the anointed ones.

» She will successfully fund-raise on ending useless and counter-productive engagements in the Middle East. With her part of the Presidential conversation it forces her opposition to adopt her positions while simultaneously supporting Trump’s struggle against his own staff. [...] She’s everything the current Democratic party isn’t: attractive, conscientious, brave and committed to peace. »

Luongo, qui identifie justement en Gabbard “un Ron Paul de gauche”, pense qu’elle aura le soutien des républicains anti-guerre, des indépendants et des libertariens... Et pourquoi n’aurait-elle pas le soutien de la faction des LGTBQ-élargis, – les minorités de couleur, – qui est en train d’apparaître comme proche de Farrakhan jusqu’à épouser les thèses anti-israéliennes de The Nation Of Islam, lesquelles reviennent objectivement à s’opposer à la politiqueSystème et donc à se trouver éventuellement à l’aise avec une “candidate de la paix”, – qui plus est une femme, dite “de gauche” venue d’une minorité ? Les Africains-Américains, quant à eux, ne feraient que renouer avec la politique sur la fin de sa vie de l’icône Martin Luther King, si souvent déformée par le Système pour les besoins de la cause, lorsque, – et sans doute est-ce là la raison de son élimination d’avril 1968, – il s’opposa avec une virulence extrême à la guerre du Vietnam, au système du complexe militaro-industriel, etc., bref à la politiqueSystème déjà en cours...

 

Mis en ligne le 20 janvier 2019 à 15H45