De Che Guevara à Guaido

Les Carnets de Nicolas Bonnal

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De Che Guevara à Guaido

Pour comprendre ce qui se passe en Amérique du sud, j’aimerais avoir recours au dernier Tintin, celui qui se passe chez les Picaros et qui décrit si opportunément une révolution orange menée par des guérilleros grimés en touristes (à moins que ce ne soit l’inverse, avec ce Séraphin Lampion qui exprime dans les derniers albums le dernier homme nietzschéen, triomphant et crétin…). Cette révolution se veut du reste non-violente, comme le charivari médiatique de Guaido, promu Quisling rédimé et putschiste d’honneur par les médias azimutés, hallucinés et surtout infatigables de notre temps ! Et elle aboutit, cette révolution menée par un Tintin mué en ingénieur social, au même maintien de la misère que partout ailleurs. Récemment je voyais un programme espagnol qui m’annonçait que le coût du logement dans la  Bolivie de l’indéboulonnable leader socialiste-nationaliste-populiste-indigéniste Morales est aussi cher que dans le centre de Madrid. Un ingénieur doit payer pour se loger dans le désert d’Uyuni 1800 euros par mois. Et moi qui ai vécu dix mois dans ce pays à raison de cent euros par semaine…

Vive les réformes et la croissance économique décidément.

On est donc passé de Che Guevara à Guaido, commis-voyageur des pronunciamientos occidentaux. Cela nous fait penser à Guy Debord et son analyse de nos modèles dégénérés. Je cite un texte sur les nouveaux « chercheurs » et autres experts et commentateurs :

« Quand l’économie toute-puissante est devenue folle, et les temps spectaculaires ne sont rien d’autre, elle a supprimé les dernières traces de l’autonomie scientifique, inséparablement sur le plan méthodologique et sur le plan des conditions pratiques de l’activité des « chercheurs ». On ne demande plus à la science de comprendre le monde, ou d’y améliorer quelque chose. On lui demande de justifier instantanément tout ce qui se fait. Aussi stupide sur ce terrain que sur tous les autres, qu’elle exploite avec la plus ruineuse irréflexion, la domination spectaculaire a fait abattre l’arbre gigantesque de la connaissance scientifique à seule fin de s’y faire tailler une matraque. Pour obéir à cette ultime demande sociale d’une justification manifestement impossible, il vaut mieux ne plus trop savoir penser, mais être au contraire assez bien exercé aux commodités du discours spectaculaire. Et c’est en effet dans cette carrière qu’a lestement trouvé sa plus récente spécialisation, avec beaucoup de bonne volonté, la science prostituée de ces jours méprisables. »

Continent hauturier et unique pour le voyageur (j’y ai séjourné cinq ans, et je déconseillerais benoitement l’invasion du Venezuela par le sud), l’Amérique du sud a souvent été une bouffonnerie sur le plan politique (voyez Gustave Le Bon qui en parle déjà dans sa Psychologie du socialisme). Il y a trente ans, l’homme à abattre était Noriega. Et Debord disait :

« Quand les Américains ont voulu se défaire du personnage, parce que certains de leurs tribunaux l’avaient imprudemment condamné, Noriega s’est déclaré prêt à se défendre pendant mille ans, par patriotisme panaméen, à la fois contre son peuple en révolte et contre l’étranger ; il a reçu aussitôt l’approbation publique des dictateurs bureaucratiques plus austères de Cuba et du Nicaragua, au nom de l’anti-impérialisme. »

Simulacre politique, Noriega resplendissait déjà de nacre postmoderne :

« Loin d’être une étrangeté étroitement panaméenne, ce général Noriega, qui vend tout et simule tout dans un monde qui partout fait de même, était, de part en part, comme sorte d’homme d’une sorte d’État, comme sorte de général, comme capitaliste, parfaitement représentatif du spectaculaire intégré ; et des réussites qu’il autorise dans les directions les plus variées de sa politique intérieure et internationale. C’est un modèle du prince de notre temps ; et parmi ceux qui se destinent à venir et à rester au pouvoir où que ce puisse être, les plus capables lui ressemblent beaucoup. Ce n’est pas le Panama qui produit de telles merveilles, c’est cette époque. »

Et cette époque produit du Tintin en série avec les concerts sans spectateurs (Pauvre Branson…) ou des invasions humanitaires bouffonnes en attendant l’inévitable bombardement américain sauf, si les russes et les chinois l’en empêchent… J’imagine un futur Guaido pour surveiller chaque pays,chargé par les mondialistes de justifier un coup et une confiscation/privatisation…Mais n’est-ce pas ce que nous avons en France ?

Guy Debord précisait : le destin du spectacle n’est certainement pas de finir en despotisme éclairé.

Et sur la classe politique globalisée desmacroncitos dont se gaussent mes amis traditionalistes espagnols, on citera encore cette prémonition inquiétante :

« Il faut conclure qu’une relève est imminente et inéluctable dans la caste cooptée qui gère la domination, et notamment dirige la protection de cette domination. En une telle matière, la nouveauté, bien sûr, ne sera jamais exposée sur la scène du spectacle. Elle apparaît seulement comme la foudre, qu’on ne reconnaît qu’à ses coups. Cette relève, qui va décisivement parachever l’œuvre des temps spectaculaires, s’opère discrètement, et quoique concernant des gens déjà installés tous dans la sphère même du pouvoir, conspirativement. Elle sélectionnera ceux qui y prendront part sur cette exigence principale : qu’ils sachent clairement de quels obstacles ils sont délivrés, et de quoi ils sont capables. »

Un rappel tout de même : sur le terrain militaire concret, en Syrie ou ailleurs, le système impérial/démocratique est devenu nul. Je ne saurais trop recommander à cet égard la vision du film Benghazi, réalisé par le meilleur cinéaste néocon devenu rebelle (IE lucide), Michael Bay, qui montre le système US prendre une énième déculottée sur le terrain libyen. Il y a un moment où, disait un analyste latino, « malgré la fabrication d’une réalité virtuelle, il existe toujours une réalité réelle… »

Pour le reste on rappellera que si Guaido est un Quisling aux ordres des américains (qui auraient dû attendre les prochaines élections, que leurs agents avaient gagnées au Brésil comme en Argentine), la quasi-totalité des autres nations le célèbrent comme tel. Avec des Etats-nations-déchets comme ça, on n’a même plus besoin de s’acharner sur Soros…

 

Source

Guy Debord – Commentaires sur la Société du Spectacle

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