Conflit de psychologies et antiSystème

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Conflit de psychologies et antiSystème

7 décembre 2015 – Rédiger le texte de dedefensa.org portant sur l’“Orgie d’apocalysme-Système”, c’était convoquer directement le thème de l’affrontement entre apocalysme-antiSystème et nihilisme-Système dont on s’explique largement, comme on l’a fait dans d’autres textes nombreux. Là-dessus, je lis le texte du Saker-US, sur UNZ.com, du 6 décembre 2015 (« Week Nine of the Russian Intervention in Syria: The Empire Strikes Back »), qui présente une vue crépusculaire de la position de la Russie en Syrie à la suite de l’incident Su-24, où la Russie se trouverait en position d’extrême faiblesse, sinon désespérée, face à la “riposte de l’Empire (“AngloSioniste”, selon l’expression favorite de l’auteur).

L’extrême du propos est bien résumé par un commentaire d’un lecteur : « One thing is clear: If I was a general about to lead my troops into battle I would certainly not hire “The Saker” to rally and inspire them with courage and motivation. What Saker essentially is saying is: Move on folks. Let´s hope and pray for the best but in reality, the battle is over. The Empire is all over us and there is nothing we can do, run for the shelters. What saker is doing, perhaps not intentional, is what the people he probably despises more than anything, the “fifth columns” in the Russian society, does. To instil a sense of hopelessness and apathy even before the battle has started. » ... Mais je ne vais pas argumenter sur ce terrain parce que là n’est pas mon propos et là ne peut être en aucune façon mon propos ; il est plutôt de montrer, avec cette citation, à quel extrême de la perception conduit cette sorte de psychologie.

L’essentiel de mon propos est bien d’illustrer cette psychologie qui conduit à juger des évènements selon les normes et les références rationnelles telles que la politique, la stratégie, etc., et à en faire les éléments décisifs sinon exclusifs de la bataille en cours ; même si ces normes rationnelles sont sollicitées d’une façon extrême (et parfois paroxystiques sinon hystériques), elles restent intérieures au Système et dépendantes de lui. De même, un texte affirmant la “victoire” de la Russie, – si ce terme a encore un sens, – et la jugeant comme décisive pour cette même “bataille en cours”, ressort de la même catégorie et se place en contradiction complète avec l’autre psychologie dont je parle. Au contraire, je vois cette “autre psychologie” illustrée assez bien par ce passage d’un texte du 19 novembre, sur ce site, décrivant l’action de Poutine selon cette perception opposée, et d’ailleurs repris dans un texte du 30 novembre dans le même sens :

« Peut-être même l’homme [Poutine] navigue-t-il à vue, nullement par ignorance mais par expérience (il a vécu la dissolution-expresss de l'URSS), se contentant d’appréhender au mieux les spasmes de ses “partenaires” et de protéger à mesure les intérêts de la Russie, tout en n’espérant pas trop dans la manufacture de plans importants à long terme, de Grand Dessein ou de Grand Jeu. Ce serait sans doute l’hypothèse la plus intéressante finalement, intégrant deux aspects en général reconnus de sa personnalité, qui sont une vision froidement réaliste des choses et une prudence constante dans l’action, y compris dans les actions les plus décidées et les plus rapides ; et, surtout, impliquant que Poutine ne serait pas loin d’admettre que le système général du monde, – bref, le Système, dont lui-même fait nécessairement “partie-en-partie”, – n’est pas vraiment réformable et qu’il faut donc attendre des bouleversements majeurs en acceptant l’idée qu’on n’en soit ni l’initiateur ni le maître. »

... En effet, il s’agit bien là d’un conflit de deux formes de psychologies complètement différentes, percevant et interprétant malgré leur apparente position d’alliance qui se révèle n’être que de circonstance quasi les mêmes évènements comme s'ils étaient d'essences différentes. Pour le Saker, l’“Empire AngloSioniste” est plus fort que jamais, pour ainsi dire, comme d’autres diraient qu’il est en pleine débandade, et cela suffit à fixer l’essentiel ; pour l’autre psychologie, dont je suis, le désordre est plus grand que jamais, jusqu’à l’emploi de l’expression de “Grand-Désordre qu’on lit dans dedefensa.org. Disons pour être plus précis dans le cas exemplaire exposé ici que pour l’un, le sort de la Sainte-Russie règle le sort du monde, et si elle est emportée nous le serons avec elle, et si elle l’emporte nous serons vainqueurs avec elle. Pour l’autre, c’est l’expansion du désordre qui importe, parce qu’il porte la seule voie mortelle qui accélère la transmutation de la surpuissance du Système en autodestruction, et cette expansion est en cours d’une façon exponentielle.

Il n’y a aucune argumentation rationnelle qui peut trancher entre l’une et l’autre psychologies, simplement parce qu’il n’existe plus aucune référence stable de la réalité selon l’évidence de l’inexistence de celle-ci. (Voir le Glossaire.ddevérités-de-situation & Vérité”.) Les arguments reposent sur l’intuition, la conviction, et bien sûr un arrière-plan d’expérience mais qui n’est qu’un complément, qui n’est en rien décisif. Par conséquent, le dialogue est simplement impossible alors que, à mon sens, cette opposition de deux types de psychologies qu’on jugerait dans le même camp des antiSystème constitue le véritable enjeu des affrontements à venir (et quand je dis à venir, c’est du tout proche que je parle : dans les mois à venir, à peu près).

La situation ne cesse de devenir de plus en plus paradoxale à cet égard, – mais qui s’en étonnerait dans une époque si étrange, si unique, si exceptionnelle ? Les psychologies-Système, celles du nihilisme-Système, n’ont aucune force, il s’agit de psychologies de robots et d’êtres contraints dans l’asservissement, ou bien continuellement sous l’effet de drogues euphorisantes. (Ainsi le véritable ennemi dans la lutte Apocalysme-antiSystème versus nihilisme-Système, pour les antiSystème, c’est bien entendu le Système que représentent ces psychologies si affaiblies.)

Il faut alors conclure qu’avec ces deux perceptions différentes dans le camp des antiSystème, et selon ma perception à moi selon laquelle l’effondrement du Système est en cours et inéluctable, la véritable bataille qui nous attend c’est bien celle qui va se dérouler à l’intérieur du camp de ceux qu’on est en droit, pour l’instant présent qui n’est en rien comptable de l’avenir, de dire antiSystème. Chacun des deux aura un adversaire à son niveau, qu’on peut juger “pour l’instant présent qui n’est en rien comptable de l’avenir” loyal, courageux, honnête, mais dans un certain sens d’autant plus impitoyable qu’il jugera (dans tous les cas, dans un des deux partis certainement) avoir en face de lui un proche qui s’est fourvoyé et qu’il faut remettre dans le bon chemin. Sur le fond, la chose n’est pas moins importante et même au contraire, car l’enjeu de la bataille est fondamental et dépasse tout le reste ; il s’agit des conditions qui existeront dans l’ère de l’après-Système, sur les points les plus fondamentaux du sens des choses.

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