Turquie, Brésil, Pologne, etc... : les bizarres (in)conséquences d’une non-diplomatie (US)

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Turquie, Brésil, Pologne, etc... : les bizarres (in)conséquences d’une non-diplomatie (US)


16 janvier 2004 — L’action politique (ou non-politique) américaine est si étonnamment et complètement erratique aujourd’hui qu’elle produit continuellement des effets qu’on doit décrire comme contre-productifs, qui sont dans tous les cas inattendus, qui sont considérables, etc. La puissance américaine se trouve dans chacun de ces cas prise à contre-pied.

Trois cas récents illustrent cette situation.

• Le cas des Kurdes et de l’Irak. On a vu combien l’annonce d’une promesse d’autonomie aux Kurdes d’Irak avait provoqué des réactions extrêmement vives dans la région. Un prolongement, le dernier en date (du 14 janvier), est un très net avertissement du Premier ministre turc, d’une éventuelle intervention turque si l’Irak “se désintègre”. Erdogan ajoute que la Syrie et l’Iran ont la même position, — ce qui confirme la formation d’une alliance de facto entre ces trois pays contre les poussées centrifuges en Irak, et, éventuellement, contre les USA.


« Prime Minister, Recep Tayyip Erdogan, said yesterday [January 14] that in the event of Iraq's disintegration, Turkey will intervene. Erdogan stated that Iraqi Kurds are trying to take the oil regions under their control and “this should not be allowed. Kurds should be prevented from playing with the fire,” warned Erdogan.

» Upon receiving the Islam Revolution Supreme Council Leader, Abdulaziz Al-Hakim, Erdogan brought to attention that Iraq's territorial integrity should be protected. According to information given, Erdogan said: “We see the efforts of two Kurdish groups in Northern Iraq to turn the present situation to their advantage. We are surprised by this and we do not think this is right.” The Prime Minister emphasized no ethnic and religious discrimination should occur in Iraq. Erdogan stressed the importance of the Iraqi government to be formed in June.

» Erdogan said the government supports that “Iraqis determine Iraq's future,” and added that, in the event of disintegration in Iraq, neighboring countries will intervene. He said: “Syria and Iran think the same as well. I say with sincerity that Iraq's freedom is our greatest priority. Disintegration of Iraq means instability for us. Your happiness is our stability.” »


• Bien entendu, le département d’État, ou certaines personnes au département d’État, dont le secrétaire d’État, se sont déjà émues de cette situation. Le 9 janvier, Associated Press diffusait une dépêche où l’on pouvait lire : « Secretary of State Colin Powell offered U.S. support Tuesday for Kurds' aspirations to preserve their historical identity in the postwar Iraq. However, Powell said U.S. policy on the future of “major constituencies” in Iraq was “to let the Iraqis work this out” while ensuring areas populated by Kurds remain part of Iraq. » Il n’est pas sûr que ces paroles rassurantes suffisent, d’autant qu’elles sont accompagnées, parallèlement, d’indications montrant qu’on débat toujours, à la Maison-Blanche, d’une attaque contre la Syrie, que cette possibilité s’est encore précisée ces derniers jours, selon le Jérusalem Post. L’évocation d’un tel projet est évidemment perçue comme une poussée déstabilisatrice de plus pour la région et elle devrait encore renforcer la tendance des pays autour de l’Irak à se rapprocher ; elle le devrait d’autant plus que, dans le cas évoqué ici, l’insatisfaction des pays de la zone à l’encontre des USA est moins contenue par la crainte de la puissance militaire américaine, actuellement au bout de ses possibilités avec l’engagement en Irak (ce qui est l’un des points essentiels du débat à propos de la Syrie évoqué ici).

• Le cas brésilien est encore plus étrange, plus significatif à la fois des irresponsabilités, de l’absence d’imagination et du désintérêt pour toute forme de coopération à l’intérieur du gouvernement US. C’est à partir des dispositions bureaucratiques prises pour le contrôle des étrangers entrant aux USA qu’une situation de brouille diplomatique s’est installée entre les USA et le Brésil. Le Brésil, jugeant humiliantes ces mesures (prises d’empreintes, photographies anthropométriques, etc), a décidé de riposter en prenant les mêmes mesures à l’encontre de citoyens américains. La situation s’est encore aggravée le 14 janvier avec l’arrestation d’un pilote US qui s’insurgeait contre cette procédure à Rio de Janeiro. (Cette étrange querelle a fortement pesé sur les sommets des Amériques, où les Brésiliens se sont montrés très critiques des Américains, dans un climat général d’une exceptionnelle lourdeur. Cela confirme, comme dans la théorie du chaos où un mouvement d’aile de papillon provoque un séisme à l’autre bout de la terre, que les causes très dérisoires ne reculent pas devant les très grands effets.)

• On ajoutera, sorte de triste cerise sur un gâteau amer, les péripéties des braves Polonais, pourtant qualifiés d’alliés privilégiés n°1 par le régime GW, applaudis comme le pilier de la “nouvelle Europe” par Rumsfeld, et pourtant réduits aux humiliantes procédures d’aéroport comme de vulgaires Brésiliens, — alors que les épouvantables conspirateurs de la “old Europe”, Allemands et Français en tête, en sont dispensés selon les dispositions entre l’UE et les USA. Le maire de Varsovie annonce qu’il va annuler sa visite à Chicago et à New York, en avril prochain, si les mesures ne sont pas levées. La bureaucratie inflexible du Home Security department est pour l’instant inflexible. Elle n’a sans doute pas encore été informée que la Pologne existe, que les Américains d’origine polonaise sont, dans la région de Chicago notamment, plusieurs millions, que cela fait des électeurs en bon nombre, que GW a besoin de tout ce beau monde en novembre. Allez, on fait cette prévision, — Washington devant réaliser sous peu que les Polonais qui se plaignent sont les habitants de la Pologne, laquelle est, avec l’Espagne et Londres, l’allié privilégié n°1 de ce même Washington, d’ici avril le maire de Varsovie aura obtenu une suspension de la mesure. On pourra à nouveau évoquer les grands principes qui, à peu près seuls, conditionnent nos belles et bonnes alliances.