JSF’s Follies ...

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JSF’s Follies ...

8 janvier 2004 — Des nouvelles du programme JSF, relativement “dormant” ces derniers mois, la priorité des nouvelles étant à d’autres folies, notamment irakiennes. Aucune surprise, évidemment, à constater que ces nouvelles du JSF sont mauvaises. Le programme poursuit sa dégradation régulière et, pourrait-on ajouter avec une ironie fatiguée, “selon les prévisions”.

• D’abord, des nouvelles concernant le coût du programme, avec une augmentation substantielle du coût du développement.

• Ensuite, de mauvaises nouvelles venues du Danemark, concernant les perspectives de coopération.

Pour quelques $milliards de plus

Les mauvaises fausses-surprises du printemps dernier (dépassement de poids, divers problèmes de mise au point) ont conduit le Pentagone à demander un déplacement de crédits, du poste production au poste développement. Le montant est substantiel : $5,1 milliards à transférer sur le cycle de développement 2005-2009. Les coûts du développement sont passés de $33 milliards (ce qui représentait déjà une augmentation par rapport aux prévisions initiales) à $40,1 milliards. (Cela suppose d’ores et déjà que les $5,1 milliards de transfert ne suffiront pas, qu’il faudra $2 milliards supplémentaires.) Cette inflation de $33 à $40,1 milliards (17,5% d’augmentation) s’est faite sur un peu plus d’un an.

Il y aura évidemment des conséquences sur la production, puisque celle-ci ne disposera plus du financement adéquat avec le transfert à son désavantage. La première conséquence devrait être le retard de la version ADAC/V, ce qui concerne essentiellement le Corps des Marines et la Royal Navy britannique.

Il est évident qu’on n’en restera pas là. Le JSF est “dans les temps” pour ses ennuis. La direction politique US essaie de contenir la publicité de ces ennuis aussi tard que possible, pour verrouiller les engagements étrangers mais la bureaucratie US n’en a cure. Elle prend ses précautions. Elle rend publics les ennuis du JSF alors que l’engagement non-US est encore très fragile (il le sera jusqu’en 2006), avec des possibilités de retrait ou des abandons de projets de commande. On peut s’attendre à d’autres annonces du même genre assez rapidement et les nouvelles évaluations du prix du JSF à ses futurs clients vont apparaître. On peut d’ores et déjà estimer que les prévisions du GAO sur le coût unitaire du JSF ($70-$80 millions) sont atteintes. Le JSF de série dépassera sans doute largement les $100 millions unitaires.

Dans notre rubrique Choix commentés de ce jour, on trouve la reproduction (le site est d’accès limité) de l’article de Defense News annonçant la nouvelle. Un détail assez révélateur : l’article mentionne parmi les clients fermes du JSF, la Royal Air Force, ce qui implique une anticipation révélatrice. La RAF a déjà dit son intérêt pour le JSF mais ne s’est pas engagée ferme. L’indication donnée par l’article implique que les Américains tiennent la commande de la RAF pour acquise, marquant par là leur habituel “optimisme autoritaire” lorsqu’il s’agit des amis britanniques. Si cette commande de la RAF est effectivement passée, cela signifie une réduction importante de la commande de l’EFA Eurofighter.

Il y a quelque chose d’excédé au royaume du Danemark

Au Danemark, des nouvelles également du programme JSF, pas très bonnes. En un mot, les entreprises impliquées dans ce programme menacent de le quitter. C’est le quotidien économique de Copenhague Boersen qui le signale dans ses éditions du 7 janvier.

Le journal cite Michael Holm, directeur de Systematic Software Engineering à Aarhus : « Si nous ne recevons pas avant l'été des contrats fermes pour JSF, nous renoncerons, en tant que sous-traitant, à ce projet. Cela signifie que nous aurons payé des millions de couronnes pour rien. » Boersen cite également Terma et Maersk Data Defence, les deux autres sociétés qui complètent avec une quatrième société l’ensemble danois de coopération JSF, qui sont extrêmement inquiets de l’évolution du programme pour leur compte.

[Quatre sociétés danoises privées et le gouvernement ont accepté depuis de payer respectivement 170 millions de couronnes et 722 millions de couronnes, soit au total 892 millions de couronnes (120 millions d'euros) pour pouvoir participer à ce projet. L’enjeu est évidemment de poursuivre la formule du programme F-16, si possible en l’améliorant, en obtenant des contrats pour l’industrie nationale et des transferts de technologies.]

L’exemple de Terma : on y attendait des commandes avant fin 2003. Rien n’est venu. Le directeur, de Terma, Jens Maaloee, est précis : « C'est un problème général pour ce projet. Les Américains doivent fournir aux fournisseurs étrangers des informations confidentielles avec le risque dans le pire des cas qu'elles tombent dans des mains ennemies. Nous leur avons dit qu'ils seront obligés de le faire si nous devons participer au développement de ce projet. »

Le point soulevé par Maaloe est intéressant parce qu’il met en évidence que la question est fondamentale et fait penser que les pressions danoises sont moins tactiques qu’il n’y pourrait paraître (menacer d’abandonner le programme pour emporter la décision). Le problème posé est celui, effectivement complètement fondamental, du transfert de technologies, avec la confirmation que les Américains ont une attitude radicale et bloquent au maximum tous les transferts vers les pays coopérants. C’est le signe que l’amendement Hunter, loin d’être un accident, est l’illustration d’un climat : le transfert de technologies est l’un des premiers domaines touchés par la mentalité de forteresse qui s’est établie en Amérique depuis le 11 septembre 2001.

Il n’est pas évident que les Américains répondent en quoi que ce soit aux sollicitations des Danois, qu’ils considèrent comme peu importants dans ce programme, et trop attachés à l’alliance américaine pour prendre des décisions qui pourraient conduire au retrait. (En effet, le Danemark n’aurait plus guère de raisons de rester dans le programme si ses industries ne reçoivent rien, la question restant de savoir quelle part de son investissement ce pays perdrait s’il se retirait.)