La désintégration du système (suite): signes d’un régime en crise

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La désintégration du système (suite): signes d’un régime en crise

5 septembre 2003 — Nous signalions, avant-hier, le cas du secretary White, comme caractéristique d’un malaise profond du système. D’autres éléments renforcent cette analyse, dans un sens où l’on peut commencer à examiner l’hypothèse selon laquelle une issue catastrophique, voire une situation très défavorable en Irak, pourrait amener des répercussions qui mettraient en cause gravement la stabilité du système, et du régime à Washington.

Il s’agit d’un pas psychologique considérable, sans même envisager ce qu’une telle hypothèse a d’acceptable ou non. Jusqu’ici, la stabilité du régime américaniste est une sorte de dogme fondamental de toute pensée politique occidentale, c’est-à-dire un présupposé absolu qui ne peut-être ni discuté, ni amendé. La spéculation politique, même de milieux dissidents ou anti-système, prenait en compte ce facteur, pour maintenir le sérieux de toute spéculation.

On trouve un passage étonnant dans un texte de Bill Vann, du site WSWS.org, concernant la politique US actuelle et nouvelle de rapprochement de l’ONU («Bush seeks UN bailout of Iraqi occupation»). (Le site WSWS.org de la IVe Internationale, s’il sacrifie régulièrement à son ardeur militante, n’en a pas moins des analyses excellentes en général, dans le domaine politique ou économique. Nous apprécierons donc qu’il n’y a pas là l’effet d’une déformation d’hystérie du jugement, d’autant que les appréciations proposées ici ne sont pas différentes de certaines autres indications, également et fortement officieuses, qui filtrent ici et là.)

« The one restraining element upon the European powers in pressing their case, however, is the concern that the present crisis over the Iraqi occupation could lead to the collapse of the Bush administration and an uncontrollable political crisis in the United States. Such a crisis in the center of world imperialism would place the stability of their own regimes at risk »

• Un autre facteur à apprécier dans ce contexte est le rapport très critique que les chefs militaires (le Joint Chief of Staff [JCS]) ont rédigé sur les opérations en Irak. Ce rapport, que des fuites ont amené dans les colonnes du Washington Times le 3 septembre, est une critique des autorités supérieures (civiles) pour les conditions qu’elles ont suscitées dans cette guerre contre l’Irak, et les difficultés qui en ont résulté. Cette sorte de démarche est complètement inhabituelle à un moment où l’opération est toujours en cours, où les responsables indirectement mis en accusation sont toujours en fonction, et sont les chefs hiérarchiques des auteurs du rapport.

• On citera également un fait plus anecdotique mais bien aussi significatif, tant de l’atmosphère qui règne dans les sphères militaro-politiques US que du respect que l’administration GW suscite chez ceux qui devraient lui montrer la plus grande déférence selon les habitudes de la Grande République : l’intervention du général Zinni, ancien chef de Central Command, devant des officiers de l’U.S. Navy et du Marine Corps, à l’invitation du U.S. Naval Institute et de la Marine Corps Association, se terminant par une ovation.

« “There is no strategy or mechanism for putting the pieces together,” said retired Marine Gen. Anthony C. Zinni, and so, he said, “we're in danger of failing.”

» In an impassioned speech to several hundred Marine and Navy officers and others, Zinni invoked the U.S. involvement in the Vietnam War in the 1960s and '70s. “My contemporaries, our feelings and sensitivities were forged on the battlefields of Vietnam, where we heard the garbage and the lies, and we saw the sacrifice,” said Zinni, who was severely wounded while serving as an infantry officer in that conflict. “I ask you, is it happening again?” [...]

» Zinni's comments to the joint meeting in Arlington of the U.S. Naval Institute and the Marine Corps Association, two professional groups for officers, were greeted warmly by his audience, with prolonged applause at the end. Some officers bought tapes and compact discs of the speech to give to others. »

Il y a aujourd’hui une atmosphère particulière à Washington. Le régime a si totalement lié son destin à l’entreprise irakienne dans les mois qui ont précédé l’attaque, le président a une personnalité si faible, qu’on voit combien il serait difficile de préserver le système des remous qui caractérisent et caractériseraient la situation en Irak. La perspective est peu encourageante, dans la mesure où un système si complètement lié à la communication (le virtualisme) et à l’électoralisme, sera nécessairement lié aux aléas de la campagne électorale qui s’ouvre. Il ne pourra en aucun cas affronter d’éventuelles difficultés d’une façon efficace.

C’est un événement considérable dans les relations internationales : pour la première fois, sans aucun doute, la stabilité du régime politique américain devient un facteur et un enjeu de la crise. (Même du temps du Watergate, ce n’était pas semblable. Le Watergate était une crise conjoncturelle, liée à un homme, à ses pratiques, à l’hostilité systématique qu’on entretenait à son encontre. On parle aujourd’hui d’une crise qui affecte la structure du système.)


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