Le mépris blanc ou le piège des JO de Pékin

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Le mépris blanc ou le piège des JO de Pékin

par Michel Tibon-Cornillot, écrivain

8 août 2008 — Aujourd’hui commencent Les Jeux Olympiques de Pékin. Depuis plus d’un an, ils sont accompagnés par les sarcasmes des opinions américaines, européennes, australiennes, néo-zélandaises… et de bien d’autres peuples et populations, blanches pour la plupart. A propos de la pollution à Pékin, des athlètes australiens menacent de mettre des masques à gaz en arrivant sur le stade, des athlètes français jurent de suivre les directives de Reporters Sans Frontières, les médias internationaux appellent à la méfiance contre la Chine, à la lutte contre la tyrannie, le sénat US reçoit des dissidents chinois et donnent des leçons de droits de l’homme aux dirigeants chinois. Bref! La Chine n’a pas la cote; pire même, à la faveur de ces JO, on pourrait presque croire que ce pays est placé au ban des nations.

C’est en tout cas ce qui s’est passé en France puisque le passage de la flamme olympique, le 7 avril 2008, fut accompagné par des sifflets, des insultes et des actes de violence qui menèrent à des agressions dont celles contre une athlète chinoise, ex-championne devenue handicapée et portant la flamme olympique depuis son fauteuil roulant. Les photos qui furent prises de ce lamentable épisode ont fait le tour du monde et montrèrent un visage très chafouin de la France des “droits de l’homme” et une image un peu “crapuleuse” des partisans du 14ème Dalaï-lama.

On connaît maintenant un peu mieux les dommages collatéraux de ces manipulations anti-chinoises, particulièrement en France où fleurissent les droits de l’homme, les ONG et de très nombreux imbéciles. Ainsi entend-on une rumeur persistance à Pékin et dans toutes les communautés chinoises dont voici l’un des derniers échos:

«C'est la rengaine dans toutes les ambassades de Pékin: dès la fin des JO, la France sera balayée hors de Chine. “Dans les milieux intellectuels, on s'en désole parfois: certains intellectuels aiment la France et la connaissent, ils ne sont pas dupes des manœuvres actuelles”, explique Zhao Guo-jun, qui dirige une ONG rassemblant des avocats.

»Des “manœuvres”? Dans les cercles politiques, on n'en doute pas: “La gaffe de Sarkozy, de lier sa présence aux JO à la question du Tibet, a été exploitée à fond par le clan conservateur du Parti communiste chinois (PCC). La France a ensuite commis des erreurs en envoyant ici des émissaires, c'est-à-dire en s'excusant. Votre président passe ici pour être un provocateur imprévisible, un homme de peu d'expérience. Même George Bush n'a pas fait ces gaffes”, explique poliment un haut fonctionnaire du Conseil des affaires d'État (l'équivalent du gouvernement), à Pékin. Il suffit de parcourir quelques provinces chinoises pour comprendre l'étendue des dégâts entre les deux pays.

»L'incompréhension entre les deux opinions publiques est totale… Les Chinois ont été indignés par les images de violence entourant le passage de la flamme dans la capitale française. La nomination du dalaï-lama comme “citoyen d'honneur” par Bertrand Delanoë a été vue comme la trahison de trop: dans l'esprit des Chinois, pour lesquels un maire de capitale ne peut appartenir qu'au parti du chef de l'État, c'est Nicolas Sarkozy qui a souffleté la Chine.

»Les images diffusées en Chine, puis dans le monde entier, sur ce passage de la flamme à Paris ont été soigneusement sélectionnées, entre une Chinoise handicapée agressée par un manifestant tibétain et le portrait du dalaï-lama accroché sur le fronton de l'Hôtel de ville. Le résultat ne s'est pas fait attendre : le patriotisme chinois s'est violemment tourné contre la France. “Cette violence à Paris a été ressentie ici comme une réaction antichinoise. Les Français semblaient dire: ‘Vous ne méritez pas les JO.’ Cela a été une humiliation nationale”, explique Andrée, une Française qui vit depuis trente ans à Canton. “C'est comme si on m'avait jeté un seau d'eau glacé sur la tête, dit Hua, une étudiante qui apprenait le français. J'ai immédiatement arrêté d'apprendre cette langue.” Li, une traductrice qui travaille pour des journalistes français, raconte que dans la rue, les gens l'insultent lorsqu'elle accompagne une équipe de la TV française: “Ils me crient : Traître!”» (François Hauter, in le Figaro du 24 juillet 2008.)


Le texte sur les guerres de l’opium (NDLR: que nous mettrons en ligne sur ce site le 10 août) rappelle quelques-unes des raisons pour lesquelles la France et les Français sont maintenant détestés par les Chinois qui, de plus, par dizaines de millions, ne veulent pas de la présence du président Sarkozy à l’inauguration des JO. Les manifestations dites pro-tibétaines (trop souvent, racistes anti-chinoises) d’une partie de la population française s’inscrivent dans une histoire dramatique et relativement récente des relations entre la France et la Chine (19ème et 20ème siècles). Ces relations inégales au cours desquelles le peuple chinois fut humilié, massacré, furent aussi à l’origine de ce qui devint l’Indochine française.

Il est bien évident que les événements du 7 avril 2008 ont malencontreusement joué un rôle de piqûre de rappel. Partout en Chine résonne de nouveau l’appel au peuple chinois que l’on peut formuler ainsi : “N’oubliez pas, bonnes gens! Parmi les pays qui voulurent détruire la Chine au 19ème et 20ème siècles, qui l’intoxiquèrent et l’écrasèrent, il y avait aussi la France l’un des premiers de nos oppresseurs”.

Avant de présenter les terribles épisodes des “guerres de l’opium”, une dernière remarque s’impose. Pourquoi les dirigeants chinois se sont-ils lancés dans l’aventure des JO? Ont-ils vraiment cru qu’ils allaient pouvoir convaincre, améliorer leurs relations avec les occidentaux qui, pourtant, après bien d’autres peuples, les avaient déjà écrasés?

C’est bien mal analyser les ressorts de la remarquable agressivité des “blancs” et de leurs alliés; c’est aussi ne pas avoir compris que l’une de leurs armes les plus efficaces est l’arme éthique, le monopole de l’éthique. Les responsables chinois pouvaient-ils même concevoir que les dirigeants américains leur donneraient des leçons sur les “droits de l’homme” alors que ces mêmes dirigeants sont à l’origine d’une guerre interminable, ayant déjà tué plus d’un million de civils irakiens!

Cette naïveté des dirigeants communistes chinois les affaiblie et les installe dans des vallées hautes et dangereuses dont la topographie économique, idéologique, financière est contrôlé par les occidentaux; ont-ils bien perçu, sous les discours et les instances “régulatrices” mises en place par les Occidentaux, que leurs dirigeants sont animés par une détermination impitoyable? En tout cas, le dragon chinois qui a déjà avalé quelques couleuvres, va devoir en avaler encore d'énormes...et en grand nombre. En gardera-t-il son sang-froid? Ce sera passionnant à suivre!