Alors, que vaut notre système?

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Alors, que vaut notre système?

Jeudi dernier, une journée séminaire avait lieu à la Commission européenne, à Bruxelles, sur le thème “environnement et sécurité”. Une douzaine d’intervenants, venus d’organisations nationales et internationales spécialisées dans les questions de la dégradation de l’environnement dues à la crise climatique; dans la salle, de nombreux officiels des institutions européennes, des experts, des journalistes, etc. Une réunion sérieuse, marquant l’intérêt constant depuis deux ans des institutions européennes pour la crise climatique.

Climat? Parlons du climat en tant qu’“ambiance”. Il était crépusculaire. A mesure que défilaient les intervenants, qu’étaient exposées les différentes conséquences de la crise climatique sur les populations, sur les situations stratégiques, sur les économies, tout cela en corrélation avec les autres crises en cours de développement (énergie, eau, famine, démographie, immigration, etc.), à mesure qu’on appréciait les conséquences de tout cela sur la sécurité, voire sur l’équilibre de la civilisation, se renforçait ce climat crépusculaire. Le tableau tracé était celui d’un inextricable enchevêtrement de facteurs dynamiques incontrôlables et de crises s’aggravant chacun et agissant les uns sur les autres pour s’aggraver les uns les autres, formant une spirale catastrophique...

Mais nous voulons en venir à ceci. A un moment, après une des interventions, alors qu’on se trouvait à la période des “questions-réponses”, un auditeur demanda la parole et posa une simple question. Cela donna à peu près ceci:

«Mais si l’on vous entend bien, au travers de tout ce que vous décrivez, de ces évolutions catastrophiques, provoquées et accélérées par les pratiques de notre système, si l’on vous entend bien c’est tout notre système qui est en cause?»

Un autre auditeur s’exclame «Eh oui!», puis un des membres du panel répondit d’un seul mot: «Oui.» Il y eut un lourd silence de bien plus d’une minute, ce qui paraît fort long, comme si l’on attendait soit une contradiction-miracle, soit un développement explicatif, soit un débat inévitable, – mais rien ne vint. Il est vrai qu’il n’y avait rien à ajouter, à moins d’avoir l’audace intellectuelle extrême que recommande René Girard lorsqu’il écrit (dans Achever Clausewitz), tel que nous l’avons déjà cité:

« La violence est aujourd’hui déchaînée au niveau de la planète entière, provoquant ce que les textes apocalyptiques annonçaient: une confusion entre les désastres causés par la nature et les désastres causés par les hommes, la confusion du naturel et de l’artificiel... [...]

»Je suis convaincu que nous sommes entrés dans une période où l’anthropologie va devenir un outil plus pertinent que les sciences politiques. Nous allons devoir changer radicalement notre interprétation des événements, cesser de penser en hommes des Lumières, envisager enfin la radicalité de la violence, et avec elle constituer un tout autre type de rationalité. Les événements l’exigent.»

Pour l’instant, dans les salles de conférence, c’est le silence lorsque l’évidence des emballements des événements de notre temps nous saisit, lorsque les confins extraordinaires des conséquences apparaissent. Un silence crépusculaire. Le silence de la pensée interloquée, terrifiée, paralysée.

 

Mis en ligne le 26 avril 2008 à 03H25