La jubilation de l’idéologue qui vous l’avait bien dit

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Revenons-en à notre ami Gerard Baker, du Times, grand connaisseur de l’Amérique, des affaires économiques et des vertus capitalistiques, du libre-échange et du marché qui se débrouille tout seul. Grand admirateur de tout cela, également. Baker jubile, ce 25 mars, parce qu’il est positivement admiratif de l’action de la Fed (rachat de Bear Sterans, par JP Morgan interposé, par filouterie interposée d’actions incroyablement dévaluées et depuis réévaluées, et d’une ligne de crédit de $30 milliards de bel et bon argent du contribuable). Pour Baker, qui exulte, l’action de la Fed paraît presque churchillienne. En voilà des qui ont des cojones, ce n’est pas comme les lavettes de la Bank of England et de l’équipe Brown qui ont tant hésité avant de racheter la planche pourrie de Northern Rock pour quelque chose d’un peu plus de £50 milliards.

Bref… Alleluïa pour Bernanke, le vrai American-made donateur-en-chef de l’entreprise capitalistique et libre-échangiste.

«A few years back, at a conference to honour the 90th birthday of the great economist Milton Friedman, the keynote speech was given by Ben Bernanke, then merely a member of the board of governors of the US Federal Reserve.

»Mr Bernanke, who had made something of a life's work of studying the Great Depression and its causes, addressed the central contention in one of Professor Friedman's analyses — that the economic disaster of the 1930s was essentially the result of an unforced policy error, a terrible series of mistakes by the Federal Reserve.

»Mr Bernanke's conclusion was surprisingly blunt: “You're right. We did it. We're very sorry. But thanks to you, we won't do it again.”

»At the time, the economist-turned-central banker's observations seemed only a slightly more colourful assessment of historical events than policymakers are generally inclined to give. But five years or so later, with echoes of the 1930s apparently back in the air — last week, Alan Greenspan, Mr Bernanke's predecessor, said that this could be the worst financial crisis in more than 50 years — the Fed Chairman's promise then has taken on something of the appearance of a contractual obligation.

»Certainly, the remarkable actions by Mr Bernanke and his colleagues at the Fed recently suggest that they take quite seriously the possibility that the current recession could turn into something really unpleasant and that, if disaster can be averted by policy action, at least they will not be found wanting.

»The conventional Wall Street rap on Mr Bernanke is that he and his colleagues are of an academic mindset, hidebound by ivory-towered thinking, incapable of the agility needed to solve the deepening financial mess (unlike, presumably, those brilliant financial people who created the mess in the first place. In the immortal words last summer of the professionally irate Jim Cramer of CNBC: “They know nothing!!!”)»

Résultat: tout va pour le beaucoup mieux dans le meilleur des mondes capitalistes… «Just when everybody was expecting the Crash of 2008, US equity markets had their best week since early February. The dollar rallied. Commodity prices eased. Credit spreads narrowed sharply.»

Et pour l’avenir? Eh bien, c’est simple, il faut avant tout renforcer les digues, comme on ne fit pas à La Nouvelle Orleans avant Katrina, car la saison des ouragans n’est pas terminée, – c’est-à-dire: passez la monnaie, les gars, la “big public money” (dito, les $milliards des contribuables): «In the end, though, saving the financial system and the economy will require more than Fed action. Markets won't really stabilise until there is some firm indication from the Administration and Congress that there is big public money coming down the pipeline to bail out the battered housing market. Here, the politicians are still looking less radical than the technocratic policymakers at the Fed.»

Suivez donc le raisonnement: le système libre-échangiste, l’ennemi juré de l’interventionnisme de l’Etat, de tout ce qui est de près ou de loin la chose publique, a été sauvé in extremis par l’argent sans compter de la chose publique. Cela s’appelle “nationalisation” d’une façon ou de l’autre ou l’on ne s’y connaît plus, et cela sonne le glas du marché libre et du principe central du capitalisme, comme nous le dit honnêtement Martin Wolf. Au nom de quoi, le brave Baker sonne “aux armes” pour que la chose publique s’apprête à passer à nouveau à la caisse, et dans le style churchillien de Bernanke s’il vous plaît, sans barguigner, et à verser beaucoup, beaucoup plus encore, pour sauver le système qui exècre l’interventionnisme de la chose publique, et lui permettre de continuer à vivre et à vitupérer la chose publique, pour que les commentateurs continuent à affirmer que la chose publique est exécrable et que le système libre-échangiste est plus que jamais la recette du monde meilleur.


Mis en ligne le 26 mars 2008 à 05H02