L’arme absolue du CMI et le talon d’Achille du Pentagone

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La question du complexe militaro-industriel (CMI) et du Pentagone qui en est le cœur devient de plus en plus l’objet d’analyse critique fondamentale. Cela est justifié par la crise que connaît cette structure, crise qui est le coeur de la crise plus générale du système de l'américanisme.

Le thème se concrétise aujourd’hui avec la problématique économique du budget du Pentagone et du poids de ce budget sur l’économie US et la structure de la société américaine. Chalmers Johnson est l'un des maîtres de ce type d'observation. Il est l’auteur désormais connu d’une trilogie (The Blowback Trilogy) analysant au travers de trois ouvrages l’évolution monstrueuse du phénomène du CMI, de son expression systémique que sont devenues l’administration et la bureaucratie washingtoniennes, de son application politique qu'est la politique de sécurité nationale des USA. Il est très attentif à mettre ce phénomène en perspective en le fixant dans le contexte général des USA.

Les analyses de Johnson sont régulièrement publiées sur le site Tomdispatch.com de Tom Engelhardt. La dernière en date a été publiée hier. Elle élargit encore le thème de la critique en montrant comment le phénomène spécifique du budget du Pentagone est devenu une véritable pompe mortelle de la puissance de l’Amérique, qui détruit l’économie et la société de ce pays. Bien entendu, on retrouve les caractéristiques habituelles de ce budget, son caractère absolument incontrôlable et l’incapacité où l’on est d’en donner une comptabilité acceptable. Johnson estime que 30% à 40% du budget du Pentagone est “black”, c’est-à-dire dissimulé. Il ne s’agit pas de ce qu’on catégorise habituellement comme les “black programs”, c’est-à-dire les programmes “officiellement” secrets auxquels on alloue une somme officielle sans la justifier dans le détail. Il s’agit bien d’une dissimulation systémique, qui ne concerne pas des programmes ou des domaines identifiés, d’une dissimulation relevant à la fois du désordre, de l’appétit et du secret bureaucratiques, du gaspillage, de la corruption, etc. C’est cela qui fait dire à Robert Higgs, de l’Independent Institute, cité par Johnson: «A well-founded rule of thumb is to take the Pentagon's (always well publicized) basic budget total and double it.» (Cette comptabilité nous conduit autour de $1.500 milliards par an…)

L’aspect systématique et général de l’étude de Johnson donne une bonne idée du phénomène. Il fixe la définition fondamentale du système de l’américanisme, définitivement devenue un système militaro-industriel qui est en train de briser par l’intérieur la puissance et la structure des USA. L’introduction du texte de Chalmers éclaire l’ambition de l’analyse. La démonstration est convaincante.

«The military adventurers of the Bush administration have much in common with the corporate leaders of the defunct energy company Enron. Both groups of men thought that they were the “smartest guys in the room,” the title of Alex Gibney's prize-winning film on what went wrong at Enron. The neoconservatives in the White House and the Pentagon outsmarted themselves. They failed even to address the problem of how to finance their schemes of imperialist wars and global domination.

»As a result, going into 2008, the United States finds itself in the anomalous position of being unable to pay for its own elevated living standards or its wasteful, overly large military establishment. Its government no longer even attempts to reduce the ruinous expenses of maintaining huge standing armies, replacing the equipment that seven years of wars have destroyed or worn out, or preparing for a war in outer space against unknown adversaries. Instead, the Bush administration puts off these costs for future generations to pay – or repudiate. This utter fiscal irresponsibility has been disguised through many manipulative financial schemes (such as causing poorer countries to lend us unprecedented sums of money), but the time of reckoning is fast approaching.

»There are three broad aspects to our debt crisis. First, in the current fiscal year (2008) we are spending insane amounts of money on “defense” projects that bear no relationship to the national security of the United States. Simultaneously, we are keeping the income tax burdens on the richest segments of the American population at strikingly low levels.

»Second, we continue to believe that we can compensate for the accelerating erosion of our manufacturing base and our loss of jobs to foreign countries through massive military expenditures – so-called “military Keynesianism,” which I discuss in detail in my book Nemesis: The Last Days of the American Republic. By military Keynesianism, I mean the mistaken belief that public policies focused on frequent wars, huge expenditures on weapons and munitions, and large standing armies can indefinitely sustain a wealthy capitalist economy. The opposite is actually true.

»Third, in our devotion to militarism (despite our limited resources), we are failing to invest in our social infrastructure and other requirements for the long-term health of our country. These are what economists call “opportunity costs,” things not done because we spent our money on something else. Our public education system has deteriorated alarmingly. We have failed to provide health care to all our citizens and neglected our responsibilities as the world's number one polluter. Most important, we have lost our competitiveness as a manufacturer for civilian needs – an infinitely more efficient use of scarce resources than arms manufacturing. Let me discuss each of these.»

On notera que, dans son introduction au texte de Johnson, Tom Engelhardt cite un des deux éditoriaux d’Aviation Week & Space Techology sur lesquels nous nous sommes nous-mêmes appuyés (le 14 janvier) pour noter l’inquiétude des milieux journalistiques et d’analyse proches du CMI devant la spirale incontrôlable et totalement destructrice qu’est devenu le budget du Pentagone, échappant désormais à toute possibilité de gestion et produisant de plus en plus une économie improductive et prédatrice pour lui-même (importance des gaspillages, de la corruption, etc.)

(On notera également un erreur de Johnson, évidemment accidentelle, dans sa mention des dix plus importants budgets de la défense du monde. Le Royaume-Uni a été oublié.)


Mis en ligne le 23 janvier 2008 à 09H35