Clin d’œil sur l’“industrie de la conférence”

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Nous nous doutions que cette sorte d’entreprise existait mais point que cela irait jusqu’à être nommé “industrie de la conférence” (“lecture industry”). Mais quoi, manque de réflexe américaniste et postmoderniste. Cela existe, et même depuis 1979, et la ruche laborieuse, le centre de cette industrie se nomme Washington Speaker Bureau (WSB), – et vous saurez tout en allant sur son site. Vous saurez qu’il y a, dans le catalogue de WSB, les grands formats à plus de $15.000 la conférence, et ceux qui traînent, les seconds couteaux à moins de $15.000. Vous saurez que les plus demandés actuellement, dans la catégorie + $15.000 évidemment, sont: John Abizaid, Madeleine K. Albright, José María Aznar, James A. Baker, III, John Bolton, Andy Card, William Cohen, Joschka Fischer, Tommy Franks, The Rt. Hon. John Major, Barry McCaffrey, Peter Pace, Colin L. Powell, George Tenet, James Wolfensohn, Ernesto Zedillo… Des généraux, quelques anciens secrétaires d’Etat, un ancien directeur de la CIA, des premiers ministres et ministres de chez les amis (l’Anglais Major, l’Espagnol Aznar, l’Allemand Fischer) et ainsi de suite.

Un peu de pub pour WSB, venue de son site : «Founded in 1979, the Washington Speakers Bureau has become the world's #1 speakers bureau by putting people first. Founders Bernie Swain, Paula Swain and Harry Rhoads, Jr. have revolutionized the lecture industry by setting the standard for commitment, trust, and care.

»One look at the list of keynote speakers we represent and you'll agree: you won't find keynote speakers of this caliber, variety, knowledge, or experience anywhere else. From political leaders to media headliners, best-selling authors, moderators, business speakers and economic experts, to humorists and great achievers from entertainment, inspirational speakers and motivational sports speakers, and politics, our keynote speakers are, quite simply, the most intriguing people in the world – they bring new insights and ideas to your audience.»

Si nous nous intéressons à WSB, c’est parce que rien de ce qui américaniste et postmoderne ne nous est indifférent, et parce que Tony Blair en est la dernière acquisition, et la plus fameuse, et coûteuse comme l’on sait, et que cela a excité notre curiosité. Nous l’avouons, l’expression elle-même de “lecture industry” a retenu notre attention, tant elle exprime si parfaitement un esprit et l’esprit de la chose, et qu’il s’agit bien de l’esprit et de la chose dont nous parlons à longueur de mises en ligne. “lecture industry”, comme “movie industry”, sans doute comme “philosophy industry” ou “poetry industry”, ou bien encore “breakdown industry” et “paranoïa industry”…

Le commentaire est-il nécessaire? Pas vraiment, pas nécessairement. Ce mélange de reclassement des serviteurs du bien public qui défendaient des intérêts nationaux différents, qui discutaient ou se disputaient pour faire des guerres et qui se retrouvent dans la gestion d’intérêts communs, au sein de la “lecture industry”, au sein plus ample d’une “social industry” (ou “social fabric”, comme ils disent aussi), cette formule qui industrialise l’activité de l’esprit dans des bureaux au luxe incontestable et aux fauteuils incontestablement rembourrés. Voilà une civilisation qu’on peut suivre à la trace, à son effluve de déshumanisation rationnelle et de folie systémique, bien coiffée, bien habillée et bien rangée dans leurs esprits cloisonnés. On comprend qu’ils prennent des gants blancs (ou beurre frais? Nous enquêtons) pour torturer des barbus à la gueule basanée.


Mis en ligne le 18 novembre 2007 à 15H11