La Pologne post-jumeaux “européanise” la crise des BMDE

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Alors que les Américains affirment imperturbablement que l’accord USA-Pologne sur la question de la base des anti-missiles BMDE ne dépendrait plus que de “quelques détails” (déclaration de Nicholas Burn, adjoint à la secrétaire d’Etat), le nouveau Premier ministre polonais donne des précisions quelque peu divergentes sur cette même question. Sa politique ne sera pas exactement celle des jumeaux, bien que l’un des deux (le président Lech Kaczynski) reste en place.

Ces déclarations sont à placer dans un cadre général marquant une évolution attendue, mais qui prend toute sa force dès lors qu’elle est affirmée. Donald Tusk a donné hier diverses indications sur ce que devrait être sa politique étrangère d’une façon générale. Les tendances, comme on l’avait noté dès sa victoire aux élections, sont contraires à celles de la politique suivie par les jumeaux : rapprochement avec l’Europe (l’UE), avec l’Allemagne et avec la Russie. Du point de vue très important des relations avec les USA, Tusk a confirmé également un certain durcissement, ou bien une évolution vers plus de réalisme. Au centre de cette évolution, outre le retrait probable, en 2008, des 900 derniers soldats polonais se trouvant en Irak, on n’est pas étonné de trouver la question de la base des missiles anti-missiles US (le système BMDE). L’idée du nouveau Premier ministre est que puisque le système BMDE doit apporter plus de sécurité aux USA, il est nécessaire qu’il en apporte également à la Pologne, – et à l’Europe.

L’intérêt principal de ces déclarations est effectivement que Tusk étend l’argument général à l’UE : «We don't have a rigid doctrine on this issue. We are open to arguments for and against [the shield]. If the missile shield is going to increase our security, we will be open to negotiations. If we judge jointly with our partners in the EU and NATO that this project is ambiguous, we will have to consider that.»

Cet élargissement du cadre de la question du BMDE à l’UE signifie que la crise est “européanisée”, y compris au niveau de la décision (notez le terme “jointly” dans la remarque «If we judge jointly with our partners in the EU and NATO...»). C’est un grave revers des USA, au niveau de leur tactique de négociation comme de la puissance de leur argumentation. Un des points principaux de la cohérence de leur position dans cette affaire était de s’adresser à la Pologne d’une façon explicitement autonome, voire implicitement antagoniste par rapport aux autres pays européens (notamment et essentiellement l’Allemagne, qui considère avec une très grande méfiance le système BMDE). Pour les Américains qui considéraient l’accord polonais comme acquis, cela signifiait qu’ils étaient quittes des représentations et éventuelles contestations ouest-européennes et qu’ils réduisaient l’affaire de la BMDE à un dialogue ferme sinon agressif avec la Russie. Dans cette position unilatérale, ils pouvaient alors affirmer qu'ils avaient renforcé la sécurité européenne avec le système BMDE et forcer l’Europe à s’aligner sur eux pour une éventuelle confrontation avec cette même Russie, accusée alors de menacer la sécurité européenne. Ils noyaient la question de la BMDE dans une politique de confrontation avec la Russie imposée à l’Europe, ressuscitant ainsi les lignes primaires de la période de la Guerre froide où les spécificités européennes devaient s'effacer face au danger commun qu'eux seuls déterminaient. Pour les jumeaux, la forme de la négociation autant que la probable installation d’une base BMDE signifiaient: 1) que la garantie de la sécurité polonaise vis-à-vis de la Russie était affirmée directement par les Etats-Unis, et 2) que cette sécurité polonaise était à mesure détachée des arrangements collectifs européens (UE) et même atlantiques (OTAN) à cet égard.

La démarche de Tusk renverse complètement cette situation et met l’Europe au centre du jeu, avec comme tâche principale de négocier avec les USA au lieu d’être enfermés dans une confrontation avec la Russie sans avoir eu son mot à dire sur la cause initiale de cette confrontation. Surprise formidable, par conséquent: une importante question de la sécurité européenne est modifiée de façon à concerner les Européens eux-mêmes. Plus d’un Européen devrait en être bouleversés, certains même secrètement terrorisés.


Mis en ligne le 7 novembre 2007 à 13H32

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