Hillary est-elle déjà élue?

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Hillary est-elle déjà élue?


7 octobre 2007 — GW isolé? La politique belliciste US réduite à la “folie du roi George”? Ces clichés pour commentateurs parisiens ne sont pas du goût de l’establishment. Catastrophe ou pas, on est dans la même galère. Et il se produit un fait extraordinaire.

Le Sunday Times de ce jour nous avise qu’au contraire de ce que ferait croire sa réputation d’isolé, «George Bush smooths path for Hillary». Cela signifie, pour rester dans un langage extrêmement conformiste, que GW prépare une transition avec celle qu’il croît être la future présidente et, d’une façon plus générale, avec une administration démocrate dont il pense qu’elle lui succédera. En termes un peu plus nets, cela signifie que GW Bush vérifie qu’il verrouille bien la prochaine administration à sa politique belliciste, — et cela, avec l’approbation générale, de l’establishment à Hillary elle-même. En un mot, tout le monde est d’accord.

L’article annonce qu’un pas important, concret, vient d’être franchi avec la nomination de John Hamre à la fonction de président du Defense Policy Board (DPB). L’opération est conduite par Robert Gates, qui serait l’homme idéal de la transition et de la continuité. Le fait extraordinaire, qui indique le caractère extraordinaire de la situation, est que cette décision est officiellement présentée comme un acte effectif de continuité entre deux administrations qui se succèdent puisque la nomination d'Hamre est accompagnée de l’annonce que le DPB aura désormais pour mission “de préparer la transition vers une nouvelle administration en 2008”.

«In the clearest sign of a shift in gear, Gates is to appoint John Hamre, a former official in President Bill Clinton’s administration, to chair the Defense Policy Board once led by Richard Perle, a leading neoconservative advocate of the invasion of Iraq. The board’s job will be to prepare for the transition to a new administration in 2008, according to a Pentagon spokesman.

»Hamre, who was Bill Clinton’s deputy defence secretary in the 1990s, has been highly critical of the conduct of the war on terror. In The Washington Post last year he wrote: “The policies that led to Guantanamo Bay, Abu Ghraib, secret renditions and warrantless wiretaps have undermined America’s towering moral authority.”

»In common with Gates, Hamre is sceptical about the value of the Iraq troop surge. He recently served on a bipartisan commission on Iraq chaired by James Jones, the former Nato commander. In evidence to Congress last month, Hamre said: “Absent political reconciliation, it’s hard to see how this [the war] ends well.”

»However, Hamre, who heads the influential Center for Strategic and International Studies in Washington, also argued that America “will be hurt if we crawl out or run out of Iraq”. He believes the next president should maintain a vital but scaled-down presence in the country in order to oversee the training of Iraqi security forces and to “direct operations against known bad guys”.

»Lawrence Korb, a defence expert at the Center for American Progress, a Democratic think tank, described Hamre’s imminent appointment as a “brilliant move” which would mark a dramatic break with Perle’s era. “Most people think the next president will be a Democrat and Gates, who has been around for a long time, believes it is his job to ensure that national security is not affected,” Korb said.

»Clinton has been sidestepping calls to pull US troops out of Iraq if she wins, sticking to a broader promise to begin a phased withdrawal. In a recent television interview, the New York senator refused to state that all US combat troops would leave Iraq by the end of her first term in office. She voted in the Senate last month to designate the Iranian Revolutionary Guards a terrorist organisation.»

Plusieurs autres points sont à considérer:

• Une autre nomination dans le même sens, avec la même interprétation: «The Treasury, under Henry “Hank” Paulson, has also been appointing Democrat supporters to senior positions. Robert Novak, the conservative columnist, reported that Paulson last week named Eric Mindich, a leading Democratic fundraiser, for a key role as an adviser on financial markets. One Republican in the Bush administration wrote disapprovingly in an e-mail: “This leads some to wonder whether this Treasury has become the preplaced Hillary Clinton team.”»

• Prédécesseur le plus fameux de Hamre à la tête du DPB (il démissionna de ce poste fin mars 2003 à la suite de révélations de Seymour Hersh sur ses pratiques affairistes), Richard Perle a eu des mots tendres pour cette décision. Cela signifie que les néo-conservateurs, loin d’être éliminés, jouent le jeu washingtonien, notamment parce que cela leur convient professionnellement (ils en vivent grassement) et que cela leur convient politiquement. Selon le Sunday Times: «Perle believes that Clinton might be prepared to order military strikes against Iran if President Mahmoud Ahmadinejad takes Tehran’s nuclear programme to the brink. “If President Clinton is informed in March 2009 that we’ve got ironclad intelligence that if we don’t act within the next 30 days it’s going to be too late, I wouldn’t begin to predict what she would do,” Perle said. “Nobody wants to act before it is absolutely essential . . . but things can change very quickly.”

»Perle is generous about the appointment of Hamre, arguing that the Defense Policy Board has a tradition of bipartisanship. “He’s an experienced professional and a very good choice,” Perle said, noting that George W Bush had kept on George Tenet, a Clinton appointee, as CIA chief after winning the 2000 election.»

• Le même article met en évidence les bons sentiments de GW vis-à-vis de son successeur éventuel/probable/déjà désigné, ce qui nous donne les platitudes habituelles, par ailleurs complètement vraies: «Bush believes Clinton will win the Democratic nomination and has privately advised her not to voice antiwar rhetoric on Iraq that she may come to regret, according to a new book, The Evangelical President, by Bill Sammon. “It’s different being a candidate and being the president,” Bush said. “No matter who the president is, no matter what party, when they sit here in the Oval Office and seriously consider the effect of a vacuum being created in the Middle East . . . they will then begin to understand the need to continue to support the young democracy.”»

Est-il nécessaire de voter en novembre 2008?

Nous assistons à une extraordinaire manœuvre. L’establishment, GW Bush compris en l’occurrence, est en train d’installer Hillary Clinton comme 44ème POTUS (pour ceux qui hésiteraient: POTUS pour “Président Of The United States”). A temps extraordinaires, manœuvre extraordinaire. L’establishment est tellement tétanisé par les événements qui affectent la politique US qu’il prend des précautions extraordinaires pour tenter de contrôler sa propre situation, y compris cette décision de paraître préjuger de 13 mois du résultat du vote de novembre 2008, — ou bien de nous donner les résultats de novembre 2008, 13 mois à l’avance… John Hamre à la tête du DPB, c’est comme si nous connaissions, en plus du nom du 44ème POTUS (et éventuellement du Vice-Roi Bill et du secrétaire d’Etat Holbrooke), celui du nouveau secrétaire à la défense succédant en janvier 2009, en toute complicité, à Robert Gates.

(John Hamre est évidemment un homme sûr. Il a été n°2 du Pentagone du temps de Clinton. Homme de qualité, spécialiste des questions de défense, l’armement surtout, dont la vision a été élargie par la présidence du CSIS de Georgetown University, il sera un parfait homme de transition… et un parfait éventuel futur secrétaire à la défense. Continuité assurée.)

Il s’agit d’une initiative vraiment extraordinaire, qui pourrait figurer plus tard, selon sa fortune, comme une sorte de “coup d’Etat soft” avec lequel tout le monde est d’accord. Toutes les coutumes sont bousculées, comme si le temps se raccourcissait. (La logique traditionnelle aurait voulu que Hamre soit nommé à ce poste en novembre 2008, au lendemain de l’élection présidentielle, avec une victoire démocrate la veille.) C’est comme s’il était demandé à tout le monde, — aux adversaires démocrates d’Hillary durant les primaires, à l’adversaire républicain du candidat démocrate Hillary Clinton à partir de septembre 2008, accessoirement aux électeurs US en novembre 2008, — de se rassembler derrière la future présidente, en fait ex-future présidente puisque pas loin d’être d’ores et déjà présidente, c'est-à-dire d'ores et déjà élue.

Il est possible, c’est-à-dire qu’il est probable et même plus que les derniers engagements de Hillary, notamment son vote favorable à la motion du Sénat demandant la désignation des Gardiens de la Révolution iraniens comme “organisation terroriste”, aient rassuré complètement son futur prédécesseur, GW; ou bien ce vote fait-il partie du marché… Lee Sustar, sur le site CounterPunch ce 5 octobre, nous fait, avec un écoeurement manifeste, un tableau édifiant de l’“évolution” du parti démocrate, Hillary en tête.

« Voting to declare one of Iran's security forces a “terrorist organization.” Authorizing yet more funding for Bush's war on Iraq. Declaring that U.S. troops might occupy Iraq until at least January 2013.

»Sounds like the posturing of one of the whatshisnames running for the Republican presidential nomination. But these are the policies and political positions of the Democratic Congress and its leading presidential contenders.»

L’establishment resserre les rangs. Il désigne de facto le prochain président. Tout le monde est d’accord parce que tout le monde est sur la même galère. L’administration Billary sait déjà la politique qui l’attend et Bill fourbit ses arguments pour convaincre le Rest Of the World que America the Beautiful est de retour. Il aura fort à faire, malgré la bonne volonté de ROW. Quels que soient les arrangements de l’establishment, la galère tangue de plus en plus et il sera difficile de lui donner l’allure d’un yacht flambant neuf de milliardaire nouveau riche. L’affaire des prémisses de la succession est si bien troussée qu’on ne résiste pas à l’hypothèse de considérer comme très possible que les arrangements en question n’arrangent rien du tout, selon la longue tradition des planifications washingtoniennes débouchant sur des catastrophes.

D’autre part… Ah oui, les Américains votent en novembre 2008. La démocratie existe. Et s’ils nous faisaient une surprise, les Américains? Lee Sustar remarque: «But the anger among ordinary people that made itself felt in the 2006 elections — over the war specifically, and falling standards of livings for worker more generally — hasn't gone away.»

Puis Sustar cite Frank Rich, pour nous confirmer cette évidence que ce système n’a cessé de préparer ses coups, ses ambitions, ses desseins, pour se tromper avec une régularité qui en dit long et qui pourrait nous paraître prometteuse…

«“So nothing can go wrong for the Democrats?” wrote New York Times columnist Frank Rich. “Of course it can.” Rich points out that the Washington insiders who have already anointed Hillary Clinton as the next president “are the same political pros who predicted that scandal would force an early end to the Clinton presidency and that ‘Mission Accomplished’ augured victory in Iraq and long-lasting Republican rule.”»

Somme toute, même si tout est prévu, — et parce que tout est prévu, les 13 mois à venir ne manqueront pas de piquant.


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