Fait-on prêter serment à un saint ?

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La séance d’audition du général Petraeus, au Congrès, hier, fut marquée de divers incidents. L’ancien officier de la CIA devenu contestataire, le commentateur Ray McGovern, se trouvait dans la salle. Il remarqua que Petraeus commençait sa déposition sans avoir été invité à prêter serment. Un incident (panne de micro durant dix minutes) permit à McGovern d’intervenir par une simple recommandation : «Faites-lui prêter serment» («Swear him in»). McGovern fut invité à quitter la salle mais Petraeus ne fut pas invité à prêter serment. (D’autres incidents émaillèrent l’audition, notamment des interventions du président de la commission des forces armées de la Chambre, le démocrate Skelton, contre des activistes anti-guerre.)

Dans un texte qu’il publie aujourd’hui, McGovern remarque que cette audition non-assermentée pourrait après tout correspondre à une prudence bien compréhensible. Il observe qu’au début de son intervention, Petraeus, désireux de se démarquer des révélations du Los Angeles Times selon lesquelles son rapport a été rédigé à la Maison-Blanche, s’emmitoufle dans diverses formules qui conduisent chemin faisant à de notables contradictions. Ainsi Petraeus affirme-t-il qu’il a écrit lui-même son témoignage, qu’il ne l’a soumis à aucune censure du Congrès, du Pentagone ou de la Maison-Blanche, mais en même temps qu’il a soumis son rapport (dont le témoignage est une quasi-copie conforme) à son commandement (sa “chain of command”), — dont on sait que l’aboutissement le plus haut est le commandant en chef des armées, le président lui-même, c’est-à-dire la Maison-Blanche. Dans ce cas, l’absence de serment n’est pas un handicap.

McGovern : «If Petraeus is so honest and full of integrity, what possible objection could he have to being sworn in? I had not the slightest hesitation being sworn in when testifying before the committee assembled by John Conyers (D-Mich.) on June 16, 2005. Should generals be immune? Or did Petraeus' masters wish to give him a little more assurance that he could play fast and loose with the truth without the consequences encountered by Scooter Libby?

»With the microphone finally fixed, much became quickly clear. Petraeus tried to square a circle in his very first two paragraphs. In the first, he thanks the committees for the opportunity to “discuss the recommendations I recently provided to my chain of command for the way forward.” Then he stretches credulity well beyond the breaking point – at least for me:

»“At the outset, I would like to note that this is my testimony. Although I have briefed my assessment and recommendations to my chain of command, I wrote this testimony myself. It has not been cleared by, nor shared with, anyone in the Pentagon, the White House, or Congress.”

»Is not the commander in chief in Petraeus' chain of command?

»As Harry Truman (D-Mo.) would have said, “Does he think we were born yesterday?”»

McGovern fournit peut-être l’explication réelle en observant qu’à force d’affirmations d’innocence et d’honorabilité du général par les parlementaires, jusqu’à des communiqués pompeux diffusés par certains d’entre eux avant l’adition, avec la chasse impitoyables aux anti-guerres protestant contre les conditions de rédaction du rapport et de l’audition elle-même, on a fini par faire de Petraeus un saint. Demande-t-on à un saint de prêter serment?

La formule n’est pas seulement ironique. Il y avait en réalité une solidarité de système entre les parlementaires, démocrates compris, et le général, notamment parce que le Congrès avait entériné en décembre la nomination de Petraeus en applaudissant à ses vertus supposées, mais aussi pour des raisons plus vastes. Tous les parlementaires sont liés à un devoir d’allégeance et de soutien, par proclamation de la vertu du serviteur de l’Empire, aux forces armées et à ses généraux. En contrepartie, les généraux livrent une “narrative” de leurs guerres qui correspond aux intérêts politiques en vogue. La contestation de Petraeus, à un moment si essentiel et pour un enjeu si considérable (la poursuite de l'engagement en Irak), les mettait tous en cause.

Dans un tel cadre de sanctification et de complicité réciproque, il est très difficile pour le Congrès, et notamment la majorité démocrate,de rejeter en bloc les conclusions de Petraeus. La réalité apparue lors des auditions de cette semaine devrait être celle de la complicité générale qui les lie tous, eux qui ont tous souscrit à la politique bushiste dans l’immédiat post-9/11 par des votes quasi-unanimes. La réalité est qu'ils sont tous enchaînés à la guerre de Bush.


Mis en ligne le 11 septembre 2007 à 18H23

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