La question des représailles saoudiennes si l’enquête sur BAE avait été menée à son terme par le SFO

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Un des aspects les plus mystérieux de l’affaire BAE est la question des représailles saoudiennes, agitées par Prince Bandar au cours d’une visite à Tony Blair le 5 décembre 2006 au 10 Downing Street, au cas où le Premier ministre britannique aurait refusé de faire cesser l’enquête du Serious Fraud Office (SFO) sur les contrats Yamamah avec l’Arabie Saoudite. Des documents publiés par le Daily Mail le 12 juillet ont apporté quelques précisions qui ont permis de mesurer l’épaisseur du mystère et de confirmer son caractère explosif. Ces précisions sont notamment reprises par l’AFP (voir Defense News du 13 juillet).

«On Nov. 30, 2006, Sir Sherard Cowper-Coles, then the British ambassador to Saudi Arabia, warned the SFO that Riyadh’s cooperation on counter-terrorism was being put at risk by the probe.

»The SFO investigation closed on Dec. 14 last year, with then prime minister Tony Blair citing counter-terrorism grounds and its potential to harm Britain’s interests.

»Cowper-Coles’s warning to SFO director Robert Wardle came to light in confidential papers obtained by the Daily Mail newspaper under the Freedom of Information Act.

»The papers were drawn up on Wardle’s behalf by the Treasury Solicitor’s Department, which provides legal services to government departments and public bodies.

»They disclose a meeting between Wardle and Cowper-Coles. “During this meeting [Wardle] received direct confirmation from the ambassador that the threats to national and international security were very grave indeed,” the papers said.

»“As he put it, British lives on British streets were at risk.” The pair had two further meetings, at which Cowper-Coles described the danger of Saudi Arabia withdrawing its cooperation on counter-terrorism as “real and acute.”

»“He expressed the view that the Saudi Arabians were not bluffing and there was a real threat to U.K. lives,” the papers said.»

Ces révélations confirment l’interview d’un Robert Wardle (directeur du SFO) fort embarrassé, le 11 juin à la BBC, dans l’émission Panorama qui impliquait Prince Bandar. Wardle parlait des menaces saoudiennes de cesser la collaboration anti-terroriste avec Londres si l’enquête sur Yamamah n’était pas interrompue, dans des termes aussi ambigus que ceux qu’on rapporte ci-dessus. Wardle parlait aussi de circonstances telles que «British lives on British streets were at risk». Est-ce une simple image décrivant des conséquences indirectes possibles (absence de renseignement en raison de la cessation de la coopération saoudienne rendant impossible d'empêcher de possibles attentats au Royaume-Uni), ou est-ce une hypothèse plus directe?

En des termes plus nets, cette hypothèse serait : les services de renseignement saoudiens ont-ils aussi les moyens de laisser faire ou de faciliter/de commanditer des attentats terroristes, — et alors la menace aurait été beaucoup plus significative puisqu’il se serait agi de celle de l'organisation d’attentats terroristes à Londres et non plus de leur possibilité par absence de renseignement? On retrouve toute l’ambiguïté de la politique saoudienne, qui est assez proche de la position pakistanaise: à la fois engagée dans la lutte anti-terroriste aux côtés des Occidentaux (des Anglo-Saxons) mais, par d’autres canaux très proches à l’intérieur de leurs services, alimentant certains réseaux terroristes…

Il s'agit du tribut d’une histoire très complexe du terrorisme, où Saoudiens et Américains furent à l’origine de la formation des groupes islamistes, notamment de celui de Ben Laden (en Afghanistan, contre les Soviétiques dans les années 1980) ; où les mêmes soutinrent des groupes islamistes en Bosnie-Herzégovine dans les années 1990… Tout cela, jusqu’au 11 septembre 2001, où l’allié (terroriste) d’hier devient officiellement l’ennemi maudit d’aujourd’hui, — alors que la plupart des auteurs de l’attaque du 11 septembre s’avéraient être citoyens saoudiens. Les rapports avec l’Arabie sont marqués de ces contradictions particulièrement difficiles à assumer. Les questions qu’on se pose sur les véritables menaces adressées aux Britanniques pour faire cesser l’enquête sur Yamamah sont complètement justifiées.


Mis en ligne le 16 juillet 2007 à 09H13