“Manque d’expérience” ou “incompétence” : est-ce l’atout irrésistible ?

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Une nouvelle vedette politique est en train de s’affirmer aux USA : le jeune sénateur démocrate Barack Obama. Sa victoire massive dans l'Illinois, le 7 novembre, a été marquante. Le Guardian observe aujourd’hui que les pressions grandissent pour qu’il envisage une candidature présidentielle. Les commentaires deviennent enthousiastes, comme un “rayon de soleil” dans la morosité ambiante : «As Joe Klein put it in his Time profile: “Obama seemed the political equivalent of a rainbow — a sudden preternatural event inspiring awe and ecstasy.”»

Première remarque, d’une importance évidente : Obama est noir, — ou plutôt : demi-noir… Grosse affaire aux USA. Quelques mots là-dessus.

«His mother was white and from Kansas and his father was from Kenya and bequeathed his name to his son, but left the family to return home when Barack Jr was just two. Mr Obama plays heavily upon his racial and cultural origins in his books and speeches, endearing him to black and white audiences alike.

»Then there is his age, at 45, which sets him apart from Mrs Clinton, 14 years his senior, and gives him claim — another parallel with JFK — to representing a new generation. It also gives him the latitude to reveal earlier youthful indiscretions: he confesses in his first book, Dreams from My Father, to having used marijuana (yes, he inhaled) and cocaine.

»But questions of race and inexperience regularly arise. “Is America ready for a black president?” is hurled even more frequently at him than the question of a woman president is at Hillary. He faced it squarely on Sunday.

»“Race is still a powerful force in this country, and there are certain stereotypes I will have to deal with. But I find that when people get to know you they will judge you on your merits.”»

On a vu aussi qu’il est question d’inexpérience. C’est un autre argument, peut-être encore plus intéressant. Argument, certes — mais positif ou négatif ?

«His lack of experience is harder to answer. Mr Obama has spent just two years in the Senate compared with Mrs Clinton's six, or John Kennedy's 14 years in Congress before he became president.

»Crucially, though, lack of experience is an advantage when those with experience are perceived to have got the US into such a mess. It means he is free of awkward voting histories — he can claim to have opposed the Iraq war when Mrs Clinton backed it.

»When he stood up before the crowd in New Hampshire, he played on that: “We must understand that the might of our military has to be matched by the strength of our diplomacy.”»

Assez curieusement, cet “argument” a un écho en France, avec Ségolène Royal (qui, elle, présente l’autre “nouveauté” d’être une femme, — sans être noire, semble-t-il, — autre question du même type que celle de “un Noir président ?”). Royal est effectivement souvent accusée d’inexpérience, ou d’incompétence. Est-ce une accusation ?

Le sympathique et compétent journaliste Eric Zemmour, du Figaro, répète souvent dans l’émission hebdomadaire Ca se dispute (sur I-TV), talk-show dont il est un des trois animateurs, que Ségolène est “incompétente”, — pour aussitôt ajouter que ce n’est pas un “défaut” en la circonstance. Zemmour répète souvent la chose, comme il l’a encore répétée vendredi dernier: «Mais ce n’est pas du tout un argument contre elle que je dis là. Au contraire, c’est un avantage. Les Français en ont tellement marre de leurs élites, des gens compétents qui la forment et qui ont produit la situation qu’on a aujourd’hui, que l’incompétence est devenue un avantage. Pour elle, c’est un atout…»

Alors, Ségolène-Barack, même combat ? Les choses vont tellement vite que la “nouveauté” de Barack est en train de supplanter celle d’Hillary Clinton chez les démocrates, — pourtant une femme candidate potentielle à la présidence, tout de même. Ce défilé des nouveautés et cette sorte d’arguments mesurent l’impuissance et la folie qu’est devenue la politique en Occident, à l’heure de la dissolution et de la corruption des élites. En France et aux USA, pour une fois bien plus proches qu’on a coutume de les voir, la chose est éclatante.


Mis en ligne le 12 décembre 2006 à 04H43