Le spin doctor, la dépression, le virtualisme et la crise de la civilisation occidentale

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Alastair Campbell, venu de la presse britannique, fut, pendant les années cruciales, le conseiller pour les communications en titre de Tony Blair. C’est lui qui, en avril 1999, débarqua à l’OTAN, conquérant, et vira toute l’équipe de communication de l’OTAN (le porte-parole Jamie Shea en tête) pour assurer la “promotion” de la guerre du Kosovo. C’est lui qui, plus fameusement encore, assura toute la “promotion” de l’avant-guerre en Irak pour Tony Blair puis les suites, jusqu’à son départ de Downing Street en 2004.

Aujourd’hui, dans deux articles dans The Independent, Campbell révèle ce que fut son état durant toutes ces années : une terrible dépression. Le sommet de cette dépression fut atteint lors du suicide du Dr. Kelly (juin 2003), ce spécialiste des armes chimiques qui avait révélé combien le cas des ADM de Saddam Hussein avait été déformé par le ministère de la défense pour donner un argument à l’équipe Blair pour partir en guerre (la mort de Kelly fut suivie d’une enquête publique avec des auditions de dirigeants politiques — dont Campbell et Blair — dirigée par le juge Hutton).

«In an exclusive interview with The Independent on Sunday, Mr Campbell reveals how he told the Prime Minister about his mental health problems. He talks about the “nightmare” impact of the Hutton inquiry, how the death of Dr David Kelly was his “worst day” — and how his experience of a crippling breakdown in his 20s helped him to cope. He said: “It [the Hutton saga] was one of those episodes where things spiralled out of control... I felt completely confident in relation to the facts but during the whole period it was a nightmare. And you are thinking, ‘There's this guy for whom it's been such a nightmare he's killed himself’”.

»He has chosen to give a frank account of living with depression, ahead of World Mental Health Day this week, to highlight the stigma faced by sufferers of mental illness. It also follows the revelation by David Blunkett this weekend that the former home secretary suffered clinical depression as a result of his affair with Kimberly Quinn.

»On Tuesday, Mr Campbell will make his first major public speech on mental health at the Mental Health Media Awards in London, where he is expected to highlight “the worrying” association between violence and mental illness by some sections of the press.

(…)

»At times, Mr Campbell says, he was so depressed that “you wake up and can't open your eyes, you can't find the energy to brush your teeth, the phone rings and you stare at it endlessly”. He tells how, while head of communications at No 10, work was a deliberate distraction from his lows, but that he missed one media briefing because his illness left him unable to “face doing it”.»

Ces révélations sont époustouflantes pour ce qu’elles nous disent, non seulement des tensions de la vie politique, non seulement des tensions en temps de crise, — mais, à notre sens, et plus encore, des tensions imposées aux psychologies par le virtualisme dont Campbell était un maître. Lorsque Campbell dit sa préoccupation du “rapport entre la violence et l’équilibre mental dans certains domaines des médias”, nous aurions tendance à observer que cette violence est d’abord due à l’obligation, même inconsciente, faite à la psychologie d’accepter les travestissements de la réalité à cause du virtualisme. Le mensonge est certainement l’une des plus violentes pressions que puisse subir la psychologie de ceux qui le soutiennent et l’affirment, lorsqu’il est construit délibérément (mais pas nécessairement consciemment, en tant que tel) sur un long terme, pour satisfaire aux exigences du virtualisme. Les heurts constants entre la virtualité ainsi construite et la réalité engendrent cette violence dont la psychologie est la victime.

Les révélations de Campbell sont importantes. Elles affaiblissent les thèses ‘complotistes’ au profit d’une analyse privilégiant l’existence d’un système obligeant ceux qui le servent au virtualisme, avec toutes les conséquences qui en découlent. Lorsque Campbell remarque : «I felt completely confident in relation to the facts», on se permettra de remarquer que ce n’est pas pour autant que les faits sont avérés. C’est une psychologie dépressive et malade qui se sent ainsi en confiance avec les faits, ce qui n’est pas un signe encourageant pour conclure à la véracité des faits. A partir de là, on comprend qu’il existe un climat de “violence” lorsqu’on est confronté à d’autres personnes ou aux simples informations du monde, qui présentent des faits différents et qui, peut-être, sans doute, ne font que montrer la réalité.

Les révélations de Campbell alimentent la thèse selon laquelle, aujourd’hui, la crise politique et morale du monde occidental, et les politiques catastrophiques qui en découlent, relèvent de la psychologie, conduite à la pathologie par le virtualisme. The Independent observe encore : «One in four of the UK population will be affected by depression at some point. But the World Health Organisation is warning that depression and mental health problems will be the second-biggest disease burden by 2020.» Il est évident que le monde politique, placé au premier rang des pressions exercées sur la psychologie par le virtualisme, est et sera le premier à souffrir de cette évolution pathologique. Cela ne présage pas un avenir brillant pour le monde occidental et la civilisation en général.


Mis en ligne le 8 octobre 2006 à 08H46