Est-ce la première insurrection contre le mensonge?

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Suivez donc avec une attention en éveil les troubles qui ont envahi les rues de Budapest-by-night. Pour la première fois, l’ex-“paradis socialiste” devenu “neo-paradis capitaliste” en Europe de l’Est, est confronté à des troubles sérieux portant sur la substance de la révolution apportée par l’Ouest. Au mensonge idéologique du communisme auquel personne ne croyait et qui ne tenait que grâce à la menace de déportation policière a succédé le mensonge capitaliste auquel tout le monde est prié de croire, sous peine de se voir privé de la vertu conformiste qui est la clef de l’abondance libérale et précipité dans l’opprobre et le marasme.

Mais il y a eu la gaffe du Premier ministre en cours, de déclarations reconnaissant, pour son compte, le mensonge et la duplicité courantes dans n’importe quel parti démocratique avide de gagner les élections. Vingt-cinq minutes d’enregistrement incognito qui font du bruit. Selon le Boston Globe/AP du 18 septembre :

«The tape was made at a closed-door meeting in late May, weeks after Gyurcsany's government became the first in post-communist Hungary to win re-election.

»It seemed to confirm the worst accusations leveled at him by the center-right opposition during the campaign — that Hungary's state budget was on the verge of collapse and that Gyurcsany and his ministers were concealing the truth to secure victory.

»Adding spice to the scandal, Gyurcsany's comments were full of crude remarks and called into doubt the abilities of some of Hungary's most respected economic experts.

»“We screwed up. Not a little, a lot,” Gyurcsany was heard saying. “No European country has done something as boneheaded as we have.”

»The prime minister also told colleagues the government needed to end its duplicitous ways. “I almost died when for a year and a half we had to pretend we were governing. Instead, we lied morning, evening and night. I don't want to do this anymore,” he told his fellow Socialists.

»The 45-year-old Gyurcsany, his party's golden boy since he was elected prime minister in late 2002, said the economy had been kept afloat only through “divine providence, the abundance of cash in the world economy and hundreds of tricks.”»

Le plus étonnant est donc que ces aveux contiennent également les remords et l’écoeurement de l’homme qui est le coupable, pour ce qu’il a fait, pour ce que le système, en vérité, oblige à faire. Un texte d’AP/International Herald Tribune du 20 septembre ajoute ce constat qui va dans le même sens qui nous fait conclure à l’insupportabilité du mensonge imposé par le système, même par ceux qui y sont le plus rompus : «When confronted with initial excerpts of the 25-minute recording that state radio put up on its Web site Sunday afternoon, Gyurcsany not only confirmed the tape's authenticity but seemed relieved his comments had been made public.»

Le commentaire fait par le journaliste, qui explique cet élan d’humanité évidente même chez les plus compromis par l’habituelle analyse assez minable des philosophes-journalistes postmodernes, nous semble par contre détestable, au moins autant que les mensonges eux-mêmes : «hat led some people to speculate the tape might have been released by Gyurcsany's own office, arguing he might hope a scandal could work in his favor by revealing the full extent of Hungary's economic malaise and casting him in the role of its savior.»

L’enregistrement et ses suites sont donc pleins d’enseignements.

Les événements de Budapest le sont aussi, pleins d’enseignements. Car l’insurrection contre le mensonge continue à battre son plein avec une deuxième nuit consécutive d’émeutes, décrite par la même analyse AP du 20 septembre. Là aussi, le mouvement est porteur de toutes les ambiguïtés : un mouvement de révolte justifié contre le coupable qui devient le lampiste lorsqu’on découvre que ceux qui, en arrière-plan, le dénoncent (les autres partis politiques), en font autant. Une belle mise à jour de toutes les contradictions qu’engendre le système où nous évoluons, dont l’effet est d’imposer la complicité de l’homme jusqu’à la complète perversion de sa psychologie. On (l’Histoire) découvrira un jour que cette “liberté”-là du libéralisme-capitaliste vaut bien la “justice” sociale promise par le communisme-goulag, quant à l’effet sur la psychologie et sur l’âme, — ô combien.


Mis en ligne le 20 septembre 2006 à 14H02