L’offensive finale de Rumsfeld

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Tout le monde fait grand cas du grand discours prononcé par le secrétaire à la défense Rumsfeld le 29 août, à Salt Lake City, devant l’American Legion. Le discours avait comme sujet l’Irak, mais surtout l’attitude de ceux qui, aux USA, critiquent la politique US en Irak. Rumsfeld a fait l’historien, parlant de 1919 et du Traité de Versailles conduisant à la période d’“apeasment” des années 1930. Bien entendu, ceux qui s’opposent à la politique irakienne de l’administration sont comparés à ceux qui, dans les années 1930, pratiquèrent cette sorte de capitulation avant l’heure devant Hitler.

Il y a eu de nombreuses réactions aux USA, souvent très vives devant la violence des attaques de Rumsfeld. Les démocrates, par exemple, protestent hautement, d’autant que l’affaire a évidemment ses connotations électorales. William M. Atkin, dans le Washington Post, nous explique que, pour Rumsfeld, l’ennemi “c’est nous” (les Américains) :

« Secretary of Defense Donald Rumsfeld delivered a fire-and-brimstone speech at the American Legion's annual convention yesterday — after acknowledging young soldiers serving in Iraq and giving the boy scouts a shout-out, the secretary wove an elaborate picture of an enemy made up of terrorists, morally misguided Westerners, disagreeable military strategists, and a cynical news media.

» Rumsfeld stated there could be no appeasing the enemy and any “any moral or intellectual confusion about who and what is right or wrong can weaken the ability of free societies to persevere.”

» The “who” Rumsfeld is talking about is himself.

» Rumsfeld is the “who” that is right, and everyone who disagrees is not only wrong, but a danger to freedom. »

D’accord, Rumsfeld est Rumsfeld, ce qui n’est pas peu dire. Ses arguments sont à mesure de cette extraordinaire folie de mettre en parallèle cette guerre virtualiste de A à Z qu’est la “grande guerre contre la terreur”, et la Seconde Guerre mondiale, — puisque c’est leur référence complètement indépassable. Il ne devrait même pas être nécessaire de riposter, tant l’image est absurde, si cela avait été proclamé dès le début (dès 9/11). Dans ce cas, Rumsfeld ne ferait pas de ces discours car il n’aurait pas matière à le faire, — et, d’ailleurs, il ne serait plus au Pentagone.

Car on en vient finalement à ceci : qui a soutenu, après 9/11, avec une unanimité extraordinaire, les projets et les conceptions de l’administration ? Qui a voté comme le fit le Congrès, en octobre 2001, pour le Patriot Act ? Qui a soutenu la guerre contre l’Irak et a longuement argumenté depuis, en disant que les USA n’en faisaient pas assez (Hillary Clinton, le sénateur Joe Biden, jusque et y compris Kerry pendant sa campagne) ? Et ainsi de suite. La cause de la guerre en Irak devenant décidément insupportable, les rangs des partisans commencent à s’éclaircir, — trois ans et demi après le commencement de cette guerre.

Les arguments de Rumsfeld sont totalement surréalistes. Ils ressortent du virtualisme pur et simple. Mais le reproche qu’il fait à ses adversaires d’aujourd’hui n’est pas autre que celui de quitter le bateau du virtualisme qui commence à sombrer, après avoir navigué à son bord sans trop s’en plaindre, et avoir largement participé à la manoeuvre. Les excès de Rumsfeld ne sont pas plus méprisables que l’inconséquence de ceux qu’il cloue au pilori.


Mis en ligne le 1er septembre 2006 à 13H43